chaînes de valeur mondiales

Les chaînes de valeur mondiales

La croissance des chaînes de valeur mondiales est l’une des principales caractéristiques de ce qu’il est convenu de dénommer la deuxième vague de la mondialisation qui a débuté dans la deuxième moitié du XXe siècle. L’invention de la machine à vapeur au XVIIIe siècle a lancé la première vague de la mondialisation, qui a culminé au début du XXe siècle. Au cours de cette première vague, le commerce international concernait essentiellement les produits de base et les produits manufacturés entièrement assemblés. Au cours de la deuxième vague de la mondialisation, le commerce international a été marqué par le dégroupement du processus de production et la réalisation des différentes phases de la production à divers endroits du monde entier. En conséquence, la structure des échanges commerciaux a changé, devenant multidirectionnelle et portant sur des produits intermédiaires dans des branches d’activité données.

Les chaînes de valeur mondiales (CVM) désignent l’ensemble des activités productives réalisées par les entreprises en différents lieux géographiques au niveau mondial pour amener un produit ou un service du stade de la conception au stade de la production et de la livraison au consommateur final. Ces activités englobent selon les cas la recherche‑développement, la conception, la production, la commercialisation, la distribution, la vente au détail, et parfois même la gestion et le recyclage des déchets. Les CVM cherchent à estimer « la valeur ajoutée créée par chaque pays dans la production de biens et services qui sont échangés et consommés dans le monde entier ». Les biens intermédiaires et les biens d’équipement professionnels représentent presque les deux tiers du commerce mondial de biens, le reste étant constitué de biens de consommation et de produits agro-alimentaires. Autant dire que les importations concernent surtout des consommations intermédiaires et la FBCF dans un pays comme la France bien plus que les achats des ménages.

La mondialisation économique a conduit à un monde plus connecté ayant des répercussions profondes sur les modes de production, le commerce international, les investissements étrangers, la croissance économique, le marché du travail et de nombreux autres secteurs de l’économie. L’augmentation des interactions transfrontalières et l’ouverture croissante des nations posent également des problèmes de mesure aux fournisseurs de données micro- et macroéconomiques, tandis que l’interprétation et l’application des statistiques deviennent elles aussi plus difficiles. Du fait de la mondialisation, l’importance des frontières légales nationales tend à s’estomper et il pourrait devenir plus difficile d’appliquer les définitions classiques distinguant entre les activités économiques internes (domestiques ou nationales) et externes (étrangères). Il est, dès lors, plus problématique, dans certains cas, de définir la ligne de démarcation entre les unités économiques résidentes et non résidentes, une distinction majeure pour les statistiques macroéconomiques.

Lorsqu’on acquiert un nouveau Smartphone, qu’achète-t-on exactement? Un téléphone comporte un grand nombre de pièces et de composants fabriqués dans le monde entier et son prix doit tenir compte du coût de ces derniers. Il Convient également de tenir compte dans le prix du travail fourni par les personnes qui ont fabriqué les composants et assemblé le produit final, ainsi que des services tels que le transport ou la vente au détail du produit dans un magasin ou en ligne. Et, surtout, le prix prend en considération le capital immatériel, à savoir la technologie qui fait fonctionner le Smartphone, son design et sa marque. Le capital immatériel est l’un des facteurs déterminants du succès sur le marché, à savoir quelles entreprises réussissent et quelles autres échouent. Comment les entreprises gèrent-elles leurs actifs incorporels dans les chaines de valeur mondiales et quel rôle la propriété intellectuelle joue-t-elle dans la rentabilisation de ces actifs? Et enfin comment les statistiques du commerce extérieur enregistrent la valeur de leurs flux entre les pays?

 

The growth of global value chains is a key distinguishing feature of the so-called second wave of globalization that set in some time in the second half of the 20th century. The invention of the steam engine in the 18th century unleashed the first globalization wave, which peaked early in the 20th century. International commerce during the first wave mostly consisted of trade in commodities and fully assembled manufactured goods. What stands out about international commerce in the second globalization wave is the unbundling of the production process and the spreading of different production stages across different locations around the world. As a result, trade patterns have shifted toward multidirectional trade in intermediate goods within particular industries.

Global value chain (GVC) refers to the set of productive activities performed by companies in different geographical locations around the world so that to bring a product or a service from design stage, to production stage, and delivery to final consumer. These activities may include research and development, design, production, marketing, distribution, retailing, and even sometimes waste management and recycling. GVCs aims to estimate « the value added created by each country on production of goods and services traded and consumed worldwide ».  Intermediate and capital goods account for almost two-thirds of world trade in goods. The rest consists of consumer goods and agri-food products. It’s as good as to say that global importations in a country like France are related more to intermediate consumption and Gross fixed capital formationt han to households’consumption. .

Economic globalisation has led to a more connected world with a profound impact on production patterns, international trade, foreign investment, economic growth, the labour market and many other sectors of the economy. Increasing cross-border interactions and the increasing openness of nations also pose measurement problems for micro- and macroeconomic data providers, while the interpretation and application of statistics are also becoming more difficult. As a result of globalisation, the importance of national legal boundaries tends to blur and it may become more difficult to apply the traditional definitions distinguishing between internal (domestic or national) and external (foreign) economic activities. It is therefore more problematic in some cases to define the dividing line between resident and non-resident economic units, a major distinction for macroeconomic statistics.

A consumer buys a new smartphone. What exactly is she paying for? The phone consists of many parts and components manufactured all over the world, and the price needs to cover the cost of those. She is also paying for the labor of the people who made the components and assembled the final product, and for services such as transportation and the retailing of the product in a physical store or online. And, very importantly, he is paying for intangible capital – the technology that runs the smartphone, its design and its brand name. Intangible capital is crucial in determining success in the marketplace – which companies succeed and which fail. How do companies manage their intangible assets in global value chains, and what role does intellectual property (IP) play in generating a return on these assets? And finally, how do foreign trade statistics record the value of their flows between countries?

 

 

«Le même produit reçoit ou peut recevoir une première façon chez un peuple, une seconde chez celui-ci, une troisième chez celui-là. et ainsi de suite; il traverse ainsi cinq ou six frontières et s’élabore cinq ou six fois avant d’arriver au main du négociant qui le vend auprès ou au loin, dans sa propre ville ou dans un autre hémisphère. Voilà de la mousseline qui a peut-être été tissée en Saxe avec du filé de Manchester obtenu avec un mélange de cotons récoltés à Surate dans l’Inde, à Mobile aux États-Unis ou en Égypte; elle va se faire broder à Nancy pour être vendue à Philadelphie ou à Canton ou à Batavia (Java), après avoir passé par l’entrepôt de New-York, ou celui de Hong-Kong ou celui de Singapour. », Michel Chevalier à l’occasion de l’exposition universelle de Londres de 1851.

« Notre façon même de commercer a connu une énorme mutation.  Auparavant, les biens étaient fabriqués au Mexique ou à Maurice ou en Malaisie.  Désormais, ils sont fabriqués dans le monde.  Du fait de l’expansion des chaînes de valeur mondiales la plupart des produits sont fabriqués à partir d’intrants venus de différents pays.  Les produits franchissent les frontières à maintes reprises aux différents stades de la fabrication.  Le commerce des biens intermédiaires est le secteur le plus dynamique du commerce mondial».  Pascal Lamy.

 

Sommaire

I – DES ÉCHANGES MONDIAUX AUX CHAÎNES DE VALEURS MONDIALES (CVM)

II – LES BIENS ET LES SERVICES INTERMÉDIAIRES, LES BIENS D’ÉQUIPEMENT, MOTEUR DES ÉCHANGES MONDIAUX

III – LE CAPITAL IMMATÉRIEL DANS LES CVM

IV – UN TES MONDIAL POUR MESURER LES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES

V – LES 6 CAS D’ASYMÉTRIES DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

VI – LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

VII – LES DIVERSES FORMES DE DÉLOCALISATION : PARTIELLE OU TOTALE

VIII – LES ENTREPRISES MULTINATIONALES

IX – RALENTISSEMENT DE LA MONDIALISATION DEPUIS 2009

X – QUELQUES RÉSULTATS DES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES

 

 

Résumé

° Il existe de multiples définitions des CVM. Une chaîne de valeur mondial (CVM) est un concept développé par M. Porter en 1985. Ce dernier entend « le processus de production au sens large, c’est à dire avec la production, la finance, les ressources humaines, la recherche et le marketing. Toutes ces étapes sont organisées par l’entreprise ou une organisation afin d’obtenir un avantage concurrentiel ».

° Des définitions plus récentes ont été données : «Une CVM est aussi définie comme un processus de production qui tient compte de la valeur ajoutée d’au moins deux pays. En tant que telle, cette notion de CVM se caractérise par l’utilisation croissante de la valeur ajoutée étrangère dans la production, en particulier lorsque cette production est destinée à l’exportation». Cette dernière définition est indépendante de la forme spécifique sous laquelle la valeur ajoutée étrangère est incorporée dans la production, et cohérente avec diverses configurations des CVM.

° Plusieurs objets sont concernés : pays / zones économiques, secteurs / filières, produits, matières premières. La mesure de la dépendance et de la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement dépend avant tout de l’approche que l’on adopte pour la définition et la mesure des chaînes d’approvisionnement, ici les CVM.

 

° Les CVM recouvrent ainsi la fragmentation des processus de production mise en œuvre à l’échelle planétaire. Pour rester compétitives (l’avantage concurrentiel se développe en réalisant chaque étape dans le pays dont la production est la plus efficace), les entreprises organisent de plus en plus leur production à l’échelle mondiale et font de plus en plus appel à des fournisseurs situés dans le monde entier.

° La mondialisation se définit souvent selon cinq composantes : le commerce international, les investissements directs étrangers (IDE), la connaissance (les brevets), la finance (les capitaux à court terme) et les migrations internationales (migrations, voyageurs, transporteurs, étudiants,…). On s’intéresse ici aux trois premiers aspects. Mais on peut ajouter que les CVM se sont développées presque en même temps que la financiaristation des économies et ont pris leur envol au même moment que la nouvelle économie des TIC, au début des années 1990 (voir page Économie numérique).

° Elle a pris une dimension nouvelle durant la décennie 90. Il ne s’agit plus seulement d’exporter et d’importer de plus en plus des produits bruts comme depuis le début des années 60; ni même de faire des investissements directs étrangers (IDE). Il s’agit de faire fabriquer un produit par de multiples intervenants de différents pays qui chacun apporte une valeur ajoutée supplémentaire [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page). Les activités vont des services en amont (conception du produit, R&D) aux services en aval (transports, logistique, distribution), en passant par la fabrication. Ces 3 formes se conjuguent. Parfois, la dernière concerne des pays éloignés. Mais parfois aussi, elle a lieu entre des pays proches (Allemagne et pays d’Europe de l’Est).

° Les entreprises se spécialisent moins dans la production d’un bien que dans une étape de sa fabrication. Pour rester compétitives, elles ont organisé leur production à l’échelle mondiale, divisant leurs chaînes de valeur en parties plus petites fournies par un nombre croissant de fournisseurs situés dans le monde entier. Les CVM qui en résultent comprennent l’éventail complet des activités nécessaires pour amener un produit ou un service depuis la conception jusqu’aux différentes phases de production, de livraison aux consommateurs finaux. Isoler la valeur ajoutée dégagée à chacune de ces étapes constitue un enjeu important. Certains pays jouent seulement un rôle d’assemblage, sans dégager pour autant une forte valeur ajoutée, alors que d’autres se positionnent plus volontiers sur les segments à plus forte valeur ajoutée, à l’instar des secteurs de l’innovation et de la recherche.

° La réduction des barrières commerciales après 1945 et l’entrée de la Chine à l’OMC en décembre 2001, la baisse des coûts de transport, les innovations organisationnelles et les progrès des technologies de l’information et de la communication ont permis le découpage du processus de production moins cher et plus facile. Les coûts de coordination ont diminué et les différentes étapes de production sont désormais souvent situées dans deux pays ou plus. Les coûts de main-d’œuvre élevés et les réglementations lourdes dans les pays plus développés ont également contribué à accélérer le passage à travers une vague d’externalisation.

° En outre, à la fin des années 1970, s’amorce un mouvement de transferts des industries mûres, fortes consommatrices d’énergie (sidérurgie) et/ou intensive en main d’œuvre  (textile) vers les pays du Sud. L’internationalisation des chaînes de production date de cette époque.  Les entreprises multinationales (EMN) accentuent leur diversification en direction de nouveaux secteurs (l’électronique, les services,…) afin de compenser un déclin, jugé inévitable de certaines des industries qui avaient alimenté la croissance des années 1960. Déjà perçait le modèle phare des années 90 : aux économies développées, les industries peu polluantes à haute valeur ajoutée et hautes qualifications, aux pays en développement, la production de biens exigeant de lourds investissement en capital ou en fort contenu en travail peu qualifié. Ainsi l’essor de la production de TIC aux États-Unis permet des exportations vers tous les pays qui n’ont pas eu la capacité de se doter des compétences correspondantes.

° C’est l’occasion de noter le lien entre diffusion des TIC et approfondissement de l’internationalisation. D’autant que au début des années 2000, on assiste à une délocalisation de la production des téléphones portables, des ordinateurs et même des microprocesseurs dans des zones à bas coût de main d’œuvre, en accord avec un mythe de gestion émergent, à savoir l’entreprise de haute technologie sans production manufacturière (fabless : désignant ou se rapportant à une entreprise qui conçoit des micropuces mais sous-traite leur production plutôt que posséder sa propre usine. L’avantage pour les entreprises sans usine est qu’elles peuvent se lancer dans le secteur des puces sans avoir à dépenser des milliards en fabrication – voir l’exemple d’Apple au chapitre 1).

° D’ailleurs, le fossé numérique n’oppose plus d’un côté les riches pays autrefois industrialisés, de l’autre les pays pauvres de la périphérie dont certains comme la Chine ne le sont plus vraiment. Au début des années 2000, la Silicone valley a fait appel à des spécialistes venus de Taiwan, d’Inde et de Chine et de beaucoup d’autre pays. Dans un second temps, nombre de ces spécialiste sont fondé leur propre société et ont utilisé une double insertion dans les réseaux américain et domestique pour délocaliser une partie des activités qui se concentraient auparavant dans la Silicone Valley.

 

° L’essor des CVM a rendu plus importante la distinction analytique entre les échanges de biens/services intermédiaires et les échanges de biens/services finaux. 

 

° Cette page a plusieurs dimensions :

  • méthodes,
  • stratégie des entreprises multinationales,
  • quels sont les produits au cœur des CVM ?
  • facteurs de la mondialisation,
  • résultats des chaînes de valeur mondiales et du T.E.S. mondial.

° On s’appuie sur 6 bases de données : Insee, OCDE, Eurostat, OMC, Banque Mondiale, CNUCED.

 

 

 

1/ méthodes de construction des tableaux entrées sorties (TES) inter-pays

 ° Pour analyser les CVM, on peut faire des approches macroéconomiques ou à partir de données individuelles. Dans le monde réel, ce ne sont pas les pays ou les branches qui participent au commerce international, mais les entreprises. Chacune de ces approches a ses avantages et ses inconvénients : d’où la nécessité de combiner les approches. Ici on se réfère à l’approche macroéconomique..

° Trois grands types de sources existent pour mesurer les CVM :

  • les données sur le commerce international , de biens intermédiaires (UN Comtrade, Baci (CEPII), DGDDI, etc.)…
  • les TES mondiaux (Commerce en VA) (WIOD, TiVA (Ocde), FIGARO (Eurostat), Eora Global Supply Chain, etc.) 
  • les données sur les entreprises (Enquêtes, Données administratives, Supply Data Chain Bases, TVA, etc.)

° Les TES mondiaux (inter-pays) ont été construits en priorité dans l’objectif d’analyser et de suivre les chaînes de valeurs mondiales (CVM). Celles ci représentent « la valeur ajoutée (VA) créée par chaque pays dans la production de biens et services qui sont échangés et consommés dans le monde entier » (fragmentation de chaque pays dans la chaîne de production d’un produit).

° Leur construction nécessite des efforts importants pour réconcilier les exportations de chaque pays et les importations de ses pays destinataires (asymétries). On schématise ici le projet FIGARO d’Eurostat, en y retenant les principaux aspects et tableaux [2]  en montrant :

– d’une part les différents cas du commerce extérieur inter-pays complexes à traiter ,

– d’autre part  la méthode de calcul des TES inter-pays

 

° En effet, l’analyse du commerce extérieur mondial est un véritable parcours du combattant. Il y a d’énormes soucis de mesure, parfois liées à l’explosion des CVM. D’abord, les asymétries dans le commerce de marchandises entre deux pays peuvent être importantes. Sans rentrer dans le détail, l’une d’entre elles est liée à la convention selon laquelle les statistiques du commerce de marchandises enregistrent les importations par pays d’origine, tandis que les exportations sont enregistrées par pays de dernière destination connue. Comme les CVM deviennent de plus en plus complexes et que les marchandises traversent les frontières plusieurs fois avant d’atteindre les consommateurs finaux, cette convention signifie que les exportations et les importations enregistrées ne seront pas symétriques (voir page échanges extérieurs).

° À ceci, s’ajoute un autre phénomène, celui des importations re-exportées qui transitent à Rotterdam, Anvers, ou Hambourg et qui fait que la Belgique a des exportations bien plus élevées (410 Mds d’euros en 2022) vers les autres pays membres de l’UE que la France (328 Mds d’euros). Que dire de celles des Pays-Bas (655 Mds d’euros) qui cumulent le cas irlandais et le cas belge  !

° Il y a aussi la délicate comparabilité des sources en niveau et en évolution : Balance des Paiements (BdP) et comptabilité nationale (CN) avec des écarts importants par exemple en France dans les services. Tout ceci fait qu’il est très difficile de commenter les données même avec précaution. Seules les grandes tendances peuvent être sûres quand les évolutions entre les sources sont proches.

 

 

 

2/ Conséquences des chaînes de valeur mondiales sur la Balance des paiements

° Mais ces soucis de mesure ne s’arrêtent pas là.

° En premier lieu, les échanges internationaux sont  difficiles à interpréter avec le transfert des sièges sociaux ou même d’une simple entité des EMN pour bénéficier d’une fiscalité plus faible. Les actifs incorporels – bien souvent sous la forme de droits de propriété intellectuelle – sont au cœur de ces stratégies. Une pratique fréquemment constatée est celle qui consiste à manipuler les prix de transfert. Le schéma suivant en donne un exemple . La société A, établie dans un pays à taux d’imposition élevé (notamment les États-Unis), vend ses actifs de propriété intellectuelle à sa filiale B située dans un pays à faible taux d’imposition (par exemple l’Irlande); la filiale B à son tour concède ces actifs sous licence à une société liée, C, située dans un autre pays à taux d’imposition élevé. Pour autant que cette société multinationale sous-évalue le prix d’achat des actifs de propriété intellectuelle et surévalue les redevances d’exploitation de ces actifs, elle peut transférer les bénéfices des pays à taux d’imposition élevé vers le pays à faible taux d’imposition.

Transfert des bénéfices à un intermédiaire titulaire de droits de propriété intellectuelle

 

° Après IBM en 1956, les entreprises américaines du numérique (GAFAM) sont presque toutes déclarées en Irlande. Il y aurait eu dans un premier temps transfert des sièges sociaux puis progressivement création de dizaine de milliers d’emplois salariés en Irlande et donc hausse très forte de la production. En 2015, l’Irlande avait enregistré une croissance de 25 % par la simple arrivée du département de propriété intellectuelle d’Apple sur l’île. Depuis, l’unité irlandaise d’Apple est rémunérée à chaque achat d’iPhones pour l’utilisation de ses droits (voir page PIB irlandais). Et ce qui est vrai en Irlande l’est aussi en Chine.

° Mais les échanges extérieurs de biens de l’Irlande ont été aussi gonflés par le biais du travail à façon et du négoce international. Les EMN envoient des marchandises à l’étranger pour être transformées puis importent ces biens transformés qu’elles ré-exportent ensuite en prenant une marge. Le solde commercial de biens devient fortement excédentaire, entraînant une hausse du PIB irlandais.

 

° En second lieu, les stratégies des EMN de délocaliser la production de biens et de ne garder que les actifs incorporels mais au combien importants vis-à-vis de la concurrence dans le monde actuel faussent parfois les données du commerce extérieur qui prennent très mal en compte les exportations d’actifs incorporels. Or la contribution des EMN à leurs filiales prend de plus en plus la forme de l’utilisation des droits de propriété intellectuelle : brevets, savoir-faire immatériel et réseaux de commercialisation des multinationales. Par exemple, il semble évident que les statistiques commerciales actuelles ne sont pas en mesure d’enregistrer les flux commerciaux de la chaîne de valeur, et par conséquent, une part substantielle des exportations des fabricants américains sans usine est « manquante » dans les statistiques commerciales.

 

° Aussi, l’un des défis les plus complexes pour le statisticien repose sur l’apparition d’une « dichotomie entre le principe de résidence sous­-tendant le cadre statistique macroéconomique et l’empreinte mondiale des EMN. Les stratégies microéconomiques financières rompent avec les schémas traditionnels nationaux, qu’il s’agisse du morcellement des chaînes de production ou des flux financiers conduits par l’optimisation fiscale. Or, la lecture économique et géographique des statistiques de la BdP peut se voir faussée par la localisation dans des centres financiers extraterritoriaux d’investissements directs, de revenus ou de commissions pour usage de la propriété intellectuelle, engendrant notamment des asymétries dans les enregistrements nationaux.

° La remise en cause des frontières, renforcée lors de la crise de la Covid­ 19 par des phénomènes tels que le télétravail à l’échelle transfrontalière, les pratiques de consommation internationale via Internet, ou encore les services, notamment financiers, ou les investissements (localisation off-shore) peu touchés par la pandémie, bouleverse dans le même temps le concept de résidence. Or celui­-ci sous­-tend la construction même de la BdP, qui nécessite un prisme national. Un des plus grands défis de la mesure statistique consiste ainsi à savoir concilier la bonne mesure des dynamiques des entreprises et la lisibilité économique des statistiques de BdP et le cadre de mesure statistique étatique.

° Alors comment interpréter les données des tableaux et graphiques suivants? Que l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg sont des paradis fiscaux et des grands centres financiers (taux d’imposition des sociétés en Irlande : 12,5% mais parfois moins de 4% grâce au jeu des traités bilatéraux contre 25% en France). Certes pour l’Allemagne et la France, les chiffres, notamment les soldes commerciaux des services,  sont utilisables encore qu’ils ne sont pas vraiment cohérents avec les comptes nationaux pour ces 2 pays (voir ci-dessus).

° La part la plus élevée d’importations de services parmi les États membres de l’UE en 2022 était l’Allemagne (19,4 %), suivie de l’Irlande (15,7 %) et de la France (12,0 %). Comme pour l’Irlande, les parts des Pays-Bas (7,3 %) et du Luxembourg (4,7 %) étaient relativement élevées par rapport à la taille de leurs économies. Sur 354 Mds d’importations de services en Irlande, 220 Mds provenaient de deux postes : rémunération pour usage de la propriété intellectuelle et brevets ! S’agissant des exportations, celles des services de télécommunications, informatiques et d’information représentaient 196 Mds, presque 60% de ses exportations de services ! 

°  En septembre 2021, 131 pays s’étaient mis d’accord sur un nouveau régime fiscal mondial prévoyant un impôt minimum sur les bénéfices des sociétés. Le Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS a proposé des orientations techniques pour aider les pouvoirs publics à appliquer la réforme historique du système fiscal international, qui garantirait que les EMN seront assujetties à un taux d’imposition minimum de 15 %.

Tableau 30 Bdp services 2022 Eurostat

Exportations de services dans 5 pays de l’UE dont 4 sont les principaux en 2022 en milliards d’euros

Importations de services dans 5 pays de l’UE dont 4 sont les principaux en 2022 en milliards d’euros

Solde commercial de services dans 5 pays de l’UE dont 4 sont les principaux en 2022 en milliards d’euros

 

 

 

 

 

 

 

 

3/ Les biens et services intermédiaires au cœur des des chaînes de valeur mondiales

° Mais il faut à présent parler des CVM des biens et des services. Au lieu que la production intermédiaire et finale ait lieu dans un seul pays exportateur, les exportations sont plus susceptibles d’incarner des biens et services intermédiaires provenant d’un certain nombre de pays. Ainsi, la valeur et les caractéristiques des exportations ne reflètent pas seulement les capacités de production et technologiques de l’exportateur (puisque le produit n’est pas fabriqué dans un seul pays mais dans plusieurs pays). Selon l’OMC, les biens intermédiaires sont des intrants utilisés pour la fabrication d’un produit qu’il soit final ou même intermédiaire.

° Les graphiques suivants présentent les échanges de biens et de services ventilés par utilisation finale (consommation intermédiaire, consommation finale et FBCF) de l’UE avec l’extra-UE. Un bien ou service est dit intermédiaire si le principal emploi des ressources de ce bien est la consommation intermédiaire. Il est bien d’équipement si c’est la FBCF. Il est bien de consommation si c’est la CFM. En 2022, les services intermédiaires sont prédominants : 76 % des services exportés et 84 % des services importés étaient des services intermédiaires (ce qui signifie qu’environ deux à trois fois plus de services intermédiaires sont échangés que de services destinés à la consommation finale).

° Dans les biens, 52 % des biens exportés et 61 % des biens importés sont des biens intermédiaires. En comparaison, les biens d’équipement représentent 22 % des exportations et 14 % des importations, tandis que les biens de consommation  représentent 26 % tant pour les exportations que pour les importations.

° Les importations représentent autour de 30% du PIB français (ce qui équivaut au contenu en importations de la demande finale) dont 11% de manière directe (un ménage français achète une voiture allemande) et 19% de manière indirecte (l’importation d’acier – consommé au sein du processus de production – pour produire une voiture française achetée par un ménage). Ce total de 30% comprend 14,5 % par la consommation finale des ménages (CFM), 9% par les exportations, et 6,5 % par la FBCF. Le contenu en importations de la CFM représente 19,5 % de la CFM, alors que le contenu en importations de la demande finale représente 24,0 % de la demande finale. Cette différence vient du fait que les autres composantes de la demande finale ont un contenu en importations plus important : par exemple le contenu en importation des exportations représente 33 % des exportations : 6  % le sont directement (il s’agit des importations directement réexportées) et 27 % indirectement. Sur les 19,5 % d’importations de la CFM, 9 % est directement importé et 10,5 % est indirectement importé.

Commerce extra-UE de biens par utilisation finale, 2022

Commerce extra-UE de services par utilisation finale, 2022

 

 

 

 

4/ Mesurer des échanges extérieurs bruts ou nets (à partir de la production ou de la valeur aoutée) ?

° Mais cette fragmentation de la production signifie que les mesures traditionnelles du commerce, lesquelles enregistrent les flux bruts de biens et services chaque fois qu’ils traversent une frontière, peuvent présenter une image erronée de l’importance du commerce dans la croissance économique et l’emploi, et aussi de la nature structurelle des balances commerciales bilatérales.

° Alors que les chaînes de production mondiales se sont transformées en réseaux de production complexes, il est devenu de plus en plus difficile, d’un point de vue statistique, de mesurer où des biens (finaux) spécifiques sont fabriqués et par qui. En effet, une analyse de l’évolution du commerce international basée sur des mesures brutes est devenue moins précise, car les biens intermédiaires (pièces et composants) peuvent être comptés plusieurs fois lorsqu’ils traversent les frontières pour être utilisés à différentes étapes du processus de fabrication. Ce qui compte dans l’analyse économique, ce n’est pas tant de mesurer les échanges extérieurs des pays mais ces échanges en valeur ajoutée (i.e. la valeur  ajoutée de chaque pays dans les échanges mondiaux).

° L’initiative des échanges en valeur ajoutée rompt avec ce double comptage implicite des flux commerciaux bruts actuels pour s’attacher à la mesure des flux de valeur ajoutée. Par exemple, le pays A exporte pour 100 de biens entièrement produits sur le territoire vers le pays B, qui les perfectionne avant de les exporter vers le pays C où ils seront consommés. B ajoute 10 de valeur ajoutée à ces biens et exporte donc vers C pour un montant de 110. Selon les indicateurs traditionnels, la valeur commerciale totale des importations et des exportations est de 210 alors que seuls 110 de valeur ajoutée ont été générés au cours de la production de ces biens. Les indicateurs traditionnels font aussi ressortir que C affiche un déficit commercial de 110 à l’égard de B et n’a procédé à aucun échange avec A, alors que A est le premier bénéficiaire de la consommation de C. Si l’on mesure ces échanges en valeur ajoutée, C n’affiche plus un déficit commercial de 110 à l’égard de B, mais désormais un déficit de 100 à l’égard de A et de 10 à l’égard de B.

° Mais peut on mesurer correctement la valeur ajoutée de chaque pays dans les échanges extérieurs compte tenu des difficultés de leur mesure résumées auparavant ?

 

chaînes de valeur mondiales

 

 

 

 

5/ Les chaines de valeur mondiales perturbées avec de la crise de 2009 mais surtout depuis 2020

° Après la Seconde Guerre mondiale, la mondialisation suit une première phase de développement progressif de la fin des années 1950 aux années 1990. La période allant des années 1990 aux alentours de la crise financière mondiale de 2008-2009 a été l’apogée de l’expansion des CVM, surnommée l’ère de l’hyper-mondialisation.  avec une explosion du commerce mondial notamment de la Chine, des investissements des multi­nationales à l’étranger et une forte circulation internationale des capitaux. Le commerce mondial  a connu une croissance particulièrement rapide lorsque la Chine a rejoint l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en décembre 2001 et que de plus en plus de pays en développement ont adopté des stratégies d’ouverture. Les exportations brutes mondiales ont augmenté en moyenne de 8,7 % par an et les exportations indirectes (= en provenance d’un pays pour fabriquer un produit destiné à l’exportation) de 9,7 % au cours de la période 2000-2010. Les chaînes de production se sont allongées pour la quasi-totalité des secteurs entre 2000 et

° Depuis la crise financière de 2008, nous sommes entrés dans une troisième phase, durant laquelle la mondialisation économique a atteint un plateau avant de reculer un peu. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) suit régulièrement la participation des firmes aux chaînes de production mondiale et elle parle aujourd’hui de « slowbalisation », de ralentissement. Les exportations brutes et indirectes se sont considérablement ralenties au cours de la décennie suivante (2010-2019). La mondialisation ne s’est pas inversée, mais sa progression s’est ralentie. Le taux de croissance moyen des exportations brutes est tombé à 3,7 % et celui des exportations indirectes à 3,8 %.  Entre 2010 et 2019, la longueur de la production a stagné dans pratiquement tous les secteurs : elle ne s’est pas raccourcie, mais elle ne s’est pas allongée non plus. Une façon de mesurer le degré de mondialisation de la production est de regarder la part, dans la valeur ajoutée nationale, des biens intermédiaires, c’est-à-dire des produits non finis, destinés à être exportés pour être retravaillés dans un autre pays. Elle serait passée de 9,6 % en 1995 à 14,2 % en 2008 et 12,1 % en 2020; le recul est amorcé.

° Les économies deviennent trop dépendantes les unes des autres puisque d’un côté l’offre est conditionnée par l’approvisionnement des fournisseurs en intrants qui peuvent se trouver dans des pays différents avec des règles différentes face à une épidémie (confinement plus ou moins strict) mais aussi par la demande grâce à l’utilisation à l’étranger d’intrants produits sur le sol national. De plus, derrière cette double dépendance internationale s’en cache une autre celle des fournisseurs qui eux-mêmes peuvent être dépendants d’autres fournisseurs de produits.

° La pandémie de Covid-19 a montré à quel point les pays sont interdépendants [3]. En perturbant profondément cette circulation, la crise sanitaire a relancé le débat sur les vulnérabilités issues de la division internationale du travail. Les mesures de confinement ont perturbé les échanges internationaux de produits, notamment ceux des biens intermédiaires et d’équipement, qui représentent les deux tiers du commerce mondial de marchandises et sont au cœur des chaînes de valeur mondiales. Le confinement dans un pays donné a ainsi affecté la production d’autres pays, à la fois en paralysant l’accès à certains intrants intermédiaires et en réduisant la demande pour les intrants intermédiaires nationaux. Si l’intensité de ces répercussions varie au cas par cas, en fonction notamment de la spécificité des biens intermédiaires ou de la substituabilité entre les fournisseurs et entre les biens consommés, elle dépend avant tout de l’importance des flux de biens intermédiaires entre les pays concernés (voir page Reprise économique fragile).

° Les exemples sur l’offre et la hausse des prix ne manquent pas : en 2020-2021, l’industrie des composants électroniques ne tient pas la cadence. Les semi-conducteurs viennent à manquer et cette pénurie planétaire a conduit certains constructeurs européens à se mettre temporairement à l’arrêt. C’est le secteur automobile qui est le plus touché. Au cœur de la crise sanitaire, la demande d’objets électroniques a augmenté alors que le système de production tournait au ralenti. La reprise rapide de l’économie a surpris les fabricants de puces, qui ont rencontré des difficultés à répondre à la demande. « Le secteur des semi-conducteurs est extrêmement complexe. Il est très difficile d’y équilibrer la demande. La cyclicité du marché fait partie intégrante de son fonctionnement. L’industrie des semi-conducteurs est presque entièrement regroupée entre les mains de quelques entreprises installées à l’étranger. Le Taïwanais TSMC concentre ainsi à lui seul 70% de la production mondiale.

° Puis le monde a été ensuite exposé à des risques géopolitiques et à des changements environnementaux importants : guerre en Ukraine, tensions sino-américaines sur Taïwan qui entraînent une hausse prodigieuse des dépenses militaires. La guerre en Ukraine a montré l’importance des approvisionnements en produits alimentaires, en énergie et en certains intrants industriels en provenance de Russie et d’Ukraine.  Cette guerre cause d’importants risques pour la sécurité alimentaire et énergétique et aggrave les difficultés liées à la chaîne d’approvisionnement. Plusieurs facteurs devaient aussi contribué au ralentissement du commerce mondial : Les tensions géopolitiques, l’inflation (et les mesures connexes comme la hausse des taux d’intérêt), les prix de l’énergie et d’autres produits et les effets persistants de la COVID-19 en Chine sont les principaux facteurs ayant influé sur le commerce et la production en 2022.

° Va-t-on vers une réduction des chaînes de valeur mondiales et une nouvelle mondialisation avec la création de blocs (Chine-Asie, États-Unis, U.E.,…) ? La mondialisation devient de plus en plus cloisonnée en 2023 avce une baisse de la part des biens intermédaires dans les échanges mondiaux (48,5% contre 51% en 2021). Y aura-t-il un repli sur soi ou un recentrage sur des zones amicales en ramenant progressivement la production vers les marchés? Le ralentissement du commerce international depuis 2020, les relocalisations d’entreprises, le regain du protectionnisme et du nationalisme, questionnent l’avenir de la mondialisation et des CVM. À moins qu’elles trouvent un nouveau souffle avec la révolution numérique et la transition énergétique à l’image des voitures électriques produites en Chine et en Asie.

° Les économistes de l’OMC plaident en faveur d’une « remondialisation » dans un contexte où « les premiers signes de la fragmentation commerciale menacent de freiner la croissance et le développement ». Pendant plusieurs décennies, l’expansion du commerce international a dépassé la croissance du PIB mondial, mais cette tendance s’est en quelque sorte arrêtée au moment de la crise financière mondiale de 2008-2009 et, depuis lors, elle stagne. Après cette phase de ralentissement de la mondialisation, la question est de savoir si nous nous dirigeons vers une phase de démondialisation, alors que le rapport 2023 de l’OMC montre que les tensions géopolitiques commencent à avoir un impact sur les flux commerciaux dans le monde. Depuis la guerre en Ukraine, le commerce entre les deux grands blocs géopolitiques mondiaux — que l’OMC a identifiés sur la base des votes des pays à l’Assemblée générale de l’ONU — a connu un taux de croissance qui est en moyenne de 4 à 6 % inférieur à celui du commerce au sein de ces blocs.

° L’ordre économique international post-1945 a été construit sur l’idée que l’interdépendance entre les nations à travers des liens commerciaux et économiques accrus favoriserait la paix et une prospérité partagée. Aujourd’hui, cette vision est menacée, tout comme l’avenir d’une économie mondiale ouverte et prévisible. L’OMC prévient qu’une division du commerce mondial en deux blocs distincts représenterait un coût global évalué à environ 5 % du revenu réel, certaines économies en développement étant confrontées à des pertes à deux chiffres.

 

Volume du commerce des marchandises et croissance du PIB à l’échelle mondiale, variation annuelle en %

 

 

 

 

 

 

I – DES ÉCHANGES MONDIAUX AUX CHAÎNES DE VALEURS MONDIALES (CVM)

Le terme mondialisation (« globalization » en anglais) désigne une interconnexion croissante à l’échelle mondiale : les personnes, les institutions, les lieux et, plus généralement, les sociétés sont de plus en plus reliés par-delà les frontières nationales, du fait de l’accroissement des mouvements de capitaux financiers et de biens et services mais aussi de l’augmentation des flux de personnes et de leurs savoirs.

Traditionnellement, les statistiques classiques du commerce international sont la principale source de données utilisée pour mesurer la participation des pays aux réseaux internationaux de production ou aux chaînes de valeur mondiales. Cependant, la fragmentation internationale de la production a affaibli l’interprétation analytique de ces données car non seulement les biens intermédiaires mais aussi les services traversent les frontières à plusieurs reprises jusqu’à leur destination finale. C’est ce qu’on appelle souvent le problème du double (ou du multiple) comptage des statistiques du commerce international [4] .

 

 

 

 

1/ Des échanges mondiaux de marchandises et de services …

a) Les exportations mondiales de biens et services

En 2019, la valeur mondiale des exportations de biens et de services a culminé à 18 000 milliards d’euros (ou 18 000  milliards d’euros ). L’impact de la crise du COVID-19 s’est fait sentir dans la mesure où les exportations mondiales de biens et services ont chuté à 15 800 milliards d’euros en 2020 (baisse de 12,6 % en prix courants).

Les niveaux commerciaux se sont redressés en 2021. Le graphique suivant montre que les niveaux les plus élevés d’échanges de biens et de services ont été enregistrés, sans surprise, dans certaines des plus grandes économies. L’UE a exporté plus de biens et de services en 2021 (3,29 billions d’euros) que n’importe quel pays individuel et l’UE a également enregistré le niveau d’importations le plus élevé (2,92 billions d’euros), juste devant les États-Unis (2,87 billions d’euros).

Le plus grand excédent commercial pour le commerce international de biens et de services – mesuré par la différence entre les exportations et les importations – a été enregistré en Chine (391 milliards d’euros en 2021), suivie par l’UE (375 milliards d’euros) et (à une certaine distance) la Russie (144 milliards d’euros). En revanche, le déficit le plus important a été enregistré aux États-Unis (728 milliards d’euros) ; son déficit était nettement plus important que dans toutes les autres grandes économies mondiales, suivi par l’Inde (63 milliards d’euros) et le Royaume-Uni (34 milliards d’euros).

L’UE a enregistré un excédent commercial pour les biens et les services en 2020 ; une tendance similaire a été observée pour l’Australie, Hong Kong et Singapour. Cependant, il y avait assez souvent des différences considérables dans la balance des échanges entre les biens et les services dans d’autres économies. Par exemple, la Chine avait un excédent commercial particulièrement important pour les biens (mais un déficit pour les services), tandis que les économies brésilienne, canadienne, russe, sud-africaine et sud-coréenne étaient également relativement spécialisées dans l’exportation de biens et dépendaient davantage de l’importation de services, mais affichait néanmoins un excédent commercial global pour les biens et services combinés.

Valeur du commerce international de biens et de services, pays sélectionnés, 2021, (en milliards d’euros)

 

 

En 2021, les services représentaient une part moyenne de 20,8 % du commerce mondial total  (19,9 % en 2012), confirmant que les services constituaient une part croissante du commerce mondial total. Cette part était plus élevée avant la crise du COVID-19, atteignant 24,7 % en 2019. Cependant, l’impact de la pandémie a entraîné une réduction spectaculaire des échanges pour un certain nombre de services spécifiques, tels que les services de transport et les services de voyage.

Au sein de l’UE, la part relative des services dans le commerce total a également augmenté, passant de 26,2 % en 2012 à 30,9 % en 2022, les transactions internationales de services devenant de plus en plus importantes pour les performances de l’économie de l’UE. Avant la pandémie, la part des services dans le commerce total de l’UE avait culminé à 33,1 % en 2018.

En termes relatifs, la part des services dans le commerce total a augmenté à un rythme plus rapide (que dans l’UE) en Turquie, en Inde et plus particulièrement à Singapour. En revanche, la part des services dans le total des échanges s’est contractée de manière assez notable en Afrique du Sud, en Australie, au Brésil, en Russie et à Hong Kong. Pour plusieurs de ces pays, cette tendance peut s’expliquer, au moins en partie, par la hausse des prix des produits primaires, énergétiques et agricoles – dans lesquels plusieurs de ces pays sont spécialisés -, ce qui fait que ces biens captent une part relative plus élevée de leur commerce total.

Part des services dans le total des échanges de biens et services, pays sélectionnés, 2012 et 2022, (%)

 

 

 

 

 

 

b) Les trois plus grands acteurs mondiaux du commerce international des biens : l’UE, la Chine et les États-Unis

L’analyse du commerce mondial peut être faite en incluant ou excluant le commerce Intra-UE (qui inclut le transit par els grands ports de la mer du Nord comme Rotterdam où la majeure partie des marchandises sont importées puis ré-exportées dans l’UE, ce qui gonfle artificiellement le poids de l’UE dans cette approche). Dans celle-ci, les échanges de marchandises et de services se concentrent autour d’un noyau dur formé de dix pays qui, à eux seuls, représentent plus de la moitié du commerce mondial, les cinq premiers en réalisant la plus grande partie. En effet, les échanges (en valeur) depuis la Chine, les États-Unis, l’Allemagne, la France et le Japon représentaient en 2016 près de 40 % du commerce global, laissant peu de place aux 159 autres pays membres de l’OMC. La Chine, en particulier, a su monter en puissance ces dernières années : elle a réussi à se hisser pour la première fois au rang de premier exportateur mondial en 2009 et à réaliser à elle seule 14 % des exportations mondiales en 2015 et 15,2% en 2020.  Alors que le commerce mondial était, jusque dans les années 1990, l’apanage des pays riches, la part des économies en développement augmente de plus en plus : en 2015, elle s’élevait à 41 % pour le commerce des marchandises (43% en 2020) et à 36 % pour les services.

Cette progression s’explique en partie par l’essor du commerce entre économies en développement, qui représentait plus de la moitié des exportations totales de ces pays en 2015 (jusqu’à 67 % pour les produits manufacturés). Les pays du Moyen-Orient, quant à eux, se distinguent ces dernières années par les exportations de services. Depuis 2012, ils enregistrent le plus fort taux de croissance pour ces exportations, grâce en particulier au dynamisme du transport aérien, du tourisme et des services informatiques. Les pays les moins avancés (PMA), en revanche, restent largement en marge des échanges mondiaux : ils pèsent ensemble moins de 2 %, tous secteurs confondus. Les pays africains sont particulièrement peu performants dans le domaine du commerce mondial des services, où les TIC jouent un rôle prépondérant. Ainsi, l’Afrique représentait 0,4 % des exportations mondiales de services informatiques en 2016, contre 62,6 % pour l’Europe, 23,5 % pour l’Asie et 61 % pour l’Amérique du Nord.

Exportations mondiales de marchandises, par région et par certaines économies, 1948, 1953, 1963, 1973, 1983, 1993, 2003 et 2020 (En milliards de dollars et en pourcentage)

 

 

 

Si on exclut le commerce intra-UE,  la Chine, l’UE des 27 pays et les États-Unis restent les trois principaux acteurs mondiaux du commerce international de biens depuis 2004, année où la Chine a dépassé le Japon (graphique suivant). En 2022, le niveau total des échanges de biens (exportations et importations) enregistré pour l’UE s’élevait à 5575 milliards d’euros (hors échanges intra-UE), soit 417 milliards d’euros de moins que la valeur pour la Chine et 414 milliards d’euros au-dessus du niveau enregistré pour les États-Unis. La Chine reste le premier exportateur du Monde malgré un certain repli avec près de’ 3400 milliards d’euros.

Principaux acteurs du commerce international de biens, 2022,  (milliards d’euros)

 

 

Les deux graphiques suivants fournissent des informations sur la part des exportations et des importations mondiales de biens, montrant les évolutions entre 2010 et 2021. Le plus grand changement dans la structure des exportations mondiales de biens a été une expansion de la part des exportations chinoises, qui est passée de 13,0 % de la valeur totale en 2010 à 19,1 % d’ici 2021.

Alors que la Chine était le premier exportateur de biens en 2021 (3 400 milliards d’euros), les États-Unis étaient le premier importateur de biens (2 500 milliards d’euros) ; l’ UE occupait la deuxième position pour les exportations de biens, évaluées à 2 200 milliards d’euros et la troisième position pour les importations de biens, évaluées à 2 100 milliards d’euros. L’UE, la Chine et les États-Unis sont les trois principaux acteurs mondiaux du commerce international de marchandises depuis 2004 (lorsque la Chine a dépassé le Japon). En 2007, la Chine a dépassé les États-Unis en tant que deuxième plus grand exportateur de marchandises au monde et en 2014, la Chine a dépassé l’UE pour enregistrer la part la plus élevée de marchandises exportées, une position qu’elle a depuis maintenue.

La part de l’UE dans les exportations mondiales de biens est passée de 15,7 % en 2010 à 14,7 % en 2021, tandis que la part des États-Unis a légèrement baissé, passant de 10,5 % à 10,0 %. Les évolutions de trois autres économies asiatiques ont connu une tendance contrastée, les parts des biens exportés du Japon et de la Corée du Sud se contractant, tandis que la part enregistrée par Hong Kong augmentait.

En 2022, l’UE (13,7 %) affichait la deuxième part des exportations mondiales de biens derrière la Chine (18,3 %), mais avant les États-Unis (10,4 %),

 Exportations de biens, pays sélectionnés, 2010 et 2021, en milliards d’euros (%)

 

Bien qu’on parle souvent de la croissance rapide de la valeur des biens exportés par la Chine, on en a moins écrit sur les importations chinoises. Celles-ci ont également augmenté à un rythme très rapide, en partie alimentées par la demande croissante de biens de consommation d’une classe moyenne émergente, mais reflétant également le rôle joué par la Chine dans les chaînes de production mondiales, où certains biens peuvent être importés pour être transformés ou assemblés avant d’être réutilisés. -exportés en tant que produits intermédiaires ou finis.

La part de la Chine dans les importations mondiales pour le commerce de biens est passée de 11,2 % en 2010 à 14,8 % en 2020 (un gain de 3,6 points de pourcentage (pp) . Les parts des importations des États-Unis (+ 0,4 pp) et de Hong Kong (+ 0,4 pp) ont également augmenté. En revanche, les importations de l’UE ont diminué de 1,8 pp, passant de 15,7 % en 2010 à 13,9 % en 2021. Il y a également eu une contraction des parts du Japon (-1,3 pp) et du Royaume-Uni (-1,2 pp).

En 2022, l’UE (15,3 %) affichait également la deuxième plus grande part des importations mondiales de biens derrière les États-Unis (16,3 %), mais avant la Chine (13,2 %).

 

Importations de biens, pays sélectionnés, 2010 et 2021, en milliards d’euros (%)

 

La crise financière et économique mondiale a eu un impact considérable sur le niveau du commerce international des marchandises; cela contrastait avec le modèle de développement du commerce des services qui avait été moins affecté par la crise. Dans ce contexte, il est important de rappeler que la valeur globale des échanges de marchandises est environ trois fois plus élevée que celle des services.

La baisse de la valeur du commerce international de biens en 2009 a été suivie d’un rebond l’année suivante et d’une croissance subséquente jusqu’en 2012. Par la suite, la valeur globale des exportations et des importations mondiales a été quelque peu irrégulière : il y a eu relativement peu de changement dans les niveaux des échanges en 2013 et 2014 ; une forte croissance a été observée en 2015 suivie d’un ralentissement en 2016 ; une nouvelle croissance a été observée entre 2017 et 2019, suivie d’une forte baisse en 2020.

Outre l’impact de la crise financière et économique mondiale sur les niveaux des échanges en 2009 et le rebond qui a suivi, un autre aspect frappant des informations présentées dans la figure 3 est le rythme rapide du développement du commerce des marchandises de la Chine. Bien que les exportations et les importations chinoises aient augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que pour n’importe quelle autre grande nation commerçante, il y a eu des signes d’un ralentissement de la croissance de l’activité commerciale chinoise entre 2012 et 2015, avec une baisse réelle en 2016, une année au cours de laquelle les cinq principaux pays/agrégats géographiques ont enregistré des contractions à l’exception des exportations du Japon. Ces ralentissements ont été de courte durée, car la valeur des exportations et des importations a augmenté entre 2017 et 2019 dans tous les pays. En 2020, les exportations de l’UE, des États-Unis et du Japon et les importations de toutes les économies indiquées ont chuté.

 

Évolution du commerce des biens, pays sélectionnés, 2010-2021 (2010 = 100)

 

 

 

 

Le tableau suivant compare la balance commerciale et le taux de couverture du commerce international de biens en 2010 avec ceux de 2021. Sept pays ont enregistré un excédent commercial à la fois en 2010 et en 2021 : l’Australie, le Brésil, la Chine, la Russie, Singapour, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis. Pour six d’entre eux, l’excédent a augmenté au cours de cette période, la plus forte augmentation de 434 milliards d’euros pour la Chine. La deuxième augmentation la plus importante de la balance commerciale a été enregistrée par l’UE qui a transformé un déficit de 35 milliards d’euros en un excédent de 55 milliards d’euros, améliorant ainsi son solde de 90 milliards d’euros. Le Canada et l’Afrique du Sud ont également transformé leurs déficits en excédents. Enfin, Hong Kong, l’Inde, le Mexique, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont enregistré des déficits les deux années. En 2021, les États-Unis avaient le plus grand déficit, poursuivant une tendance qui a été apparente au cours de la dernière décennie, alors que la Chine a enregistré le plus grand excédent.

Alors que la balance commerciale fournit des informations sur la valeur absolue des positions commerciales, le taux de couverture fournit une mesure relative basée sur le rapport (exprimé en pourcentage) entre la valeur des exportations et la valeur des importations ; lorsque les exportations sont supérieures aux importations, le taux de couverture est supérieur à 100 %. En 2021, les taux de couverture les plus élevés pour le commerce international de biens ont été enregistrés pour la Russie (167,7 %), l’Afrique du Sud (129,8 %) et la Chine (125,3 %). Les taux de couverture de ces pays, l’Afrique du Sud et la Chine, étaient plus élevés en 2021 qu’ils ne l’avaient été en 2011, ce qui confirme que leur excédent commercial pour le commerce des marchandises continuait d’augmenter non seulement en termes absolus mais aussi en termes relatifs, la croissance des exportations ayant dépassé celle des importations.

En revanche, les taux de couverture les plus faibles pour les échanges internationaux de biens ont été enregistrés en Inde (69,2 %), au Royaume-Uni (68,4 %) et aux États-Unis (59,8 %) ; tous les trois avaient un taux de couverture plus élevé en 2021 qu’en 2010.

Indicateurs dérivés du commerce international de biens, pays sélectionnés, 2010 et 2021

 

Balance commerciale du commerce international de biens, 2011 et 2021, (en milliards d’euros)

 

 

 

 

c) Commerce international de biens par produit

Plusieurs indicateurs permettent d’analyser le commerce extérieur par produit. Le tableau suivant détaille d’abord les principaux exportateurs et importateurs mondiaux pour une gamme de différents groupes de produits (sur la base de la classification internationale type par industrie (CITI Rev 4) des Nations Unies. En 2021, l’UE avait la valeur la plus élevée des exportations de produits alimentaires, de boissons et de tabac ainsi que de produits chimiques et de produits connexes, tandis que la Chine était le premier exportateur de machines et d’équipements de transport et d’autres produits manufacturés, tandis que les États-Unis étaient le premier exportateur. exportateur pour les combustibles minéraux et les lubrifiants, l’Australie pour les matières premières.

L’UE avait le deuxième niveau d’importations le plus élevé pour les combustibles minéraux et les lubrifiants et le deuxième pour les matières premières, reflétant son niveau élevé de dépendance pour ces biens, la Chine ayant le deuxième niveau le plus élevé d’importations pour les combustibles minéraux et les lubrifiants et le plus élevé pour les matières premières. Les États-Unis avaient la part la plus élevée des importations mondiales pour les cinq autres catégories.

Niveaux d’échanges les plus élevés pour certains produits CITI, pays sélectionnés, 2021, (milliards d’euros)

 

Alors que les principaux exportateurs et importateurs mondiaux en termes absolus font sans surprise partie des trois plus grandes économies, le tableau suivant propose une analyse alternative axée sur les taux de spécialisation relative. Celles-ci sont basées sur la part des exportations/importations totales représentée par un produit particulier, en comparant les parts d’un pays avec la part moyenne des 16 pays déclarants/agrégats géographiques analysés ici. Par exemple, la part des matières premières dans la valeur totale des biens exportés par l’Australie en 2020 était 4,9 fois supérieure à la part moyenne des 16 pays déclarants, tandis que la part des matières premières dans la valeur totale des biens importés par la Chine était de 3,4 fois plus élevé que la moyenne.

Les résultats basés sur cette mesure relative montrent que le Brésil est le pays le plus spécialisé pour l’exportation de produits alimentaires, de boissons et de tabac, l’Australie pour les matières premières, les Émirats arabes unis pour les combustibles minéraux et lubrifiants, l’Inde pour les produits chimiques et les produits connexes, la Turquie pour les autres produits manufacturés et Hong Kong pour les machines et le matériel de transport.

Du côté des importations,  la Russie est le pays le plus spécialisé pour les produits alimentaires, les boissons et le tabac, la Chine pour les matières premières, l’Inde pour les combustibles minéraux et les lubrifiants, le Brésil pour les produits chimiques et les produits connexes, les États-Unis pour les autres produits manufacturés et Hong Kong pour les machines. et matériel de transport.

Taux de spécialisation relative les plus élevés pour le commerce dans certains pays, par produits CITI, 2021, (%, moyenne = 100)

Ainsi, les économies développées se spécialisent souvent dans l’exportation de biens de grande valeur, tandis que les économies émergentes ont tendance à se concentrer sur l’exportation de dotations en ressources naturelles ou de biens de moindre valeur. Par exemple, l’Australie, le Brésil et l’Afrique du Sud étaient tous relativement spécialisés dans l’exportation de matières premières, alors que ces produits représentaient le taux de spécialisation des importations le plus élevé en Chine. Il est également intéressant de noter que si plusieurs économies développées étaient relativement spécialisées dans l’exportation de biens de grande valeur (produits chimiques et produits connexes, machines et matériel de transport et autres biens manufacturés), leurs taux de spécialisation des importations les plus élevés ont été enregistrés pour des produits de base (combustibles minéraux et lubrifiants, aliments, boissons et tabac et matières premières).

Taux de spécialisation relative les plus élevés pour le commerce dans certains pays, par produits CITI, 2021
(%, moyenne = 100)

 

 

 

d) Commerce international de services par produit

En 2022, l’UE était le plus grand commerçant de services au monde. Ses exportations de services étaient évaluées à 1 300 milliards d’euros et ses importations à 1 126 milliards d’euros. Sur la base des données 2021 du commerce mondial des services, l’UE représentait plus d’un quart des exportations mondiales (26,2 %) et des importations mondiales (25,2 %). À titre de comparaison, les parts des États-Unis étaient de 16,5 % pour les exportations et de 12,4 % pour les importations, tandis que celles de la Chine étaient de 7,0 % pour les exportations et de 9,9 % pour les importations (tableau suivant).

 Commerce international des services, pays sélectionnés, 2012, 2021 et 2022 

Le tableau suivant montre les pays qui ont enregistré les niveaux de commerce les plus élevés dans chacune des 12 principales catégories de services en 2022. Les principaux exportateurs et importateurs mondiaux de services, en termes absolus, étaient sans surprise certaines des plus grandes économies. L’UE avait la valeur la plus élevée des exportations pour plus de la moitié des catégories de services indiquées (7 sur 12). Cependant, la taille des marchés d’exportation de ces différents services variait considérablement :

  • Les exportations de l’UE d’autres services aux entreprises (qui comprennent, par exemple, les services de recherche et développement, les services juridiques, comptables, commerciaux et de conseil en gestion, la publicité, l’architecture, l’ingénierie, les services scientifiques et autres services techniques) ont été évaluées à 297,2 milliards d’euros (soit 22,9 % de toutes les exportations de services de l’UE en 2022);
  • le plus petit des sept services pour lesquels l’UE affichait le niveau d’exportation le plus élevé – les services d’entretien et de réparation – avait des exportations évaluées à 22,3 milliards d’euros (1,7 % des exportations de services de l’UE en 2022).

Les cinq autres services pour lesquels l’UE a enregistré les niveaux mondiaux d’exportation les plus élevés en 2022 étaient les suivants : les services de télécommunication, d’informatique et d’information ; Services de transport; services de voyage; services de fabrication; services d’assurance et de retraite.

L’UE a (également) enregistré la valeur la plus élevée des importations pour 8 des 12 catégories de service. Les importations de l’UE ont été les plus élevées pour les autres services aux entreprises (359,2 milliards d’euros), qui représentaient près d’un tiers (31,9 %) de la valeur totale des services importés dans l’UE en 2022.

Niveaux les plus élevés du commerce international de services, pays sélectionnés, 2022, (en milliards d’euros)

 

 

Les  économies émergentes enregistrent assez souvent les taux de spécialisation relatifs les plus élevés pour les exportations de services Les ratios les plus élevés ont été assez souvent enregistrés pour les économies émergentes et se sont répartis sur un large éventail d’économies.

  • La Chine avait le taux de spécialisation le plus élevé en 2022 pour les services manufacturiers. La part de cette catégorie dans les exportations chinoises était 2,6 fois supérieure à la moyenne des principaux pays commerçants/agrégats géographiques pour lesquels cette analyse est présentée.
  • L’Inde était le pays le plus spécialisé dans l’exportation de services de télécommunications, d’informatique et d’information. La part de cette catégorie dans les exportations indiennes était plus de trois fois supérieure à la moyenne.
  • Le Mexique était l’une des deux seules économies (l’autre était Hong Kong) à figurer plus d’une fois dans le classement des exportateurs les plus spécialisés pour ces 12 catégories de services. Elle était la plus spécialisée dans les services de voyage et dans les services d’assurance et de retraite. Hong Kong figurait en tête du classement pour les services de transport et pour les services financiers.

Ratios de spécialisation relative les plus élevés pour le commerce international dans certains services, pays sélectionnés, 2022

 

Les informations présentées dans le tableau suivant inversent l’orientation de l’analyse, détaillant pour chaque pays/agrégat géographique où se situe sa spécialisation commerciale relative (parmi les 12 catégories de services qui forment la base de cette analyse). En 2022, le taux de spécialisation des exportations le plus élevé pour l’UE a été enregistré pour les services manufacturiers, tandis que pour les importations, le taux le plus élevé concernait les redevances pour l’utilisation de la propriété intellectuelle.

  • La Chine, la Russie et la Corée du Sud étaient spécialisées dans les exportations de services de construction.
  • L’Inde était spécialisée dans les exportations de services de télécommunications, d’informatique et d’information.
  • Le Japon était spécialisé dans les exportations de redevances pour l’utilisation de la propriété intellectuelle.
  • Le Mexique, la Turquie et l’Afrique du Sud étaient spécialisés dans les exportations de services de voyage.
  • L’Australie était spécialisée dans les exportations de services personnels, culturels et récréatifs, tout comme le Canada.

Taux de spécialisation relative les plus élevés pour le commerce international de certains services, 2022
(%, moyenne = 100)

 

 

 

 

 

e) Le commerce UE-Chine par type de marchandises

La répartition du commerce de l’UE avec la Chine par groupes CITI est présentée au graphique suivant. Les nuances rouges indiquent les biens primaires : aliments et boissons, matières premières et énergie, tandis que les nuances bleues et noires indiquent les produits manufacturés : produits chimiques, machines et véhicules et autres produits manufacturés. marchandises. Enfin, les autres biens sont représentés en vert. En 2022, les exportations de produits manufacturés de l’UE (87 %) avaient une part plus élevée que les produits primaires (11 %). Les produits manufacturés les plus exportés étaient les machines et véhicules (52 %), suivis des autres produits manufacturés (19 %) et des produits chimiques (16 %). En 2022, les importations de produits manufacturés de l’UE (97 %) avaient également une part plus élevée que les produits primaires (3 %). Les produits manufacturés les plus importés étaient les machines et véhicules (53 %), suivis des autres produits manufacturés (33 %) et des produits chimiques (11 %).

Les principales catégories de la CITI sont :

  • aliments, boissons et tabac (Sections 0 et 1 – y compris les animaux vivants) ;
  • matières premières (Sections 2 et 4);
  • produits énergétiques (section 3);
  • produits chimiques (article 5);
  • machines et matériel de transport (section 7);
  • autres produits manufacturés (sections 6 et 8).

Bien que les passages entre la nomenclature CITIet CPA sont plus complexes, on peut dire que l’UE importe surtout des  – biens intermédiaires et biens d’équipement (pour 2/3) – les automobiles sont consommés en partie par les ménages, et des biens de consommation pour un tiers. Mais elle exporte à la Chine relativement plus de biens de consommation qu’elle n’en importe.

Commerce de l’UE avec la Chine par groupe de produits, 2012 et 2022, (en milliards d’euros)

 

Plus de détails sur les biens échangés entre l’UE et la Chine sont donnés dans le graphique suivant, montrant les 20 biens les plus échangés au niveau CITI-3. Ces 20 principaux biens couvraient 55 % du commerce total de biens en 2022. Dix appartenaient aux machines et véhicules, sept aux autres produits manufacturés et trois aux produits chimiques. Le groupe de biens le plus échangé à ce niveau était le matériel de télécommunications.

Les équipements de télécommunications et les machines de traitement automatique de l’information sont les deux produits les plus importés de Chine en 2022, avec des valeurs légèrement supérieures à celles de 2021. Des augmentations beaucoup plus importantes ont été enregistrées pour les machines et appareils électriques et les tubes, valves et articles connexes électroniques. Cependant, l’augmentation de loin la plus importante a été observée pour les composés organo-inorganiques et apparentés, qui sont passés de 6,8 milliards d’euros en 2021 à 28,6 milliards d’euros en 2022. Ainsi on est frappé par l’importance des biens intermédiaires et d’équipement importés de la Chine par les pays de l’UE malgré l’existence de quelques biens de consommation dans les 20 produits les plus importés.

Biens les plus importés de Chine dans l’UE, 2022, (milliards d’euros)

 

Les voitures et les véhicules à moteur sont restés le premier produit exporté vers la Chine en 2022, augmentant de 3,1 milliards d’euros par rapport à 2021 (graphique suivant). Les tubes électroniques, valves et articles connexes, en croissance de 2,8 milliards d’euros, ont dépassé les pièces automobiles dont les exportations ont chuté de 0,4 milliard d’euros. Ici les produits sont plus diversifiés que pour les importations. On y trouve notamment les véhicules à moteur, les pièces détachées pour véhicules automobiles les médicaments, les produits de la viande, la parfumerie mais aussi plusieurs biens intermédiaires etd ‘équipement.

 

Biens les plus exportés de l’UE vers la Chine, 2022, (en milliards d’euros)

 

 

 

f) Le commerce UE-États-Unis par type de marchandises

La répartition du commerce de l’UE avec les États-Unis par groupes est illustré au graphique suivant. Comem pour la Chine, les nuances rouges indiquent les biens primaires : aliments et boissons, matières premières et énergie, tandis que les nuances bleues et noires indiquent les produits manufacturés : produits chimiques, machines et véhicules et autres produits manufacturés. Enfin, les autres biens sont représentés en vert. En 2022, les exportations de produits manufacturés de l’UE (88 %) avaient une part plus élevée que les produits primaires (10 %). Les produits manufacturés les plus exportés étaient les machines et véhicules (37 %), suivis des produits chimiques (29 %) et des autres produits manufacturés (22 %). En 2022, les importations de produits manufacturés de l’UE (62 %) avaient également une part plus élevée que les produits primaires (35 %). Les produits manufacturés les plus importés étaient les machines et véhicules (28 %), suivis des produits chimiques (21 %) et des autres produits manufacturés (13 %). Cependant, il est pertinent de souligner les importantes importations de produits énergétiques en 2022 avec une part de 29 %, qui était due à l’importation de gaz naturel et d’huiles de pétrole. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à l’imposition d’interdictions sur plusieurs produits russes, les États-Unis ont en partie remplacé la Russie comme partenaire pour ces produits.

Commerce de l’UE avec les États-Unis par groupe de produits, 2012 et 2022, (en milliards d’euros)

 

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’imposition d’interdictions sur le pétrole et le gaz russes, les États-Unis ont en partie remplacé la Russie comme source de ces importations. En conséquence, le gaz naturel et le pétrole sont devenus les produits les plus importés des États-Unis, devant les produits médicaux et pharmaceutiques qui étaient les produits les plus importés en 2021 (graphique suivant).

Biens les plus importés de l’UE en provenance des États-Unis, 2022, (en milliards d’euros)

 

Les trois principaux produits exportés vers les États-Unis en 2022 sont restés les mêmes qu’en 2021 (graphique suivant). Il s’agissait de produits médicaux et pharmaceutiques, de médicaments et d’automobiles et de véhicules à moteur.

Biens les plus exportés de l’UE vers les États-Unis, 2022, (milliards d’euros)

 

 

 

 

g) Les principales évolutions du commerce extérieur des marchandises par produits de l’UE

Historiquement, les changements les plus importants dans le commerce international par produit ont entraîné une baisse marquée de la contribution relative des produits agricoles au commerce total, tandis que la part des produits manufacturés a augmenté. Lorsqu’on leur demande d’imaginer la mondialisation aujourd’hui, beaucoup de gens sont susceptibles d’imaginer un cargo transportant de grandes quantités de produits manufacturés vers des marchés éloignés de l’autre côté du monde. Un examen plus approfondi révèle que la majeure partie du commerce international des marchandises est relativement concentrée au sein de certains groupes de produits clés, alors qu’il existe de nombreux biens où le niveau du commerce international reste assez faible. En effet, la nature intrinsèque de certains biens (par exemple, ceux dont la durée de conservation est limitée ou celles qui sont volumineuses) signifie qu’ils sont principalement consommés sur les marchés nationaux ou voisins.

S’agissant d’abord des seules marchandise, l’un des aspects les plus frappants est la valeur élevée des machines et du matériel de transport, qui s’élevait à 952 milliards d’euros en 2022 (37,0 % de toutes les exportations). Viennent ensuite les autres produits manufacturés (571 milliards d’euros, 22,2 %) et les produits chimiques et produits connexes (553 milliards d’euros, 21,5 %), tandis que l’alimentation, les boissons et le tabac (204 milliards d’euros, 7,9 %), les combustibles minéraux, les lubrifiants et matériaux connexes (180 milliards d’euros, 7,0 %) et les matières premières (76 milliards d’euros, 3,0 %) représentaient des parts beaucoup plus faibles.

Si l’on examine les évolutions au cours de la période 2002-2022, l’impact de la crise financière et économique mondiale en 2009 et de la crise du COVID-19 en 2020 sur les différentes rubriques de produits est évident. En 2009, les exportations ont fortement diminué pour tous les groupes de produits. En comparaison, en 2020, les exportations de produits chimiques, de produits alimentaires, de boissons et de tabac et de matières premières ont été beaucoup moins touchées que les exportations de machines et de matériel de transport, d’autres produits manufacturés et de combustibles minéraux. Une comparaison des évolutions des exportations de l’UE entre 2002 et 2022 révèle qu’en termes absolus, les machines et le matériel de transport (+ 495 milliards d’euros) ont le plus augmenté. En termes relatifs, sa valeur était 2,1 fois plus élevée qu’en 2002, ce qui était similaire à la croissance des autres produits manufacturés mais bien inférieure à celle des combustibles minéraux qui, en 2022, étaient 7,5 fois plus élevées qu’en 2002.

Exportations extra-UE de biens par sections CTCI, UE, 2002-2022, (milliards d’euros)

 

S’agissant des importations, les combustibles minéraux, les lubrifiants et les matériaux connexes sont devenus le plus grand groupe de produits importés (831 milliards d’euros, 27,7 % de toutes les importations) en raison de la forte augmentation des prix, . Viennent ensuite les machines et matériel de transport (825 milliards d’euros, 27,5 %) et les autres biens manufacturés (663 milliards d’euros, 22,1 %). Tous les produits suivent la même tendance, une baisse en 2008 suivie d’une reprise les années suivantes. La pandémie de COVID-19 a provoqué une forte baisse en 2020 mais une forte reprise a suivi en 2021 et 2022. Sur l’ensemble de la période, les importations de combustibles minéraux ont le plus augmenté (+ 678 milliards d’euros), suivies des machines et équipements de transport (+ 487 milliards d’euros). ) et autres biens manufacturés (+ 437 milliards d’euros). En termes relatifs, les combustibles minéraux ont le plus augmenté,

Importations extra-UE de biens par sections CITI, UE, 2002-2022, (milliards d’euros)

 

 

 

En 2022, dans tous les États membres, la part des produits manufacturés était supérieure à la part des produits primaires, bien qu’il y ait eu des différences considérables entre les États membres. En Irlande (9,8), en Tchéquie (8,7) et en Slovaquie (8,6), la part des biens manufacturés était plus de huit fois supérieure à la part des biens primaires, tandis que des ratios inférieurs à deux ont été observés en Lituanie (2,0), en Lettonie (1,9) , Chypre (1,6) et Grèce (1,5). Le ratio était de 4,1 dans l’UE, 6,1 en Allemagne et 3,8 en France.

Part des échanges intra-UE de biens par type de produit, 2002-2022, (%)

 

 

 

 

h) Une nouvelle théorie du commerce mondial au milieu des années 1980

Toutes ces données permettent de se référer aux théories principales des échanges internationaux. Pourquoi les pays commercent-ils ? A cette question des théories du commerce international (la théorie des avantages comparatifs de D. Ricardo), ont d’abord défendu que les pays gagnent à l’échange car celui-ci, en autorisant une division internationale du travail, conduit à une utilisation optimale des ressources de chacun. En situation de libre-échange, chaque pays doit tendre naturellement à se spécialiser dans les secteurs où les coûts d’opportunité de la production sont faibles relativement aux pays partenaires, et donc exporter ces biens et importer les autres.

Tout au long du XXe siècle, ce principe a été décliné sous de nombreuses formes théoriques, et notamment dans le cadre du model Heckscher-Ohlin-Samuelson, qui fait reposer ces avantages comparatifs sur des  les différences de dotations en facteurs de production (capital et travail) des pays qui y participent. Selon ces théories, les pays s’échangent des produits différents, un pays A vend des voitures au pays B qui lui vend des céréales en retour. Mais en dépit de la puissance de leur argument, ces modèles peinaient à décrire la réalité. En effet, une très large fraction des flux de commerce international ne semble pas répondre à l’argument des avantages comparatifs. L’image d’un commerce mondial dominé par des échanges Nord-Sud où les pays en développement exporteraient essentiellement des matières premières ou des biens intensifs en main d’œuvre non-qualifié, et les pays développés des produits manufacturés à plus fort contenu technologique, est elle juste ?

En 2021, 61% du commerce international  des pays de l’UE-27 de font entre pays de l’Union. Ce chiffre n’était approximativement que de 42 % en 1967. Le poids des biens manufacturés dans les exportations totales des pays en développement représentait environs 20 % en 1967 ; il atteint presque 65 % aujourd’hui. Plus généralement, le poids du commerce « intra-branche » , n’a cessé de croître depuis les années 1960.

C’est sur cette évidence simple que P. Krugman a basé son travail théorique au début des années 1980. Il s’agissait avant tout de proposer des explications crédibles à l’existence du commerce intra-branche (i.e. l’importation et l’exportation simultanée d’un même produit par un pays). Cela l’a conduit à renoncer au principe des avantages comparatifs et à la concurrence parfaite. Le commerce se fait principalement entre pays similaires et sur des produits similaires.. Par exemple, la Suède exporte ses voitures de marque Volvo en Allemagne, et importe des voitures de marque BMW fabriquées en Allemagne. L’Europe vend des Airbus aux États-Unis mais lui achète des Boeing. Ces échanges de produits similaires seraient expliqués par le fait que les consommateurs ont un goût pour la diversité des biens. On retrouve en partie ce cas de figure dans la plupart des pays sous réserve que les voitures sont un gros poste dans les nomenclatures HS (tableau suivant).

Commerce des principaux produits non agricoles de la France

Commerce des principaux produits non agricoles de l’Allemagne

Commerce des principaux produits non agricoles des États-Unis

Commerce des principaux produits non agricoles de la Chine

Commerce des principaux produits non agricoles du Viêt-Nam

Source OMC

Cette théorie du commerce international remet également en cause l’hypothèse de concurrence parfaite. Ainsi, la production et le fonctionnement des marchés se fait dans un monde où existent des rendements d’échelle croissants, une différenciation des produits, des marchés oligopolistiques, une concurrence entre firmes qui repose sur des investissements en recherche et développement.

La prise en compte des économies d’échelle amène à donner un rôle à la taille des nations, expliquant certains échanges internationaux en raison d’un développement initial des firmes sur un marché important.

Cela peut expliquer la concentration géographique d’une industrie ou d’un secteur donnée, comme dans la Silicon Valley aux États-Unis. L’existence de telles économies d’échelle a pour effet de favoriser les nations (et les entreprises nationales) qui produisent des volumes importants. De plus, une nation entrée la première dans la production d’un bien ne pourra pas être concurrencée par une autre, avantagée par un taux de salaire plus faible, mais qui ne peut accéder à un niveau de production suffisant pour bénéficier des économies d’échelle.

Les pays se spécialisent alors dans quelques marques, dans différents types de produits et non pas dans un seul secteur. La France s’est par exemple spécialisée dans plusieurs secteurs comme l’automobile autrefois (Renault, Peugeot), le luxe (LVMH, groupe Kering) ou encore dans l’aéronautique (Airbus).

 

 

 

 

2/ … aux chaînes de valeur mondiales

a) Une seconde théorie du commerce mondial au début des années 2000

Mais la théorie de P. Krugman s’applique surtout aux biens de consommation et aux biens d’équipement ménagers. Il faut la compléter par une théorie qui explique les échanges de l’ensemble des biens, incluant les biens intermédiaires et les biens d’équipement. C’est ici qu’apparaissent les chaînes de valeur mondiales (CVM).

Le monde des années 2000-2020 ressemble un peu moins à celui qu’il décrivait dans ses travaux. Les modèles des années 1980, négligeaient les avantages comparatifs pour mieux souligner le rôle des rendements croissants, qui poussent à la concentration des industries dans les régions centrales. Dans les années 2000, certains exemples laissent entendre que ces forces tendent à s’affaiblir. À l’image des constructeurs automobiles américains qui ont progressivement quitté Détroit et diversifié leurs zones de production, ou de l’industrie allemande qui a multiplié ses importations de biens intermédiaires, la fragmentation des processus de production (l’externalisation à l’étranger) a pris de l’importance. Ce mouvement semblait marquer le retour au premier plan des avantages comparatifs.

 

En outre, on considère trop souvent que chaque pays produit des biens et offre des services qui sont exportés en tant que produits finaux destinés à des consommateurs se trouvant à l’étranger. Néanmoins, dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, ce type de flux commerciaux ne représente que 30 % à peine de l’ensemble des échanges de biens et de services.

Comme pour l’UE, plus de 70 % des échanges internationaux actuels correspondent à des flux de services, de matières premières, de pièces détachées et de composants qui traversent les frontières – souvent à de nombreuses reprises. Ils sont intégrés en bout de chaîne dans des produits finaux, qui sont ensuite expédiés aux consommateurs du monde entier.

Les exportations d’un pays vers un autre reposent souvent sur des interactions complexes entre divers fournisseurs locaux et étrangers. Plus encore qu’auparavant, les échanges sont déterminés par les décisions stratégiques des entreprises d’externaliser, d’investir et de réaliser leurs activités là où les compétences et les matériaux nécessaires sont disponibles à des conditions compétitives en termes de coût et de qualité.

Dans un monde de CVM, la politique commerciale d’une économie ne peut être exclusivement axée sur les obstacles aux échanges entre cette économie et ses partenaires commerciaux directs. Pour renforcer les exportations et améliorer les résultats économiques, il faut prendre en considération l’ensemble de la chaîne de valeur et les goulets d’étranglement existant en amont et en aval entre pays tiers.

Dans la mesure où la compétitivité des exportations d’un pays peut dépendre des intrants importés (lesquels peuvent aussi intégrer des exportations antérieures de ce même pays), il est également crucial que les pays s’attaquent à leurs propres obstacles aux échanges pour pouvoir récolter les fruits de leur participation aux échanges dans les CVM.

 

 

 

b) Des exemples d’éclatement de la production

Comme pour la chaîne d’approvisionnement, la complexité de la chaîne de valeur mondiale et des relations opérationnelles entre les différentes étapes peut varier d’un secteur à l’autre et d’une entreprise à l’autre. La chaîne de valeur mondiale peut exister entre des entreprises établies dans une même économie locale ou dans plusieurs pays.

Le schéma ci-dessous présente un exemple de production fragmentée. Elle représente schématiquement les différentes étapes du processus de production d’un bien, de la conception de celui-ci aux dernières étapes concernant la vente au détail et le service à la clientèle, en passant par la transformation des matières premières. La gestion de la chaîne d’approvisionnement peut porter sur l’ensemble de la chaîne, ou sur certaines parties de celle-ci. De la même manière, certaines étapes de la chaîne peuvent être contrôlées par une société mère, et d’autres par les filiales de cette société.

À l’étape de la R&D et de la conception, il est créé un actif incorporel qui sert ensuite d’intrant pour la production du bien. Le fruit de l’étape de R&D et de conception peut être utilisé par la même entreprise, qui produit alors le bien pour son compte, ou être transmis à un fournisseur chargé de produire le bien. La gestion de l’approvisionnement peut consister en plusieurs fonctions précises telles que les services de contrôle de la qualité et de commercialisation et les services logistiques et financiers. Les services financiers peuvent être fournis à différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement. Par exemple, les crédits-bails ou les crédits à la consommation peuvent être fournis à l’étape de la vente au détail ou de la livraison.

chaînes de valeur mondiales

Les chaînes de valeur mondiale ont souvent le même schéma du partage du travail entre pays développés et pays en développement (sans qu’on sache si la Chine fait partie du premier ou du second groupe), que ce soit au niveau européen ou au niveau mondial : les activités de pré-production (R&D, « TIC », ingénierie,..) et de post-production (marketing, ventes et services après ventes,…) seraient l’apanage des pays développés tandis que la production, les services administratifs et de soutien et enfin le transport  se trouveraient  dans des pays en développement.

Comment les fonctions commerciales sont généralement localisées concernant la création de la valeur ajoutée dans une CVM ?

 

Souvent une entité A par exemple installée en Irlande commande à une entreprise B en France la production d’un bien (des salades de fruit), qui en sous-traite une partie à une entreprise C marocaine (la production des contenants en fer), qui au final réexpédie les salades de fruits emballées aux consommateurs d’un pays D.

L’entreprise principale peut avoir besoin de plusieurs rangs de fournisseurs pour produire ses biens ou services. Elle travaille directement avec le fournisseur de premier rang, lequel fournit généralement des capacités en matière de conception et d’innovation. Le fournisseur de deuxième rang est une entité qui fournit des biens ou des services directement au fournisseur de premier rang, sans en fournir directement à l’entreprise principale. Les matières premières sont généralement fournies par le fournisseur de dernier rang.

L’intensification des chaînes de la valeur a mondiales a entraîné un niveau sans précédent d’interdépendance entre les pays associés aux chaînes d’approvisionnement. Par leur expansion, les chaînes de valeur mondiales ont pris une dimension de plus en plus mondiale. Ce qui est étonnant c’est le nombre d’intervenants dans la fabrication d’un produit .

Ainsi, un smartphone assemblé en Chine peut inclure des éléments de conception graphique en provenance des États-Unis, du code informatique élaboré en Allemagne, des puces électroniques fabriquées au Japon et des métaux précieux extraits en Bolivie. Dans ce processus, tous les pays concernés conservent une partie de la valeur du produit final et tirent profit de son exportation. Une grande partie de cette valeur ajoutée tout le long de la chaîne d’approvisionnement internationale demeure cependant invisible dans les statistiques commerciales classiques, qui attribuent l’intégralité de la valeur d’un bien ou d’un service au dernier pays de la chaîne ayant finalisé la production.

chaînes de valeur mondiales

 

Autre exemple, la construction de l’avion Airbus A320 est certes partagé entre quatre pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne) qui fabriquent chacun une partie de l’appareil. Mais eux-mêmes sous-traitent la fabrication de nombreux éléments ou composants dans le monde entier, par exemple en Italie, aux États-Unis ou en Chine.

 

 

 

 

 

 

3/ La mondialisation entre 1995 et 2020

a) Deux ratios pour mesurer les chaînes de valeur mondiales

Les données des statistiques commerciales sont donc généralement insuffisantes pour étudier les CVM. En effet, les flux déclarés sont exprimés en termes bruts, alors que dans la recherche sur les CVM, il est important d’examiner également les flux en termes de valeur ajoutée. L’OMC reprend le schéma suivant fournissant une méthodologie permettant de décomposer les flux en termes de valeur ajoutée, pour décomposer les exportations brutes bilatérales en catégories de valeur ajoutée plus primitives à partir des des tableaux d’entrées-sorties inter-pays. Dans cette approche, les exportations brutes sont divisées en cinq catégories principales, comme le montre la figure suivante :

(i) Valeur ajoutée domestique (VAD) directement absorbée par l’importateur (DAVAX).

(ii) VAD envoyée à l’importateur puis réexportée pour être finalement absorbée à l’étranger (REX).

(iii) VAD envoyée à l’importateur puis réexportée pour être finalement renvoyée et absorbée par l’exportateur (REF).

(iv) Valeur ajoutée étrangère dans les exportations (FVA).

(v) Double comptage pur (PDC).

Décomposition des exportations brutes du pays d’origine (H) vers le pays partenaire (P)

 

La première catégorie, DAVAX, peut être subdivisée en deux catégories : ceux qui sont absorbés en tant que biens finaux (DAVAX1) et ceux qui sont reçus en tant que consommations intermédiaires, qui sont ensuite « complétés » et absorbés localement (DAVAX2).

Si l’Allemagne importe des biens intermédiaires de la Chine pour un montant de 100 et ajoute des châssis pour produire des automobiles pour un montant de 10, pour ensuite les exporter vers la France pour un montant de 110, la valeur ajoutée de l’Allemagne est de 10 et non de 110.  C’est donc 10 et non 110 qu’on trouvera dans la valeur ajoutée domestique allemande (VAD) directement absorbée par l’importateur français (DAVAX).

Le double comptage pur représente les cas où la valeur ajoutée traverse la même frontière deux fois ou plus, créant ainsi des doublons dans les données.

Parmi les DVA exportés, une partie peut être re-importée dans le pays d’origine et consommée. C’est ce qu’on appelle la « réflexion » (REF). Le reste constitue des exportations à valeur ajoutée (VAX). qui sont finalement absorbées à l’étranger. Ces exportations peuvent être divisées en deux catégories : la partie absorbée par un partenaire commercial direct (DAVAX) et la partie qui est réexportée avant d’être finalement consommée (REX).

 

Le taux de participation aux CVM mesure le degré de participation d’une entité aux CVM. Deux approches sont proposées en r&férence au schéma précédent : décomposition des exportations brutes du pays d’origine (H) vers le pays partenaire (P).

  • L’approche basée sur le commerce mesure  la part du commerce indirect, ici défini comme – REX + REF + FVA + PDC – dans les exportations brutes. Il s’agit de la part des exportations dont la valeur ajoutée sous-jacente traverse deux ou plusieurs frontières avant la consommation finale.
  • L’approche basée sur la production mesure la part des exportations de produits intermédiaires issus de la valeur ajoutée intérieure – définie ici comme – DAVAX2 + REX + REF – dans la valeur ajoutée intérieure totale. Il s’agit de la part du produit intérieur brut qui entre dans les exportations de produits intermédiaires.

 

 

b) Tendances récentes dans les chaînes de valeur mondiales

Deux phases d’hyper-globalisation et de ralentissement de la mondialisation sont perceptibles. De 1995 à 2008, l’expansion rapide des CVM a fait bondir les deux taux de participation, le taux basé sur le commerce passant de 35,2 % à 46,1 % et le taux basé sur la production passant de 9,6 % à 14,2%.. Après la crise financière mondiale, une relocalisation des chaînes d’approvisionnement a provoqué une chute brutale mais temporaire des deux taux, qui ont rebondi en 2010. Depuis lors, ils sont restés à peu près au même niveau, Et bien que la pandémie de COVID-19 a pesé sur la participation aux chaînes de valeur mondiales, le graphique suivant montre que les taux de participation ont été conformes à la tendance générale  anémique observée depuis 2010. En 2020, le taux de participation commercial était de 44,4 % et le taux de participation basé sur la production de 12,1 %.

Alors que les taux de participation stagnent, les valeurs nominales continuent de croître. Les exportations indirectes mondiales, le numérateur du taux de participation aux CVMs basées sur le commerce, ont atteint un niveau record de 13,6 milliards de dollars en 2018, bien qu’elles aient diminué entre 2019 et 2020.

Taux de participation aux chaînes de valeur mondiale, (monde), 1995-2020 en %

Sources: 1995–2006: World Input–Output Database, 2013 Release. http://www.wiod.org/release13 (accessed 31 July 2021); 2007–2020: Asian Development Bank. Multiregional Input–Output Database. https://mrio.adbx.online (accessed 31 July 2021); Asian Development Bank estimates.

 

1/ Le tableau suivant identifie d’abord les économies à l’origine des échanges indirects en termes d’ampleur et de croissance pour trois années de référence : 2000, 2010 et 2019. Sans surprise, quatre des cinq plus grands exportateurs de CVM – la France, l’Allemagne, la Chine et les États-Unis – sont également les plus grandes économies du monde. L’inclusion des Pays-Bas,  malgré leur taille plus modeste, témoigne de leur rôle prépondérant dans les CVM. Conformément au ralentissement de la mondialisation, quatre des cinq économies ont enregistré des taux de croissance nettement inférieurs au cours de la deuxième période par rapport à la première, la Chine connaissant la chute la plus spectaculaire, passant d’une croissance annuelle moyenne de 20,0 % à seulement 4,6 % pour les exportations indirectes. Même si la Chine a été le plus grand exportateur mondial depuis 2010, elle n’a pas maintenu cette distinction pour les exportations indirectes.

Ces tendances peuvent surprendre car la Chine est depuis longtemps l’un des principaux acteurs de la mondialisation et est connue comme l’atelier du monde. Deux facteurs semblent être à l’origine de ce plateau, qui découlent du stade de développement actuel de la Chine. Le premier est l’augmentation du coût de la main-d’œuvre. Bien qu’une main-d’œuvre bon marché ait alimenté les exportations et attiré les investissements étrangers pendant l’hyper-mondialisation, les salaires ont depuis rattrapé la productivité,  les salaires urbains ayant augmenté de 13,8 % par an en moyenne entre 1998 et 2010. Le deuxième facteur est le déclin général de la part du commerce dans l’économie de la Chine. Cela s’applique à la fois au sens direct, en termes d’acheteurs étrangers des produits chinois, et au sens indirect (exportations indirectes), en amont, en ce qui concerne les fournisseurs étrangers des intrants à la Chine. Les deux proviennent en effet de plus en plus en plus de sources nationales.

Cela ne veut pas dire que la Chine se retirera définitivement des CVM. Le gouvernement soutient fortement l’innovation intérieure : la Chine pourrait d’abord rétablir sa présence dans des segments plus complexes et à forte valeur ajoutée, tels que la recherche et le développement (R&D), le marketing et les ventes.

Il faut aussi garder à l’esprit ce qui est mesuré ici. En 2010, la Chine était un grand centre de traitement des exportations, qui recevait des intrants de différents partenaires et les assemblait pour l’exportation. Dix ans plus tard, la Chine produit beaucoup plus d’intrants donc plus de produits suivent désormais le modèle du commerce traditionnel. En d’autres termes, la Chine fabrique l’ensemble du produit destiné à l’exportation. Il peut y avoir une chaîne de valeur complexe au sein de la Chine, mais il ne s’agit pas d’une chaîne de valeur mondiale. Le pays est également devenu le plus grand marché pour de nombreux produits.

 

2/ Le tableau suivant identifie ensuite  les économies dont les exportations indirectes connaissent la croissance la plus rapide, affichant toutes une croissance annuelle à deux chiffres entre 2000 et 2019. Bien qu’il y ait eu une certaine stagnation dans les mesures globales du commerce des chaînes de valeur mondiales, il est important de noter le dynamisme considérable au niveau des pays et des secteurs.. Certains pays en développement ont considérablement augmenté leur part dans le commerce des CVM, en particulier le Viet-Nam, qui a enregistré une croissance annuelle de 14,3 % de ses exportations indirectes entre 2010 et 2019, ce qui indique que les CVM continuent d’offrir des opportunités de commerce et de production à certains pays en développement. En effet, le Viet-Nam est depuis longtemps une étoile montante des CVM, étant devenu une alternative de premier plan à la Chine pour les produits manufacturés à forte intensité de main-d’œuvre.

Certains  pays européens sont aussi de plus en plus intégrés dans les chaînes d’approvisionnement transfrontalière. Le taux de participation basé sur le commerce de l’Allemagne, le plus grand négociant indirect au monde en 2019, est passé de 45,6 % en 2010 à 52,4 % en 2019, bien que son taux de participation basé sur la production ait augmenté plus modestement, de 18,0% à 18,7%. Des pays de l’est de l’Europe comme la Slovaquie, la Tchéquie ou la Slovénie, l’Estonie, la Lettonie ou la Bulgarie ont aussi des taux élevés.

Économies avec des exportations indirectes importantes (millions de dollars)

  1. Les valeurs sont exprimées en millions de dollars courants.
  2. Les chiffres entre parenthèses correspondent aux taux de croissance moyens pour les périodes 2000-2010 et 2010-2019
  3. Les estimations des exportations indirectes sont basées sur la méthodologie de décomposition par la méthode de A. Borin et M. Mancini. 2019. (Mesurer ce qui compte dans les chaînes de valeur mondiales et le commerce à valeur ajoutée). Document de travail de la recherche politique. No. 8804. Washington, DC : Banque mondiale.

Sources : Banque asiatique de développement : Banque asiatique de développement. Multiregional Input-Output Database. https://mrio.adbx.online (consulté le 31 juillet 2021) ;

De leur côté, pour remplacer les importations chinoises, les États-Unis se sont tournés vers le Canada et le Mexique. Les deux pays ont dépassé la Chine au premier semestre 2023 et sont devenus les premiers partenaires commerciaux des Etats-Unis. En parallèle, Washington renforce ses liens avec des pays voisins de la Chine, jugés plus amicaux. Le Vietnam est le premier bénéficiaire de cette réorientation géopolitique. « Le pays a créé une industrie du téléphone portable en une dizaine d’années. Entre 2010 et 2022, sa part de marché mondiale est passée de 0,6 à 12 % »,  Néanmoins, si les voisins de la Chine affichent parfois un coût du travail inférieur à celui qui prévaut désormais dans celle-ci, aucun ne dispose de sa capacité logistique. « Les décisions de localisation des entreprises sont donc plus dictées par des logiques géopolitiques que par des raisons économiques ».

Par ailleurs, les pays de l’Indo-Pacifique qui augmentent leurs échanges avec les Etats-Unis sont eux-mêmes très dépendants de la Chine, souvent leur principale fournisseuse. Cette dépendance a d’ailleurs tendance à s’accentuer depuis les années 2010. Face à la difficulté de tracer la fabrication de tous les composants d’un produit, le découplage peut finalement s’avérer n’être qu’une illusion dans laquelle les étiquettes « made in Vietnam » cachent des biens en partie chinois. La Chine tend à sde spécialiser vers les productions à haute valeur ajoutée comme le véhicule électriques ou d’ordinateurs, jouant un peu le rôle de l’Allemagne dans l’UE en délaissant à ses voisins la production de biens intermédiaires.

Part des importations américaines de biens manufacturés depuis des pays asiatiques à bas coûts en 2018 et 2022, en %, et part de la Chine dans les importations et les exportations de ces pays en 2021, en %

Lecture : En 2018, 65,6 % des importations américaines depuis des pays asiatiques à bas coûts provenaient de Chine. En 2022, cette part a diminué pour atteindre 50,7 %. En 2021, 39 % des importations indiennes provenaient de Chine, et 5 % des exportations indiennes y étaient destinées. Source : Kearney, United States International Trade Commission

 

 

 

 

 

d)  Le rôle des chaînes de valeur mondiales des services

La relation entre les chaînes de valeur mondiales et le développement a souvent été examinée dans le contexte de l’industrie manufacturière ou de l’agriculture. Toutefois, ces dernières décennies ont été marquées par un déplacement sans précédent de l’emploi, de la production et de la part du commerce de l’agriculture vers les services dans toutes les régions du monde.  Les services représentent aujourd’hui plus de 50 % du PIB mondial et tendent à employer plus de travailleurs que l’industrie manufacturière dans tous les pays  à tous les niveaux de développement. Ils jouent un rôle crucial non seulement pour leur propre secteur, mais aussi dans la production des secteurs non liés aux services, un processus défini comme la « servicification » d’une économie (voir page Désindustrialisation par pays).

Cette tendance contribue à la croissance rapide du rapide du commerce mondial des services, dont la valeur a plus que doublé entre 2005 et 2017 et qui a progressé 17 % plus vite que le des marchandises selon l’OMC. La position en amont de nombreux services fortement échangés, à l’exception du tourisme, implique que le commerce des services est principalement un commerce de services « intermédiaires » (achetés par des entreprises)  et peut donc également être considéré comme un commerce dans les CVM des services (graphique suivant).

Part des exportations « intermédiaires » dans les exportations totales

 

De plus, le processus de « production » de certains services permet une fragmentation similaire à celle des biens. Cela permet aux pays de rejoindre les CMV de services comme ils ont rejoint les CMV de biens. L’Inde et les Philippines sont deux pays où ces stratégies fonctionnent bien.  Ces deux pays figurent aujourd’hui parmi les premiers pour les services commerciaux délocalisés  en raison de leurs faibles coûts, de la disponibilité du capital humain et de l’attrait de l’environnement commercial pour les secteurs des services. D’abord, l’accumulation de capital humain est essentielle à la fois pour rejoindre une chaîne de valeur et pour s’y améliorer, en particulier dans le contexte de l’automatisation, qui menace la main-d’œuvre peu qualifiée dans de nombreux secteurs de services, comme c’est le cas dans l’industrie manufacturière. L’Inde et les Philippines  ont des populations anglophones relativement importantes qui possèdent des compétences numériques suffisantes. Ensuite,  les CVM des services peuvent créer un grand nombre d’emplois bien rémunérés. Les estimations indiquent que indirectement, l’industrie des technologies de l’information soutient environ 16 millions d’emplois en Inde et que les travailleurs de ce secteur ont bénéficié d’une augmentation annuelle moyenne des salaires de 10 % au cours de la décennie 2010.

 

 

 

 

 

 

II – LES BIENS ET SERVICES INTERMÉDIAIRES, LES BIENS D’ÉQUIPEMENT, MOTEUR DES ÉCHANGES MONDIAUX

L’analyse du chapitre précédent donne des informations sur les produits les plus échangés entre zones économiques. Mais il convient d’en faire une synthèse.

Selon l’Insee, les industries des biens intermédiaires recouvrent des activités qui produisent des biens le plus souvent destinés à être réincorporés dans d’autres biens ou qui sont détruits par leur utilisation pour produire d’autres biens. Ces industries correspondent au code EF de la NES, nomenclature de synthèse qui a disparu avec le passage à la NAF Rév. 2 en 2008 :

  • produits minéraux ;
  • textile ;
  • bois et le papier ;
  • chimie, le caoutchouc et les plastiques ;
  • métallurgie et la transformation des métaux ;
  • composants électriques et électroniques.

Les industries de biens d’équipement recouvrent des activités de production de biens durables servant principalement à produire d’autres biens. Ces industries correspondent au code EE de la NES, nomenclature de synthèse qui a disparu avec le passage à la NAF Rév. 2 :

  • construction navale, aéronautique et ferroviaire ;
  • équipements mécaniques ;
  • équipements électriques et électroniques.

 

Mais pour les instances internationales (OMC, Eurostat), les biens intermédiaires recouvrent une notion plus large. Ce sont des intrants utilisés pour la fabrication d’un produit final. Ils s’opposent aux biens d’équipement et aux biens de consommation (consommés par les ménages). Ils sont un indicateur de l’activité dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Eurostat s’intéresse surtout aux pièces détachées et composants.

La classification des statistiques du commerce international par grande catégorie économique (BEC), gérée par les Nations Unies,  permet ainsi de convertir les données du commerce international basées sur la classification internationale type par industrie (CITI) en catégories d’utilisation finale. À son niveau le plus détaillé, la classification BEC comporte 19 catégories qui peuvent être agrégées pour approximer les trois types de biens  (biens intermédiaires, biens d’équipement, biens de consommation).

En se référant aux comptes nationaux, les premiers sont ceux qui vont dans les équilibres-ressources-emplois en consommation intermédiaire, les seconds en FBCF et les derniers en consommation finale (voir page Tableau ressources emplois). Sachant que la grande majorité des produits n’ont pas qu’un seul emploi sauf dans une nomenclature très détaillée de plusieurs milliers de produits.

De même on apppelle services intermédiaires ceux destinés à la consommation intermédiaire par opposition aux services finals (par exemple les voyages).

 

 

 

 

1/ L’importance des biens et services intermédiaires dans les échanges mondiaux (l’exemple de l’UE)

L’intensification des échanges de biens intermédiaires (B.I.) va de pair avec le développement du «contenu en importations des exportations» : Il est défini comme la part des intrants importés dans  les exportations totales d’un pays et il indique la participation d’un pays en tant qu’utilisateur d’intrants étrangers. En France, mise à part les importations re-exportées, le contenu en importations des exportations est de l’ordre de 27% (voir modèle Avionic ci dessous). La croissance des échanges des B.I. illustre la fragmentation internationale grandissante des processus de production

Autrement dit, il serait de plus en plus nécessaire d’importer pour être en mesure d’exporter. Les pays qui exportent le plus sont aussi ceux qui importent le plus. Les entreprises important le plus de biens intermédiaires sont aussi celles qui affichent les meilleures performances à l’exportation. Ainsi une augmentation de 10 % du montant des importations de biens intermédiaires s’accompagnerait d’une hausse de 3 % des exportations en valeur. Des résultats complémentaires indiqueraient que le nombre même de biens intermédiaires importés et leur variété (estimée par le nombre de couples pays*produits), ainsi que le nombre de pays fournisseurs, ont également un impact non négligeable sur les exportations. Ce résultat corrobore d’autres travaux mettant en avant la complémentarité des intrants nationaux et étrangers comme source de gains de productivité et de performances à l’exportation. Les entreprises qui ont mis en œuvre avec succès un modèle global de fabrication allégé ont amélioré les indicateurs tels que les niveaux de stock, les livraisons complètes à temps et les délais plus courts.

Depuis 2000, la valeur des biens intermédiaires et des biens d’équipement échangés dans le monde aurait été multipliée par presque 3 pour atteindre approximativement 8500 milliards de dollars en 2018, soit presque  les 3/4 des échanges de produits industriels.

 

 

 

a) La classification par grandes catégories économiques (BEC)

La cinquième révision de la classification par grandes catégories économiques (BEC Rev.5)  est essentiellement une agrégation de haut niveau des classifications de produits existants. Elle fournit une vue d’ensemble du commerce international sur la base des classifications détaillées des marchandises et des services de la CITI, du Système harmonisé de codification des marchandises (SH) et de la Classification centrale des produits (CPC). Son avantage comparatif est traditionnellement la classification des marchandises et de services par catégorie d’utilisation finale. Cela facilite une série d’applications analytiques, telles que l’intégration relative des économies dans les chaînes de valeur mondiales, la classification des biens et services par catégorie d’utilisation finale et la classification des biens par catégorie d’utilisation finale. Le tableau suivant donne une première indication de la répartition des codes. La figure suivante donne un aperçu de la structure de BEC Rev.5.

Répartition des catégories CPC et SH par catégories BEC de niveau supérieur

 

Structure de la classification BEC Rev.5

Dans ce schéma, deux niveaux essentiels ont été récemment introduits :

  • la dimension de la transformation _ niveau 4
  • La dimension de spécification – niveau 5

 

 

 

 

 

 

 

b) La part des biens intermédiaires dans l’ensemble des importations extra-UE est de 63,7% en 2022

Le graphique suivant montre l’évolution de la part des biens intermédiaires dans le commerce total de l’UE sur la période 2002-2022. Avant la crise financière et économique mondiale, le commerce des biens intermédiaires était un moteur important du commerce global, comme en témoigne leur part croissante du commerce total jusqu’en 2008. Cela était particulièrement vrai pour les importations extra-UE, ce qui donne à penser que les fabricants de l’UE avaient une propension relativement élevée à importer des pièces et composants de pays tiers; la part relative des biens intermédiaires dans les exportations intra-UE a également augmenté.

La crise a eu un impact considérable non seulement sur la valeur des échanges de biens intermédiaires, mais a également entraîné une diminution de la part des biens intermédiaires dans le commerce total. Par la suite, il y a eu une reprise relativement rapide et les parts des biens intermédiaires dans le total des échanges ont continué d’augmenter, culminant en 2011 à 66,0 % pour les importations extra-UE et à 49,1 % pour les exportations extra-UE, tandis que pour les exportations intra-UE, elles ont culminé un an plus tard à 56,1 %. Entre ces années et 2016, les parts ont chuté, mais en 2017, elles ont de nouveau augmenté. En 2022, elles étaient de 63,7 % pour les importations extra-UE et de 48,8 % pour les exportations extra-UE, tandis que pour les exportations intra-UE, elles étaient de 54,8 %. Les fluctuations des prix des produits énergétiques ont ainsi un impact substantiel sur la part des échanges de biens intermédiaires.

Part des biens intermédiaires dans le commerce total de tous les biens, UE, 2002-2022, (%)

 

En 2022, une majorité d’États membres de l’UE ont indiqué que les biens intermédiaires représentaient plus de la moitié de leurs échanges totaux en valeur, tant pour les importations (24 États membres) que pour les exportations (19 États membres).La part des biens intermédiaires dans les exportations totales était supérieure à 60 % au Luxembourg (67,0 %), en Belgique (66,7 %), en Irlande (65,6 %), en Bulgarie (64,4 %), en Croatie (64,0 %), en Finlande (63,6 %), en Roumanie (62,4 %), en Lettonie (61,4 %), en Grèce (61,3 %) et en Estonie (60,3 %) et en dessous de 40 % uniquement à Chypre (27,5 %). La part des biens intermédiaires dans les importations totales était la plus élevée en Belgique (68,8 %), en Grèce (65,8 %), en Italie (65,6 %), en Bulgarie (65,3 %) et en Hongrie (65,1 %), tandis que seuls le Danemark (49,3 %), Chypre (43,7 %) et Malte (43,6 %) avaient des parts inférieures à 50 %.

Exportations de biens par grande catégorie économique, 2022, (% du total)

Importations de biens par grande catégorie économique, 2022, (% du total)

 

 

 

 

 

 

c) La répartition du commerce extra-UE de biens et de services intermédiaires par grandes catégories économiques en 2022.

Quand on de réfère a la nomenclature BEC en 8 grandes catégories de produit, il y a 2 façons d’étudier le poids des biens et services intermédiaires, soit :

  • la part des biens et services intermédiaires par catégories de produits dans le commerce extérieur total de ceux-ci ,
  • la part des biens et services intermédiaires dans le total du commerce extérieur pour une catégorie de produits.

 

 

1 – la part des biens et services intermédiaires par catégories de produits dans le commerce extérieur total de ceux-ci

En 2022, les services intermédiaires les plus exportés et importés vers/depuis l’UE étaient « les TIC, les médias, les ordinateurs, les services commerciaux et financiers ». services» (49 % pour les exportations et 55 % pour les importations), suivi du «Matériel et services de transport, voyages, services postaux» (31 % pour les exportations et 25 % pour les importations), et «Santé, pharmacie, éducation, culture, sport services» (7 % pour les exportations et 11 % pour les importations).

Dans les exportations de biens intermédiaires, la catégorie la plus importante était «Santé, pharmacie, éducation, culture, sport» (24 %), suivie de près par «Construction, bois, verre, pierre, métaux de base, logement, électroménager, ameublement» (23 %) et « Mines, carrières, raffinerie, carburants, produits chimiques, électricité, eau, traitement des déchets » (18 %).

La principale catégorie d’importations de biens intermédiaires était « Mines, carrières, raffinerie, combustibles, produits chimiques, électricité, eau, traitement des déchets » (44 %), suivie de « Construction, bois, verre, pierre, métaux de base, logement, appareils électriques , meubles» (16 %).

Exportations extra-UE de biens et services intermédiaires par grande catégorie économique, 2022, parts dans les exportations totales par BEC (total = 100%)


 

Importations extra-UE de biens et services intermédiaires par grande catégorie économique, 2022, parts dans les importations totales par BEC (total = 100%)

 

 

2 – Le commerce de biens et de services intermédiaires de l’UE ventilé par grandes catégories économiques par rapport au total des biens et services exportés/importés en 2022.

En 2022, les parts les plus importantes des services intermédiaires dans le total des services se trouvaient dans les catégories : « Textile, habillement, chaussures », « Mines, carrières, raffinerie, carburants, produits chimiques, électricité, eau, traitement des déchets » et « Gouvernement, armée et autres» (à la fois pour les exportations et les importations).

Pour les biens, les parts les plus importantes de biens intermédiaires dans le total des biens se trouvaient dans les catégories : « Santé, produits pharmaceutiques, éducation, culture, sport » et « Construction, bois, verre, pierre, métaux de base, logement, appareils électriques, meubles » (pour les exportations) et dans « Mines, carrières, raffinerie, combustibles, produits chimiques, électricité, eau, traitement des déchets » et « Matériel et services de transport, voyages, services postaux » (pour les importations).

Exportations extra-UE de biens et services intermédiaires par grande catégorie économique, 2022, parts dans les exportations totales de biens/services en %

 

Importations extra-UE de biens et services intermédiaires par grande catégorie économique, 2022, parts dans les importations totales de biens/services en %

 

 

 

 

d) Les prinipales évolutions du commerce extérieur des marchandises et services par grands produits de l’UE

Entre 2017 et 2019, les exportations de biens et de services de l’UE ont augmenté pour les biens et services intermédiaires et finals ainsi que pour les biens d’équipement (graphique suivant). La pandémie de Covid-19 a provoqué un déclin pour chacun d’entre eux. La baisse la plus importante concerne les services finals, tandis que les services intermédiaires ont beaucoup moins diminué. Les services finals ont enregistré la plus forte baisse en 2020 (26 pp sous les niveaux de 2017 pour les exportations et 31 pp pour les importations). Cette chute spectaculaire pourrait être principalement attribuée aux restrictions sanitaires et sanitaires liées au Covid-19, en particulier du début à la mi-2020. Les services finals sont majoritairement portés par le poste voyages (dépenses des touristes et voyageurs étrangers). Puisqu’il n’y a eu pratiquement aucun voyage pendant la plus grande partie de 2020, ou seulement très limité, le résultat est visible dans les valeurs des services finaux pour 2020. Les baisses pour les biens se sont situées entre ces deux extrêmes. En 2022, toutes les catégories de biens et services ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis 2017, notamment pour les biens et services intermédiaires.

Exportations extra-UE de biens et services par utilisation finale, 2017=100

 

 

Comme les exportations, les importations totales extra-UE de biens et de services ont diminué en 2020 par rapport aux niveaux de 2019, la plus forte baisse étant à nouveau dans les services finals (graphique suivant). Les importations de services intermédiaires ont commencé à se redresser en 2021 et ont continué de croître au cours de l’année suivante. Les importations extra-UE de biens d’équipement ont diminué en 2020, tandis que les exportations extra-UE ont chuté le plus et ont atteint les niveaux de 2017 en 2021. En 2022, les importations de toutes les catégories de biens et de services ont atteint leurs niveaux les plus élevés depuis 2017, à l’exception des services finals qui a culminé en 2019. L’augmentation a été la plus élevée pour les biens intermédiaires en raison de la forte augmentation des prix de l’énergie.

 

Importations extra-UE de biens et services par utilisation finale, 2017=100

 

 

 

 

e) Les évolutions des importations par produits dans quelques pays de l’UE

Les données reportées dans le graphique suivant montrent qu’au cours de la période 2002-2019, les importations de pièces et composants et de produits semi-finis incorporés dans la production industrielle représentent près de la moitié de la croissance des importations des pays de l’Union européenne. Ainsi en Allemagne, les produits intermédiaires semi-finis (en bleu) contribuent pour 33% à la croissance des importations totales, tandis que les pièces et composantes (en orange) contribuent pour 17% (graphique suivant). Intégrant la contribution des autres biens (gris) la croissance des importations de biens totales sur la période 2002-2019 a été de +113%.

Taux de croissance des importations des pays de l’Union européenne (2002-2019) décomposées selon le type de bien

chaînes de valeurmondiales

Source : données Eurostat-Comext par stade de production (BEC) en valeurs et calcul des auteurs [5].

 

La spécialisation des pays sur leurs secteurs d’avantages comparatifs, ainsi que la fragmentation internationale de la production au sein des secteurs sur les différentes étapes de la chaine de valeur, ont amélioré l’efficacité de la production à l’échelle mondiale. Cette organisation implique que la compétitivité d’une entreprise ne repose plus seulement sur sa propre productivité, mais également sur sa capacité à se fournir auprès des entreprises les plus performantes. Du coup, la fragmentation de la production peut être une source de fragilité en cas de défaillance des entreprises partenaires en amont ou en aval de la chaine de valeur. D’une part, la mise en place de mesures sanitaires pour enrayer la pandémie a engendré des ruptures d’approvisionnements. D’autre part, les difficultés de transport et de distribution pendant le confinement, ont pu aussi se transmettre en cascade en aval ou en amont de la chaine de valeur.

Or, les chaînes de valeur mondiales sont davantage régionales que mondiales. Le graphique suivant montre que, pour les pays européens, une grande majorité des approvisionnements en biens intermédiaires provient des autres membres de l’Union européenne. Cette très forte régionalisation de la production s’explique d’abord par la géographie, qui joue traditionnellement un rôle extrêmement fort dans l’intensité des flux de commerce international entre partenaires. Mais elle résulte aussi des politiques économiques et d’intégration, qui ont permis en Europe de créer un environnement stable et propice aux liens commerciaux, grâce en particulier au marché unique et à la monnaie commune.

Une plus grande diversification des sources d’approvisionnement apporterait une meilleure résilience face aux crises futures. Les entreprises américaines ayant des liens préétablis avec le Vietnam auraient ont pu sauvegarder des approvisionnements habituellement assurés par leurs fournisseurs chinois.

Part de l’Union européenne (28 membres) dans les importations de biens intermédiaires en 2019

Source : données Eurostat-Comext par stade de production en valeurs et calculs des auteurs [5]. Se lit ainsi : les importations de produits semi-finis de la France en provenance de l’UE représentent 70% de ces importations

 

 

 

 

f) L’UE commerçe beaucoup des services intermédiaires.

Eurostat a estimé la répartition de certains éléments de la classification élargie des services de la balance des paiements (EBOPS) pour certains États membres en des sous-postes plus détaillés, sur la base des tendances indiquées dans les données des années précédentes. Le schéma suivant montre les flux de services (par exemple la consommation intermédiaire ou finale) dans le contexte de la discussion sur les grandes catégories économiques.

Flux de services intermédiaires et finals

 

 

 

Au cours de la période 2013-2022, l’UE importait et exportait principalement des services intermédiaires depuis/vers des pays hors UE. On a vu que cette part importante est liée aux effets de la mondialisation dans les économies de l’UE et à la participation des entreprises de l’UE aux CVM.

La part relative des services intermédiaires dans les exportations a augmenté  au cours de la période 2013-2022, égale à environ 70 % en 2013, culminant à 78 % en 2020 et 2021, et descendant à 76 % en 2022. En ce qui concerne les importations, la part des services intermédiaires n’a cessé d’augmenter, bien qu’à un rythme lent, atteignant son maximum de 87 % des importations en 2020, et comme à l’exportation – diminuant à 84 % en 2022 contre 74% en 2013.

Les figures suivantes  présentent une analyse du commerce des services intermédiaires et finaux de l’UE ventilé par grandes catégories économiques. En 2022, les services intermédiaires les plus importés et exportés vers/depuis l’UE étaient les TIC, les médias, les ordinateurs, les services aux entreprises et les services financiers (49 % des exportations et 55 % des importations).

Les autres catégories économiques dominantes étaient également les équipements et services de transport, les voyages, les services postaux – 31 % des exportations et 25 % des importations, et la santé, les produits pharmaceutiques, l’éducation, les services culturels et sportifs – 7 % des exportations et 11 % des importations.

En ce qui concerne les services finaux, 49 % des exportations et 42 % des importations étaient les TIC, les médias, les ordinateurs, les services commerciaux et financiers, suivis par les équipements et services de transport, les voyages, les services postaux (22 % pour les exportations et 24 % pour les importations), la santé , la pharmacie, l’éducation, la culture, les services sportifs arrivent en troisième position (20 % pour les exportations et 23 % pour les importations).

 

Services intermédiaires sur les exportations extra-UE par grandes catégories économiques en %, 2022

Services intermédiaires sur les importations extra-UE par grandes catégories économiques en %, 2022Services intermédiaires sur les exportations extra-UE par grandes catégories économiques en %, 2022

 

Les deux graphiques suivants montrent les parts relatives des services intermédiaires dans les exportations et les importations de chaque État membre de l’UE en 2022, avec le partenaire Monde (partenaire extra-UE pour les exportations et les importations de l’UE). Ces résultats doivent être considérés avec une certaine prudence.

En ce qui concerne les exportations, les parts des services intermédiaires dans les exportations de services étaient les plus élevées au Danemark (88 %) et en Lituanie (87 %) et inférieures à 50 % au Portugal (46 %), à Malte (38 %) et en Croatie (28 %). En France, le ratio est de 76% comme dans l’UE.

Les États membres de l’UE importent principalement des services intermédiaires. Pour l’Irlande, le Danemark, Malte, la Lituanie, la Finlande et les Pays-Bas, plus de 83 % des services importés sont des services intermédiaires. Les parts les plus faibles des importations de services intermédiaires sont représentées par la Roumanie (60 %) et la Croatie (64 %). En France, le ratio est de 77% ontre 84% dans l’UE.

Exportations de services intermédiaires des États membres de l’UE vers l’extra UE, 2022 (%)

 Importations de services intermédiaires des États membres de l’UE de l’extra UE, 2022 (%)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2/ Les échanges de la France avec le reste du monde

a) La répartition par produits et par emplois

Pour la France, les biens intermédiaires et industries extractives représentent la moitié des biens échangés (Industrie manufacturière, industries extractives et autres), en 2020 alors que les biens d’équipement et les biens de consommation n’en représentent que moins de 25% chacun (graphique suivant). Bien que leur contour soit assez complexe à définir à partir des nomenclatures actuelles (voir ci-dessus), ils se composent essentiellement de biens transformés destinés à l’industrie, ainsi que de produits industriels de base et de pièces détachées et d’accessoires.

Tableau 24 importations exportations France

Part des biens dans les échanges de la France selon leur finalité en 2020 (en %)

 

Autre constat, suivant la conception classique des échanges internationaux, on considère que chaque pays produit des biens et offre des services qui sont exportés en tant que produits finaux destinés à des consommateurs (ménages) se trouvant à l’étranger. Néanmoins, dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, ce type de flux commerciaux (consommation finale des ménages) ne représente que 25 % de l’ensemble des échanges de biens et de services, voire moins comme en France (21% des importations).

° Une  partie des importations sont re-exportées (6,5% en France). Mais surtout 70 % des importations sont destinées aux entreprises. Elles vont en consommations intermédiaires (60%) ou en FBCF (10%) comme en Europe (tableau suivant). Elles  reposent en fait sur les chaînes de valeur mondiales, et correspondent à des flux de services, de matières premières, de pièces détachées et de composants qui traversent les frontières – souvent à de nombreuses reprises. Elles sont intégrés en bout de chaîne dans des produits finaux, qui sont ensuite expédiés aux consommateurs du monde entier.

° Les pourcentages  des achats des entreprises dans les importations totales du tableau suivant sont toutefois plus faibles dans certains pays à fortes infrastructures portuaires (Allemagne, Belgique). La part des « importations réexportées » dans les importations totales y est relativement élevée. Elle atteint même 35% aux Pays-Bas (voir page échanges extérieurs). Les marchandises arrivent dans le port de Rotterdam pour être parfois entreposées puis réexpédiées dans toute l’Europe. On a choisi ne pas publier les ratios de ce pays du fait de cette spécificité.

Tableau 29 importations par emplois eurostat 2015

Décomposition des importations entre leurs emplois  en 2015 en milliards d’euros à partir des TES symétriques  (voir page TES Symétrique)

 

 

b) Le commerce extérieur français entre 1970 et 2020

La partie de la demande intérieure satisfaite par les importations est la plus importante pour les produits industriels, suivis par ceux de l’agriculture, sylviculture, pêche et enfin des services marchands. Entre 1970 et 2010, cette part a le plus augmenté dans les produits de l’industrie puisqu’elle est passée de 12,3% à 34,7% , et même 36% en 2018, suivie par les services marchands dont la part est passée de 6,3% à 9% tandis que dans le secteur de l’agriculture, sylviculture, pêche, cette part est passée de 9,5% à 14,4%.

Les exportations concernent en premier lieu les secteurs de l’industrie, suivis par ceux de l’agriculture et des services marchands. La part exportée de la production a le plus augmenté dans l’industrie (où elle est passée de 15,9% en 1970 à 49,5% en 2020) suivie par l’agriculture, sylviculture, pêche où la part exportée de la production a été multiplié par 2,6 tandis que ce même ratio a été multiplié par 1,7 dans les services principalement marchands.

Tableau 25 exportation et importation en % France

Part des importations dans la demande intérieure totale y compris C.I. (mais hors stocks) en %

Part des exportations dans la production des branches en %

 

 

 

 

 

 

3/ Le modèle Avionic de l’Insee: les importations en France par produits et par emplois

Le modèle AVIONIC (Analyse variantielle Input/Output nationale importée et en contenus), a été développé à l’Insee [6]. La source de données principale de ce modèle est le TES symétrique (voir page TES symétrique). Il présente une ventilation du TEI en produit*produit et sépare l’ensemble des ressources et des emplois de l’économie en deux parties : une partie provenant de la production domestique et une partie provenant des importations.

La somme des contenus en importations et des contenus en valeur ajoutée correspond à l’emploi final. Autrement dit, un emploi final se décompose en une partie importée et une partie de valeur ajoutée domestique. Les contenus en importations représentent le montant des importations généré par une des composantes de la demande finale (consommation des ménages, exportations ou formation brute de capital fixe). Il s’agit de déterminer le montant d’importations nécessaire pour satisfaire la composante de la demande finale retenue.

 

 

 

a) Les contenus en importations

Ils sont séparés en une composante directe et une composante indirecte:

 

° Les contenus directs en importations :

il s’agit des importations qui satisfont directement l’emploi final considéré, sans rentrer dans le processus de production domestique. Par exemple,  un ménage achète une voiture allemande.

 

° Les contenus indirects en importations :

Ce sont les importations transitant par les CI qui servent, à travers la production domestique, à satisfaire la demande finale. Par exemple, L’importation d’acier – consommé au sein du processus de production – pour produire une voiture française qui est achetée par un ménage en France.

 

 

b) Les contenus en valeur ajoutée (VA) domestique

Les contenus en VA représentent le montant de VA générée par une des composantes de la demande finale (consommation des ménages, exportations ou formation brute de capital fixe). En d’autres termes, il s’agit de déterminer le montant de VA nécessaire pour satisfaire la composante de la demande finale retenue. Cette VA représente le complémentaire des importations : tout ce qui n’est pas importé est de la VA domestique. Les contenus en VA sont aussi séparés en une composante directe et une composante indirecte :

 

° Les contenus directs en VA :

il s’agit de la VA domestique qui satisfait directement l’emploi final considéré sans rentrer dans le processus de production domestique ainsi que la VA générée pour satisfaire ses consommations intermédiaires.  Un ménage achète une voiture; les contenus directs représentent la valeur ajoutée liée à la production de la voiture ainsi que celle liée à la production des consommations intermédiaires du produit (branche) voiture.

 

° Les contenus indirects en VA:

il s’agit de la VA transitant par les consommations intermédiaires qui servent, à travers le processus de production domestique, à satisfaire les consommations intermédiaires. Un phare, consommation intermédiaire du produit (\branche) voiture a besoin d’une lampe pour être produit. On prend ici la VA du produit (\branche) lampe, ainsi que ses consommations intermédiaires et ainsi de suite.

 

 

c) principaux résultats 

Les calculs du modèle AVIONIC portent sur l’année 2013 (base 2010). On joint ici le TES symétrique de l’Insee en 2017 (base 2014). Les importations représentent 29,2 % du PIB en 2013 (ce qui équivaut au contenu en importations de la demande finale) dont 10,7% de manière directe et 18,7% de manière indirecte. Ces importations représentent 618 milliards d’euros hors correction territoriale, non prises en compte dans le TES symétrique. Elles se décomposent en CI importées pour un montant de 391 Mds et en emplois finals importés pour un montant de 226 Mds (tableaux suivants). On retrouve ainsi les proportions ci-dessus, à savoir (391/618 = 63,5%) et (18,7/29,2 = 64%). Le rôle des biens intermédiaires et des biens d’équipement est primordial dans les importations de CI : 38 Mds de produits chimiques, 32 Mds de produits métalliques, etc… .

En 2017 (base 2014), ces deux catégories de produits représentent les 2/3 des importations de produits industriels, hors importations re-exportées.

Tableau 28 TES symétrique 2017 France

 

 

 

Ce total de 29,2% comprend 14,4 % portés par la consommation des ménages, 8,8 % par les exportations, et 5,9 % par les autres postes de la demande finale (notamment FBCF, variations de stock, objets de valeur). Le contenu en importations de la consommation finale des ménages représente 19,4 % de la consommation finale des ménages (CFM), alors que le contenu en importations de la demande finale représente 24,0 % de la demande finale. Cette différence vient du fait que les autres composantes de la demande finale ont un contenu en importations plus important : par exemple le contenu en importation des exportations représente 32,9 % des exportations : 6,3 % le sont directement (il s’agit des importations directement réexportées) et 26,6 % indirectement (il s’agit des importations qui transitent par le processus de production national).

On remarque ainsi que le contenu indirect en importations de la consommation des ménages est proportionnellement plus faible que celui des autres composantes de la demande finale. Sur les 19,4 % d’importations de la CFM, 8,8 % est directement importé (c’est-à-dire la consommation des ménages qui s’adresse directement aux produits importés) et 10,6 % est indirectement importé (c’est-à-dire qui transite à travers le processus de production français).

 

Ce taux de 19,4% relativement faible de contenus importé masque toutefois une forte hétérogénéité entre types de produits. En effet, la consommation en biens manufacturés contient plus de 2/3 d’importations. La consommation en services contient, elle, moins de 10 % d’importations (et 9/10 importés indirectement).

Pour certains biens, la part de la consommation importée est très élevée. Ainsi, le contenu importé de la fabrication de textiles, industries de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure représente 86,5 % de la consommation (il s’agit pour les 9/10 des contenus directs). Pour d’autres biens, cette part est plus faible, par exemple pour la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac, avec un contenu importé de 40 % (qui est à 55 % direct et 45 % indirect).

Pour les services, le contenu en importation est en général assez faible, et principalement de type indirect. En effet, ces activités sont le plus souvent réalisées par les résidents, même si ceux-ci peuvent utiliser notamment des matériels étrangers, ou des composants étrangers, pour mener à bien leurs activités.

Les produits consommés en France ont un contenu importé qui vient principalement d’Allemagne (15,7 %), puis d’Italie (8,6 %), d’Espagne (8,3 %), des États-Unis (7,4 %) et de Grande-Bretagne (7,2 %) (Source : TiVA). Les contenus importés d’Allemagne sont supérieurs à 10 % pour presque tous les produits. À l’inverse, les contenus importés de certains pays sont plus ciblés sur certains produits. C’est le cas par exemple des produits pétroliers et combustibles nucléaires importés de Russie, des équipements électroniques et optiques provenant de Suisse, ou encore des services d’intermédiation financière provenant du Luxembourg.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III – LE CAPITAL IMMATÉRIEL DANS LES CVM

La production de chaines de valeur mondiales au XXIe siècle se caractérise généralement par ce qu’il convient de dénommer “courbe du sourire”, qui a été utilisée pour la première fois au début des années 1990. Comme il ressort du schéma suivant, la courbe du sourire met en évidence l’importance accrue des phases se situant en amont et en aval de la fabrication et postule que ces phases représentent des parts de plus en plus élevées de la valeur globale de la production. Le sourire de plus en plus large représente dans le schéma suivant indique que le capital immatériel, que ce soit sous la forme de technologie, de design, de valeur de la marque, ou encore de compétences des employés et de savoir-faire en matière de gestion, revêt une importance décisive sur des marches concurrentiels dynamiques. Les entreprises investissent en permanence dans le capital immatériel afin de conserver leur avance sur leurs concurrents.

La production des pays industrialisés au XXIe siècle a de plus en plus le sourire

 

 

 

 

 

 

1/ La propriété intellectuelle et les autres actifs incorporels donnent deux fois plus de valeur aux produits que le capital matériel

On ne dira jamais assez à quel point l’essor de la Chine a été accéléré par les transferts de technologie, certains voulus, beaucoup d’entre eux subis. Les pays occidentaux ont fait de grands sacrifices pour permettre à la Chine de s’insérer pacifiquement dans l’ordre mondial en devenant l’usine du monde, multipliant sa valeur ajoutée par 10 en vingt ans ! Certains en ont bénéficié plus que d’autres, comme l’Allemagne que sa spécialisation dans le haut de gamme et dans la machine-outil a protégée et qui a surtout été très soucieuse de ne pas transférer sa propriété intellectuelle. C’est un enjeu de taille dans la mondialisation des CVM.

 

a) Assembler et décomposer les chaînes de valeur mondiales

Il est possible de mieux comprendre ce qui crée de la valeur dans les cCVM en analysant la part de revenus dégagés par le travail, le capital matériel et le capital immatériel utilisés dans la production des CVM. Certaines études ont réalisé précisément une telle analyse [1], en procédant en deux étapes : tout d’abord rassembler des données macroéconomiques sur la part de valeur ajoutée par groupes de produits manufacturés couvrant 43 pays ainsi qu’une région du reste du monde qui, collectivement, représentent environ un quart de la production mondiale. Les données obtenues permettent de scinder la production des CVM en trois phases : la distribution, l’assemblage final et toutes les autres étapes. Par exemple,  mettre en évidence la valeur ajoutée pendant la phase de distribution dans les prix de vente de voitures dont l’assemblage final a lieu en Allemagne.

Dans un second temps, il a fallu décomposer la part de valeur ajoutée à chaque étape et dans chaque pays entre les revenus dégagés par le travail, ceux provenant du capital matériel et ceux produits par le capital immatériel (schéma suivant). Pour ce faire, il s’agit de retrancher de la valeur ajoutée le revenu du travail et les revenus du capital matériel imputés, en s’appuyant sur les données disponibles relatives aux salaires, à l’emploi, au stock d’actifs en capital matériel ainsi que sur un taux de rendement du capital matériel estimé à 4%. La différence représente les revenus attribuables au capital immatériel. La logique derrière cette approche consiste à tenir compte du fait que le capital immatériel est propre à chaque société et qu’il est différent des autres intrants étant donné qu’il ne s’agit pas d’un type d’actif que les entreprises peuvent commander ou employer librement.  Le schéma suivant montre aussi le lien entre prix de base et prix d’acquisition de la comptabilité nationale.

Décomposer les chaînes de valeur mondiales

Source : Chen et al. (2017).

 

S’agissant des conclusions de ces travaux, la part attribuable aux actifs incorporels s’élevait en moyenne à 30,4% au cours de cette période, soit presque le double de la part dégagée par les actifs corporels. Cette part est passée de 27,8% en 2000 à 31,9% en 2007, mais a stagné entre 2007 et 2014. Une  interprétation que l’on peut donner à l’augmentation de la part attribuable aux actifs incorporels est que les entreprises manufacturières mondiales ont bénéficié de possibilités accrues de délocalisation des activités à forte intensité de main-d’œuvre dans des pays à plus faibles salaires. Les économies réalisées sur les coûts salariaux entraînent une diminution des prix à la production finals; si les dépenses d’investissement demeurent inchangées, la part attribuable aux actifs incorporels doit augmenter puisqu’il s’agit d’une part résiduelle : les actifs incorporels représenteront donc une plus grande part d’un ensemble plus petit. Cependant, cette tendance semble avoir connu son apogée en 2007, juste avant la crise de 2009. Cette observation semble concorder avec la stagnation du rapport entre la croissance du commerce et celle du PIB ainsi qu’avec les études empiriques qui avancent l’idée selon laquelle la spécialisation verticale a peut-être atteint ses limites.

Valeur ajoutée en pourcentage de la valeur totale de tous les produits manufacturés et vendus dans le monde

Source : Chen et al. (2017).

 

 

 

b) Comment la manipulation des prix de transfert et d’autres pratiques connexes faussent la mesure des chaînes de valeur mondiales ?

Le rôle de la propriété intellectuelle dans les CVM est un sujet important. La valeur ajoutée des filiales des multinationales est enregistrée comme production nationale dans les comptes nationaux. Par exemple, une entreprise de la Corée du Sud produisant en Chine voit sa valeur ajoutée incluse dans le PIB chinois. Or la contribution des multinationales à leurs filiales prend de plus en plus la forme de l’utilisation des droits de propriété intellectuelle.

Mais ces services importants sont généralement mal pris en compte dans les statistiques commerciales. Par conséquent, les données montrent souvent que les entreprises étrangères fabriquent des produits complets en Chine, dont certains sont exportés. Si la contribution des sociétés mères en matière de propriété intellectuelle était correctement comptabilisée, il s’agirait alors d’un type de commerce de chaînes de valeur mondiales, à savoir les services de propriété de la société mère à la filiale, et la valeur ajoutée supplémentaire apportée localement puis exportée.

 

L’un des principaux facteurs rendant possible la manipulation des prix de transfert est la difficulté à mesurer la valeur des actifs incorporels. Les règles relatives à l’établissement des prix de transfert dans les cadres de comptabilité fiscale et financière ont établi le principe de la libre concurrence en matière de détermination des prix, selon lequel le prix des transactions entre sociétés liées sous contrôle commun doit être établi en appliquant une valeur similaire à celle d’une transaction comparable avec une société tierce non liée. Cependant, les actifs incorporels sont propres à chaque entreprise et il n’existe pas de transaction comparable avec des sociétés tierces; par voie de conséquence, les prix de transfert peuvent uniquement être imputés ou estimés. En outre, la valeur des actifs incorporels peut être très incertaine, en particulier à un stade précoce lorsque les biens ou services connexes n’ont pas encore été mis sur le marché. Cette incertitude donne aux entreprises une marge de manœuvre considérable pour établir les prix de vente des actifs de propriété intellectuelle ainsi que les taux de redevances entre entités affiliées.

D’un point de vue statistique, la manipulation des prix de transfert entraîne la sous-évaluation de la valeur ajoutée dans les pays à taux d’imposition élevé et sa surévaluation dans le pays à faible taux d’imposition. En outre, cette pratique fausse les statistiques commerciales : les importations de services de propriété intellectuelle du pays à faible taux d’imposition seraient sous-évaluées, tandis que ses exportations de tels services seraient surévaluées.

Le transfert de bénéfices peut prendre d’autres formes. Plutôt que de transférer des actifs de propriété intellectuelle à une filiale étrangère, les entreprises peuvent également surfacturer ou sous-facturer des intrants intermédiaires à forte intensité de propriété intellectuelle ayant fait l’objet d’échanges au sein des chaînes d’approvisionnement des entreprises et pour lesquels, une fois de plus, il n’existe pas de prix de référence fixé en fonction du marché. Ces pratiques s’accompagnent de transferts similaires de valeur ajoutée d’un pays vers un autre, mais l’effet de distorsion des échanges apparaît dans les statistiques commerciales relatives aux produits plutôt que dans celles relatives aux services. Parmi les autres pratiques connexes, on peut citer le “négoce des services” par l’intermédiaire d’entités ad hoc (SPE, voir ci-dessous)), et les arrangements au titre desquels les entreprises multinationales établissent une présence commerciale dans un pays, mais ne sont pas considérées fiscalement comme des établissements stables et ne sont donc pas incluses dans les statistiques commerciales nationales du pays.

Ainsi l’EMN Apple Inc. a réalisé 52 milliards de dollars de ventes en Chine en 2018, mais aucun de ces produits n’apparaît dans les exportations américaines, en particulier ni les produits finis (ordinateurs portables, tablettes, téléphones intelligents), ni les composants d’Apple. C’est l’exemple même d’une nouvelle catégorie : l’entreprise sans usine.  Comment fonctionne la fabrication sans usine ? Apple passe des contrats avec des entreprises industrielles chinoises pour utiliser ses brevets, son design et sa marque afin de produire des produits Apple. Une part importante de cette production est vendue en Chine et le reste est exporté principalement vers les États-Unis et l’Europe. D’un point de vue économique, les États-Unis exportent les services de propriété intellectuelle et importent des produits finis.

D’un point de vue comptable, il y a plusieurs façons d’organiser ce commerce. Une entreprise américaine peut d’abord concéder des licences sur des brevets ou des marques à une entreprise étrangère indépendante. Dans ce cas, le paiement des redevances apparaîtra comme une exportation de services américains. Mais de nombreuses entreprises possédant des droits de propriété intellectuelle de grande valeur préfèrent conserver ces actifs en interne et créer des filiales à l’étranger.  Il est toujours possible qu’une telle entreprise fasse payer une redevance de licence à sa filiale (comme dans le cas irlandais). De nouveau pour des raisons fiscales, il est préférable de facturer ces redevances à des prix très faibles et de gonfler les bénéfices imposables de la filiale: mais le montant total pour les paiements liés à l’utilisation de la propriété intellectuelle tend ainsi à être modeste dans le commerce extérieur, ce qui constitue une sous-estimation importante du rôle réel de la propriété intellectuelle dans le commerce mondial. Apple, par exemple, a investi sa propriété intellectuelle dans des filiales à l’étranger.

 

 

 

 

2/ Commerce d’actifs incorporels, chaînes de valeur mondiales et protection de la propriété intellectuelle

Mais revenons au cas d’Apple et d’autres grandes EMN américaines dans leur commerce avec la Chine ou le Japon.

 

 

a) Apple exporte-t-elle ses produits vers les marchés étrangers ? Une étude de cas sur le commerce des biens incorporels

Cette question peut paraître étrange. En fait, Apple est le plus grand fabricant mondial de technologies de l’information et de la communication. Les iPhones, iPads et iMacs sont des gadgets électroniques à la mode. En 2018, les ventes d’Apple ont totalisé 153,5 milliards de dollars sur les sur les marchés étrangers selon l’EMN Apple, l’un des chiffres les plus élevés parmi les entreprises américaines  . Mais bien qu’il s’agisse d’un exportateur majeur, les statistiques commerciales donnent une image complètement différente du rôle d’Apple dans les exportations américaines.

Mais en termes de statistiques commerciales conventionnelles, Apple n’est pas considéré comme un grand exportateur américain. Boeing Co, avec 71,0 milliards de dollars de ventes à l’étranger en 2018, soit moins de moitié des ventes à l’étranger d’Apple, a longtemps été considéré comme le plus grand exportateur américain. En fait, Apple ne figure même pas dans la liste des 100 premiers exportateurs américains établie par le Journal of Commerce. L’engouement des consommateurs chinois pour les produits Apple a fait de la Chine (RPC) le plus grand marché étranger d’Apple, avec des ventes en RPC de 51,9 milliards de dollars en 2018). Mais si l’on s’en tient à la base de données Comtrade de l’Organisation des Nations unies (ONU), commerce international fournies par les membres de l’ONU, la RPC aurait importé, en 2018, pour seulement 2,6 millions de dollars ordinateurs portables, tablettes et autres processeurs de données portables, tels que définis dans le système harmonisé des produits (SH) nomenclature 847130. La RPC a également importé pour 1,5 millions de dollars de téléphones portables, tels que définis dans le SH nomenclature  851712. Au total, la RPC a importé pour 4,1 millions de dollars d’ordinateurs portables, de téléphones mobiles et d’autres produits similaires inclus dans les deux catégories du SH. Les définitions des deux catégories impliquent que tous les produits Apple appartiennent à ces deux groupes.

La comparaison des ventes d’Apple à la RPC avec les statistiques commerciales officielles pose un problème : Apple exporte-t-elle réellement ses produits vers ce pays ? Les 51,9 milliards de dollars de ventes d’Apple à la RPC en 2018 est plus de 12 000 fois supérieur au total des importations déclarées de la RPC en ordinateurs portables et en téléphones mobiles en provenance des États-Unis  en 2018 ! La disparité entre les données commerciales officielles et le chiffre d’affaires d’Apple est trop importante pour s’expliquer par des erreurs statistiques ou par les marges brutes extraordinairement élevées d’Apple. Le chiffre d’affaires inclut les revenus qu’Apple a tiré de ses actifs incorporels et de ses services, ce qui pourrait exagérer la disparité.

Mais l’écart reste énorme même si le coût de production des biens vendus par Apple était utilisé comme base de comparaison. Le coût de production des produits Apple vendus à la RPC en 2018 était estimé à 32,1 milliards de dollars, soit près de 8 000 fois les importations de la RPC en provenance des États-Unis en ordinateurs portables et en téléphones mobiles cette année-là Le tableau suivant montre les importations de la RPC d’ordinateurs portables et de téléphones mobiles en provenance des États-Unis de 2015 à 2018, et les compare avec les ventes annuelles d’Apple en RPC, ainsi que les coûts de fabrication correspondants. Les disparités sont significatives et prévalent pour toutes les années. Compte tenu de tout cela, la seule explication possible à cette disparité est que les statistiques commerciales officielles ne reconnaissent pas même pas un dollar de ventes d’Apple à la RPC comme une exportation américaine.

 

Importations chinoises d’ordinateurs portables et de téléphones mobiles en provenance des États-Unis, et ventes d’Apple à la République populaire de Chine, 2015-2018

 

Les ventes d’Apple à l’étranger ne sont pas seulement absentes des statistiques sur le commerce bilatérales entre la RPC et les États-Unis : elles sont également absentes des statistiques de tous les partenaires commerciaux des États-Unis. Un phénomène similaire peut être facilement observé pour les ventes d’Apple dans les pays de l’Union européenne ou au Japon. Les données Comtrade de l’ONU montrent qu’en 2018, le Japon a importé pour 8,7 millions de dollars d’ordinateurs portables et de téléphones mobiles en provenance des États-Unis, tels que définis par les produits HS847130 et HS851712. Apple a toutefois déclaré avoir réalisé 21,7 milliards de dollars de ventes au Japon, soit l’équivalent de 2 500 fois les importations japonaises déclarées. Le coût total de fabrication de ces produits Apple est estimé à 13,4 milliards de dollars, soit plus de 1 500 fois les importations japonaises déclarées. Le tableau suivant  montre la valeur des importations japonaises japonaises en provenance des États-Unis pour les ordinateurs portables et les téléphones mobiles de 2015 à 2018, et compare ces chiffres aux ventes annuelles d’Apple dans le pays, ainsi qu’aux coûts de fabrication. Une disparité spectaculaire est immédiatement visible entre les importations japonaises déclarées, les ventes d’Apple et le coût de fabrication des produits Apple au cours de la période. Ce cas vient étayer l’argument selon lequel les statistiques commerciales traditionnelles ne mesurent pas le commerce des biens incorporels via les chaînes de valeur mondiales.

Importations japonaises d’ordinateurs portables et de téléphones mobiles en provenance des États-Unis et ventes d’Apple au Japon, 2015-20

 

Le phénomène des exportations manquantes est d’ailleurs également présent dans le commerce des biens à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’habillement et les chaussures. Selon la base de données Comtrade de l’ONU, la RPC, en 2018,a importé pour 209,3 millions de dollars de vêtements et de chaussures en provenance des États-Unis, tels que définis par les normes produits HS62 et HS64. La comparaison de ce chiffre avec les ventes de Nike à la  RPC soulève une question parallèle : Nike exporte-t-elle ses produits vers la RPC ? Il s’agit après tout du plus grand marché étranger de Nike. En 2018, Nike a vendu pour 5,1 milliards de dollars de vêtements et de chaussures de sport aux consommateurs de la RPC, soit près de 25 fois les importations de vêtements et de chaussures de la RPC en provenance des États-Unis , comme l’indiquent les statistiques commerciales officielles. On estime que le coût total de fabrication de ces produits Nike est d’environ 2,9 milliards de dollars, soit environ 14 fois la valeur des importations de la RPC rapportées par les statistiques commerciales officielles. Les définitions HS62 et HS64 impliquent que les produits Nike doivent être classés dans les deux catégories par les statistiques commerciales s’ils ont été expédiés en RPC depuis les États-Unis. Le tableau suivant présente les importations de vêtements et de chaussures de la RPC en provenance des États-Unis entre 2015 et 2018, ainsi que les ventes de Nike en RPC et les coûts de fabrication correspondants. L’écart considérable entre les chiffres des importations de la RPC et les chiffres des ventes de Nike est visible. sur les 4 années. Nike est le plus grand vendeur de chaussures et de vêtements de sport au monde. La déclaration de Nike selon « laquelle presque tous les produits de chaussures et de vêtements sont produits en dehors des États-Unis » explique pourquoi, selon les statistiques commerciales conventionnelles, les ventes de Nike à la RPC n’ajoutent rien aux exportations américaines vers la RPC.

Importations de vêtements et de chaussures de la République populaire de Chine en provenance des États-Unis,et ventes de Nike à la République populaire de Chine, 2015-2018

 

 

b) Exporter sans franchir les frontières nationales : Le cas de l’iPhone X

Deux raisons majeures expliquent l’incohérence entre l’image dépeinte par les statistiques commerciales et la réalité, à savoir qu’Apple exporte chaque année des milliards de dollars de biens de consommation à l’étranger. Premièrement, presque tous les produits Apple vendus sur les marchés étrangerssont assemblés et expédiés à partir d’usines situées en dehors des États-Unis donc, ils ne franchissent pas les frontières américaines pour entrer sur les marchés internationaux. Par conséquent, ils ne sont pas considérés comme des exportations américaines par les douanesde n’importe quel pays. Par exemple, tous les produits Apple vendus à la RPC sont expédiés directement par les fabricants sous contrat Foxconn, Luxshare, Precision Industry CoLtd, Pegatron Corp, et Wistron Corp, qui se trouvent tous dans la RPC.

Deuxièmement, même si les produits Apple étaient comptabilisés comme des exportations des pays fabricants – par exemple, les iPhones exportés de la RPC vers le Japon – la valeur ajoutée associée aux actifs incorporels et aux services d’Apple ne serait pas comptabilisée dans ces exportations. Cela s’explique par le fait que les fabricants sous contrat d’Apple ne sont pas propriétaires de ces produits ; ils ne sont responsables que de l’assemblage des produits Apple prêts à l’emploi. Les fabricants sous contrat ne déclarent à la douane les coûts de fabrication des produits Apple assemblés lorsqu’ils les expédient à l’étranger. Par conséquent, la valeur ajoutée des actifs incorporels d’Apple incorporés dans tous ses produits n’est enregistrée par les  douanes d’aucun pays, ce qui constitue un cas flagrant d’exportation américaine disparue.

L’exportation d’un iPhone X non enregistrée provient l’incapacité des statistiques commerciales conventionnelles à retracer le commerce des biens incorporels via les CVM. Supposons que l’iPhone X est vendu dans le reste du monde, et non à la RPC ou aux États-Unis La figure suivante montre les flux de commerce et de revenu entre  la RPC, les États-Unis et le reste du monde pour la fabrication et et la vente de l’iPhone X, dont le prix de vente au détail est de 1 000 $. Une analyse du démontage révèle le coût de production (le coût de toutes les pièces et du service d’assemblage) s’élève à 409,3 $ auxquels Apple ajoute 590,8 $ d’actifs incorporels : le système d’exploitation iOS, la marque, le design du produit, et les réseaux de marketing et de vente au détail. Pour fabriquer un iPhone, Foxconn, en RPC,  importe pour 76,5 $ de pièces et de composants des États-Unis et pour 228,8 $ du reste du monde. Comme résultat de la fabrication de l’iPhone, Foxconn est en mesure d’offrir à ses clients des produits et des services de qualité. Par conséquent, la vente d’un iPhone X à 1 000 $ représente un volume d’exportation total de 714,6 $ pour l’économie mondiale – 305,3 $ en pièces exportées vers la RPC plus les 409,3 $ pour l’iPhone X exporté par la RPC. Il faut souligner que les statistiques commerciales ne rapportent seulement les 76,5 $ de pièces expédiées directement des États-Unis vers la RPC en tant qu’exportations américaines, soit environ un dixième de la valeur totale des exportations générées par la vente d’un iPhone X à 1 000 $ à l’étranger. Il est clair que les statistiques commerciales sous-estiment considérablement la valeur réelle des exportations américaines d’un iPhone X vendu.

Inadéquation entre le commerce et les revenus de l’iPhone X

 

Cette figure montre que les flux de revenus, indiqués par les lignes rouges, ne correspondent pas aux flux commerciaux.Plus précisément, (i) la RPC n’a reçu que 104,0 $ pour le service d’assemblage et les pièces fabriquées dans le pays, malgré l’exportation déclarée de 409,3 $ ; (ii) les statistiques commerciales montrent que la RPC a importé 305,0 $ de pièces de rechange des États-Unis et du reste du monde pour l’assemblage de l’iPhone X, mais il n’y a pas de revenu correspondant circulant de la RPC vers ces régions, car Apple a payé directement ses fournisseurs aux États-Unis et dans le reste du monde ;et (iii) suite à la vente de l’iPhone X dans le reste du monde, les États-Unis ont reçu1 000 dollars de revenus en provenance de l’étranger, mais il n’y a pas de flux commercial correspondant aux 1 000 dollars reçus. Cette analyse du commerce de l’iPhone montre clairement que les statistiques commerciales conventionnelles ne saisissent que la valeur des biens physiques traversant les frontières et ne ne reflètent donc pas les les « exportations » de services d’actifs incorporels incorporés dans des biens matériels.

 

 

c) Commerce de biens incorporels entre la République populaire de Chine et les États-Unis

Les données du US Census Bureau montrent que les États-Unis ont enregistré un déficit commercial de 420 milliards de dollars de marchandises avec la RPC en 2018, ce qui représente près de la moitié du déficit commercial total des États-Unis pour les marchandises. Ce déficit commercial persistant et croissant a déclenché une guerre commerciale entre les deux pays. D’ailleurs, l’incohérence entre les statistiques commerciales actuelles et le commerce moderne basé sur la chaîne de valeur est l’un des principaux facteurs du déséquilibre commercial apparemment énorme entre les deux pays. Quelques études montrent que la valeur ajoutée étrangère dans les chiffres américains sur les exportations de la RPC exagère grandement à la fois les exportations de la RPC et son excédent commercial avec les États-Unis. Alors que la valeur ajoutée étrangère gonfle l’excédent commercial bilatéral de la RPC, l’émergence de producteurs de biens sans usine a entraîné une sous-estimation des exportations américaines vers la RPC. En externalisant toutes les tâches de fabrication à des fabricants sous contrat étrangers, de nombreuses entreprises américaines ont adopté un nouveau modèle d’entreprisepour commercialiser leurs produits en RPC. Au lieu de vendre des produits fabriqués aux États-Unis, elles vendent des produits portant des marques, des conceptions et des technologies américaines qui sont fabriqués ou assemblés en RPC ou dans des pays tiers.

Chaque année, les fabricants américains de produits sans usine vendent des milliards de dollars de produits tangibles,tels que des iPhones, des chaussures Nike, des unités centrales de traitement AMD en RPC et tirent de ce marché des milliards de dollars de revenus sur leurs actifs et services En 2018, les ventes nettes d’Apple en RPC se sont élevées à 51,9 milliards de dollars ;  15,1 milliards de dollars pour Qualcomm, 5,1 milliards de dollars pour Nike et 2,5 milliards de dollars pour AMD. Le chiffre d’affaires total de la RPC de ces quatre entreprises était de 74,6 milliards de dollars. Les marges bénéficiaires brutes extraordinairement élevées – 43,8 % pour les produits de Nike et 55,0 % pour ceux de Qualcomm – montrent que les entreprises américaines ont capté une part importante de la valeur ajoutée des produits vendus en RPC. Ce que les clients chinois achètent en réalité à ces fabricants sans usine, ce sont les services de leurs actifs incorporels incorporés dans des biens matériels assemblés et produits par des sous-traitants étrangers.

Ces activités, qui ne sont pas des activités de production, ne sont pas toutefois pas traitées comme des exportations américaines vers la RPC, car les statistiques commerciales conventionnelles sont conçues pour le commerce classique « tissu contre vin », et non pour le commerce moderne basé sur la chaîne de valeur. Par rapport aux exportations de produits agricoles et d’avions, les exportations de services d’actifs incorporels via les chaînes de valeur mondiales créent des emplois et des revenus pour l’économie américaine  et doivent donc être considérées comme un nouveau type d’exportation à l’ère des CVM.

Le tableau suivant présente les revenus estimés d’Apple, de Nike, d’AMD et de Qualcomm sur leurs actifs incorporels grâce à la vente de biens matériels en RPC. Il convient de souligner que les revenus estimés ne comprennent ni la valeur ajoutée par leurs fabricants sous contrat, tels que TSMC, ni la valeur ajoutée par le personnel de service local en RPC.

Revenus d’Apple, Nike, Advanced Micro Devices, Qualcomm provenant d’actifs incorporels en République populaire de Chine, 2018 (milliards de dollars)

 

Comme le montre ce tableau, sur les 51,9 milliards de dollars de ventes totales d’Apple en RPC, l’entreprise a gagné 18 ;3 milliards de dollars, ce qui représente le paiement de ses actifs incorporels, tels que la marque Apple, le système d’exploitation iOS, la conception des produits, les activités de marketing. En termes de paiements bilatéraux, les 18,3 milliards de dollars représentent une partie du paiement effectué par les consommateurs chinois pour les services d’Apple. En actifs incorporels, Nike a tiré un montant estimé à 1,4 milliards de dollars de la RPC en tant que retour sur sa marque, son design et ses activités de marketing. Sur les 15,1 milliards de dollars de ventes de Qualcomm en RPC, 7,5 milliards peuvent être attribués à la valeur ajoutée de ses actifs incorporels. Au total, les quatre fabricants sans usine ont gagné un total de 27,9 milliards de dollars en vendant les services de leurs actifs incorporels aux clients chinois. La division internationale du travail le long des chaînes de valeur, comme l’illustre le cas de l’iPhone, est une réalité. Les  EMN des pays développés se spécialisent généralement dans la création d’actifs incorporels, tandis que les entreprises des pays en développement se consacrent à la fabrication de matériaux et de produits. Le « commerce de tâches » fait référence à l’utilisation internationale de services d’actifs intangibles dans la fabrication de produits tangibles. Ainsi, du point de vue du commerce de la chaîne de valeurles 27,9 milliards de dollars constituent les exportations de 2018 des quatre entreprises américaines vers la RPC.

Les données du Bureau du recensement américain montrent que les États-Unis ont exporté 57,1 milliards de dollars de services vers la RPC en 2018. Si les revenus tirés par les quatre entreprises américaines de la RPC étaient classés comme des exportations américaines de services vers la RPC, les exportations de services vers la RPC augmenteraient de 48,9 % par rapport à l’année précédente. pour atteindre 85,0 milliards de dollars, et sa balance commerciale globale (biens et services) avec la RPC se réduirait de 7,3 % pour atteindre 352,1 milliards de dollars (tableau suivant).

Fabricants américains de produits manufacturés et leurs échanges avec la République populaire de Chine (milliards de dollars)

 

Il est clair que l’ajout des exportations de services de biens incorporels par les quatre fabricants américains sans usine augmenterait considérablement le volume des exportations américaines vers la RPC et réduirait le déficit commercial Il ne s’agirait pas d’une simple astuce statistique visant à réduire artificiellement le déséquilibre commercial entre les deux pays : il s’agirait de l’ajustement nécessaire pour que les statistiques commerciales soient adaptées au commerce des CVM.  En un mot, reconnaître les revenus que les fabricants américains sans usine tirent de leurs produits et de leurs biens incorporels dans le cadre des exportations américaines devrait réduire l’écart commercial et atténuer de manière significative le déséquilibre commercial bilatéral. La logique de cet ajustement dans la pratique de déclaration actuelle est simple. Lorsque les consommateurs achètent leurs produits, tels que les iPhones, les chaussures Nike, les puces Qualcomm et les unités centrales de traitement AMD, ils paient non seulement les coûts de production de ces produits, mais aussi et surtout, pour la valeur ajoutée des actifs incorporels incorporées dans les biens physiques. Le fait d’ignorer les revenus des fabricants américains sans usine de leurs ventes en RPC non seulement sous-estimerait grandement les avantages des échanges commerciaux des États-Unis avec la RPC, mais fausserait aussi certainement les calculs de la balance commerciale bilatérale.

 

 

 

 

3/ Gestion des actifs fondés sur les connaissances

Les fabricants sans usine organisent les CVMs sur la base de leur propriété intellectuelle, notamment brevets, marques déposées, droits d’auteur, noms de marque, conceptions de produits, logiciels, bases de données et structures d’organisation commerciale particulières. La propriété intellectuelle est de plus en plus le principal actif détenu par les grandes EMN. Dans de nombreux secteurs importants, tels que l’automobile, les EMN ont leurs propres usines de fabrication dans le monde entier, mais leur propriété intellectuelle reste leur principal atout et les entreprises qui les détiennent ont tendance à s’en servir comme d’une arme et la base sur laquelle elles organisent les CVMs.

Les  aspects relatifs à la gestion des connaissances déterminent l’organisation des CVM, en particulier quant à la question de savoir si les entreprises intégrent verticalement différentes activités de production ou si elles externalisent ces opérations. L’externalisation peut permettre aux entreprises de réaliser des économies considérables, mais elle s’accompagne également d’un risque de fuite de leurs actifs fondés sur les connaissances essentiels vers de futurs concurrents. La fuite de connaissances est une préoccupation inévitable au sein des chaînes de valeur relationnelles et captives, en particulier dans le cas de figure où les entreprises dominantes transfèrent des connaissances à des entreprises partenaires qui pourraient par la suite devenir des concurrents. C’est la raison pour laquelle les EMN limitent parfois les transferts de connaissances à des technologies plus anciennes, auquel cas la fuite de connaissances ne constitue pas directement une menace sur le plan de la concurrence.

Dans d’autres cas, les entreprises peuvent librement partager ou concéder sous licence certains de leurs actifs fondes sur les connaissances, en partie pour stimuler l’adoption de nouvelles technologies et en partie pour obtenir un accès a des technologies détenues par d’autres entreprises. Ce dernier aspect est important pour ce qui est des technologies dites complexes, définies comme les technologies utilisant de nombreuses inventions brevetables séparément et dont les brevets peuvent être détenus par de nombreux titulaires. Les technologies complexes incluent la plupart des TIC, qui ont enregistre la croissance la plus rapide du nombre de dépôts de brevets entre 1990 et 2020. Dans le cadre d’accords de concession de licences réciproques, les entreprises négocient les conditions d’accès aux technologies dont elles ont besoin pour commercialiser leurs propres innovations.

La protection au titre de la propriété intellectuelle est une composante essentielle de la plupart des stratégies de gestion des connaissances des entreprises. À titre d’exemple, un peu plus de la moitié des investissements dans les actifs incorporels sont consacrés à des actifs protègés par différents droits de propriété intellectuelle au Royaume-Uni.

Toutefois, la question de savoir pour quels actifs fondes sur les connaissances il convient de déposer une demande de droits de propriété intellectuelle, et dans quels pays, requiert une planification rigoureuse. L’obtention de droits de brevet en particulier est coûteuse, notamment lorsque la demande est déposée dans de nombreux pays. C’est la raison pour Laquelle les entreprises limitent souvent la portée de leurs brevets aux pays dotes des secteurs économiques les plus importants et aux pays dans lesquels la production des chaines de valeur mondiales se déroule. C’est pourquoi les cinq offices recevant le plus grand nombre de demandes de brevet déposées depuis l’étranger – l’office national des brevets de la Chine, du Japon, de la République de Corée et des Etats-Unis d’Amérique ainsi que l’Office européen des brevets – regroupent70% du total des demandes de brevet déposées dans le monde par des non-résidents (graphique suivant). Assez peu de brevets circulent vers les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.

 

Part de demandes reçues par les cinq principaux offices par rapport au nombre total de demandes de brevet dans le monde par des non-résidents (2015)

Source : Centre de données statistiques de propriété intellectuelle de  l’OMPI, juillet 2017.

 

 

 

 

 

4/ Quels pays recueillent le rendement produit par le capital immatériel?

La question est évidente, mais la réponse est incertaine. Tout d’abord, grâce au prix de transfert et auxpratiques connexes, les entreprises peuvent facilement transférer leurs bénéfices d’un endroit à l’autre. Ainsi, la majeure partie du rendement d’un actif corporel provenant d’un pays peut être perçue dans un autre pays. Plus fondamentalement, l’augmentation des participations transfrontalières et du partage des actifs incorporels est en train de remettre en question la notion même d’actifs et de revenus liés à un lieu. La nature précise du capital immatériel et l’incidence qu’il a sur les modèles d’affaires des participants d’une chaîne de valeur mondiale diffèrent très largement d’un secteur à l’autre.

S’il est difficile d’obtenir des données chiffrées fiables, il apparaît clairement que les pratiques d’optimisation fiscale des entreprises multinationales donnent lieu à des transferts non négligeables, entre pays, de bénéfices déclarés. Au niveau microéconomique, Au niveau macroéconomique, en utilisant des données d’enquête du Bureau de l’analyse économique des États-Unis d’Amérique, on estime l’ampleur des transferts de bénéfices entre les entreprises multinationales du pays : il conclut que les entreprises à forte intensité de recherche-développement sont plus enclines à procéder à une comptabilisation des bénéfices en faveur de filiales étrangères que les entreprises n’ayant pas une forte intensité de recherche-développement, mettant ainsi en évidence le rôle important joué par les actifs incorporels dans les pratiques d’optimisation fiscale. En s’appuyant sur toute une série de sources et en formulant plusieurs hypothèses, les économistes Neubig et Wunsch-Vincent (2017) estiment de manière prudente que le transfert de bénéfices à l’échelle mondiale associé aux transactions transfrontalières d’actifs de propriété intellectuelle pourrait à lui seul se monter à 35% des échanges transfrontaliers de services de propriété intellectuelle totaux déclarés. En particulier, le PIB de l’Irlande a enregistré une hausse de 26% en 2015, qui s’expliquait en grande partie par les entrées d’actifs incorporels et d’autres actifs mobiles à l’échelle internationale effectuées par des entreprises multinationales ayant situé leur siège en Irlande (voir page PIB irlandais).

L’OCDE fournit un service de données important en reconstituant des TES dans lesquels la valeur ajoutée est divisée entre la production des entreprises nationales et la production des filiales des multinationales. On peut supposer que la contribution des filiales étrangères comprend au moins une partie du flux provenant de la société mère. Si l’on suppose que les activités des filiales étrangères  ont un contenu d’importation intangible, alors les mesures du commerce des CVM sont à peu près doublées.  Malheureusement, il ne semble pas possible d’étendre cette analyse dans le temps.  L’exercice révèle l’étendue des CVM, qui sont déjà considérées comme importantes – en fait, elles seraient deux fois plus importantes que ne l’indiquent les statistiques commerciales conventionnelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

IV – UN TES MONDIAL POUR MESURER LES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES

D’un point de vue macroéconomique, les TES internationaux (TIES)  ont été largement utilisés pour montrer que les chaînes de valeur mondiales et la valeur ajoutée dans le commerce ont augmenté rapidement entre le milieu des années 90 et la fin des années 2000 [7]. L’intégration des pays et des industries dans les chaînes de valeur mondiales et leurs contributions à la création de valeur nationale sont capturées par des indicateurs basés sur le TES symétrique tels que la valeur ajoutée nationale et le contenu en importations des exportations. De plus, la distance à la demande finale (« amont ») et le nombre d’étapes de production incorporées servent de mesures de la position d’une industrie ou d’un pays au sein des chaînes de valeur mondiales.

L’utilité de cette approche a vite été reconnue par des institutions internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), car elle permet d’évaluer plus précisément les balances commerciales internationales en distinguant pour une exportation ce qui est produit à l’intérieur du pays et ce qui est importé. Les statistiques du commerce brut sont en effet trompeuses : lorsque la valeur du contenu importé, y compris la valeur des droits de propriété intellectuelle incorporés dans les produits, est soustraite de la valeur totale des exportations finales chinoises, le déficit bilatéral américain diminue considérablement, jusqu’à 40 % certaines années (voir ci-dessous).

 

 

1/ Vue d’ensemble des TIES

Des méthodologies se sont ainsi développées sur les chaînes de valeur mondiales au-delà de la description de l’économie nationale à travers le TRE (tableau-ressources-emplois) et le Tableau-entrées-sorties (TES) symétrique, qu’on appelle en anglais « Input-Output Table » (IOT) : OCDE projet TiVA (trade in Value Added), Eurostat projet FIGARO (Full International and Global Accounts for Research in Input-Output Analysis). Ils s’appuient sur des TES symétriques inter-pays (ou tableaux internationaux inter-pays – TIES).

Il existe une multitude de TES inter-pays (aussi appelé TIES : Tableau International Entrées-Sortie) (tableau suivant) concernant des pays différents, avec des nomanclatures plus ou moins agrégées, sans compter d’autre sources parfois spécifiques à certains pays (États-Unis, Belgique,…) :

TES internationaux (TIES) répertoriés

 

Un TIES est le pendant à l’échelle mondiale des tableaux des entrées-sorties (TES « symétriques ») nationaux : il rassemble dans un même cadre comptable, les comptes de production et d’exploitation par branches, pour chaque branche de chaque pays. Il rassemble aussi les équilibres-resources-emplois par produits.

Construire un TIES nécessite néanmoins une modélisation qui repose sur des hypothèses, et donc un ensemble de choix méthodologiques. Aujourd’hui, plusieurs bases TIES co-existent et leurs différences statistiques sont assez bien connues. Elles sont brièvement rappelées dans https://www.insee.fr/fr/statistiques/7624261.

En pratique, construire des TIES est une tâche complexe, chronophage et nécessitant de gros volumes de données d’une multitude de sources. Il s’agit notamment des tableaux nationaux des ressources et des emplois (TRE) ou des tableaux des entrées-sorties nationales (TES symétriques) pour évaluer les opérations entre branches au sein des pays, des données sur les échanges internationaux de biens et services par produit pour rendre compte des flux entre pays, et des statistiques de comptabilité nationale pour étalonner les estimations aux toutes dernières séries chronologiques des principaux agrégats de Comptabilité Nationale (à savoir PIB, demande finale, exportations et importations) et aux données sur la production et la valeur ajoutée par branche d’activité.

 

Certains  TIES disponibles le sont librement et gratuitement  : — La base Figaro diffusée par Eurostat, dans sa version de 2021, qui a été révisée ; — les bases de l’OCDE : ICIO21 (pour le TIES); — les bases de trois instituts ou consortiums de recherche : celles du WIOD (WIOD 16 et WIOD12),etc …

Mais d’un TIES à l’autre, la production mondiale, la demande finale ou les consommations intermédiaires totales sont différentes. De plus, les structures mondiales de production et de commerce peuvent s’écarter sur des branches ou des pays donnés. Ces écarts peuvent s’expliquer par le fait que les différents TIES sont parfois issus de données différentes, mais également produits par des institutions ou organismes différents, dont chacun a sa méthode de réconciliation des données nationales pour créer un TIES. C’est le cas par exemple lorsqu’il s’agit de mettre en cohérence les importations d’un pays avec les exportations d’un autre (valorisation CAF/FAB) ou encore de répartir les achats des touristes français à l’étranger (passage au concept de résidence) (correction territoriale).

C’est en effet sur l’origine des importations que les TIES s’écartent le plus les uns des autres. Ces écarts sont dus en grande partie aux différentes méthodes de retraitement et de mise en cohérence des importations et des exportations (voir ci-dessous). Par exemple, les importations de la France depuis les États-Unis sont deux fois plus élevées dans Figaro 2 que dans les autres bases, mais inversement, celles en provenance d’Italie, de Grande-Bretagne ou d’Espagne sont deux fois moins élevées. La ventilation des importations par branche est également variable d’une base à l’autre.

De même, il semble y avoir de gros soucis sur les chiffres entre la France et certains pays dans les deux bases TIVA de l’OCDE et FIGARO d’Eurostat. Par exemple il y aurait un solde positif en 2020 de 5 milliards d’euros dans le commerce extérieur entre la France et la Chine dans TIVA, légèrement déficitaire en 2019 dans FIGARO alors que les instituts français affichent un déficit de la France de 30 Mds d’euros.

Toutes les méthodologies de ces bases sont en anglais, même le document de méthode de la base FIGARO d’Eurostat. Voici les principaux termes techniques et acronymes. On y voit que le terme anglais « IOT, input-output table » est traduit par « TES » dans les notes explicatives des bases. Or le SEC 2010 comme l’Insee parle de TES « symétrique » au lieu de TES qui a d’ailleurs une autre signification en France, au sens de TES standard, pseudo-équivalent des tableaux ressources-emplois (TRE) étrangers (voir page Tableau ressources emplois).

 

 

 

 

 

 

2/ Le projet TIVA de l’OCDE

C’est l’OCDE qui a développé les premiers projets depuis 2005. Le principe est de partir des TES symétriques de chaque pays individuellement, chacun disposant d’importations et d’exportations mais sans décomposition des destinations et origines par pays.

Des tableaux nationaux entrées-sorties harmonisés aux tableaux mondiaux entrées-sorties (TIES)

 

L’édition 2020 des TIES / TiVA est la dernière, publiée en décembre 2023 sur le site de l’OCDE.

Les indicateurs présentés le sont pour :

  • 66 économies / pays,
  • 36 branches établies à partir de la CITI Rév.4 (tableau suivant),
    • 20 activités de fabrication,
    • 16 activités de services dont l’électicité, le gaz, leau (CITI 35 à 39) et la constrcution (CITI 41 à 43),
  • années 1995, 2000, de 2005 à 2018

Le TIES de l’OCDE – Couverture sectorielle

 

 

Le matériel de support comprend :

  • des notes par pays,
  • une brochure de présentation et des notes de synthèse,
  • des métadonnées,
  • des tableaux internationaux entrées-sorties (TIES) sous-jacents.

 

Le TIES doit rendre cohérentes les données du commerce international à l’échelle mondiale, ce qui n’est pas la moindre des difficultés (voir ci dessous). Par exemple, la somme des importations par pays de provenance retracées dans les exportations de ces pays à destination de la France est égale au total des importations de la France.

Le « TEI international » prend la forme suivante dans les bases internationales :

– Le TEI importé : TEI obtenu en croisant deux pays différents (ex: France x Allemagne). Ce tableau détaille les mécanismes d’importation entre deux pays branche par branche.

– Le TEI domestique : TEI obtenu en croisant un même pays (ex: France x France). Il détaille les flux de consommation entre les différentes branches d’une économie.

Le TEI « international »

 

 

 

a) La structure du  projet TiVA 2023

Le système ICIO de l’OCDE consiste en un ensemble de données mondiales annuelles des tableaux d’entrées-sorties symétriques, branche par branche. Pour chaque année, plusieurs matrices peuvent être générées à partir des tables ICIO pour calculer les indicateurs TiVA. Le tableau suivant, et les trois figures suivantes présentent les structure de base de la base de données ICIO et les principales matrices nécessaires à l’estimation des indicateurs TiVA. Ceux-ci sont dans la publication de l’OCDE  de novembre 2023 https://web-archive.oecd.org/fr/2023-11-24/644737-TiVA_2023_Indicators_Guide.pdf

Le fait de disposer d’une ventilation des TES symétriques importés par pays d’origine constitue une ventilation supplémentaire, par exemple pour déterminer la ventilation du contenu en importations d’un produit donné selon les pays exportateurs (à titre direct et indirect). Les données sur les échanges internationaux couvrent les échanges de biens et de services, la valeur ajoutée locale dans les exportations brutes et les chaînes de valeur mondiales (CVM) (voir l’exemple fictif dans page TES Symétrique).

Matrices de base des tableaux ICIO de l’OCDE et indicateurs TiVA

Structure de base de l’ICIO de l’OCDE

Obtention de l’inverse de Léontief et du ratio valeur ajoutée/production

Obtenir les flux commerciaux bilatéraux

 

 

 

 

 

b) Mettre en lumière plusieurs ovjectifs dont les chaînes de valeur mondiales.

La base de données de l’OCDE a pour objet d’éclairer les pouvoirs publics dans un certain nombre de domaines et d’assurer une meilleur prise en compte:

  • de l’importance de la contribution des services dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) : comprendre la nature et les effets des chaînes de valeur régionales et mondiales par exemple les indicateurs TiVA,
  • du suivi de l’évolution temporelle des systèmes de production dans le monde,
  • de l’importance des importations dans les exportations,
  • de la véritable nature des interdépendances économiques, telles qu’elles apparaissent dans les balances commerciales bilatérales, exprimées en valeur ajoutée, donc avoir une vue d’ensemble équilibrée des flux de biens et services intermédiaires et finals, entre les pays et entre les branches d‘activité.

chaînes de valeur mondiale

 

 

 

c) La méthode de construction du TIES dans TIVA

Il a fallu définir une méthode de calcul du TES inter-pays :

  • Soit on part des TRE de chaque pays aux prix de base, décomposés en TRE domestique et TRE importé, puis on calcule un TRE inter-pays et au final un TES symétrique inter-pays.
  • Soit on part des TES symétriques de chaque pays. Mais leurs méthodes de calcul varient : la plupart des pays font des IOT « produit » * « produit « . Mais certains pays, notamment scandinaves, font des IOT « branche d’établissement » * « branche d’établissement ».

Dans les projets TiVA et FIGARO, c’est plutôt la première solution qui a été choisie. Pour comprendre ce choix, on se reportera au descriptif du projet FIGARO ci-dessous et à la page TES symétrique. L’étape 3 du second schéma suivant le montrerait. L’étape 4 « Flux des échanges bilatéraux de biens et services » est assez complexe car il faut résoudre les asymétries du commerce extérieur. Ce n’est que dans l’étape 5 qu’on établit un tableau des entrées-sorties (ES) de la production intérieure (symétrique branche-par-branche).

Enchaînement des étapes pour construire le TIES de l’OCDE

Étapes pour la construction du TIES de l’OCDE

 

L’une des raisons de partir des TRE plutôt que des TES (symétriques) provient de la disponibilité des tableaux dans le monde. Ceux-ci sont davantage disponibles pour les années de référence (1995, 2000, 2005, etc). Mais de 1995 à 2018, l’OCDE dispose des données de beaucoup plus de TRE que de TES (symétriques).

Disponibilité des TRE et TES nationaux

 

 

 

d) La délicate question des mesures des échanges internationaux entre pays

L’élaboration du TIES fait appel à une multitude de sources de données.

  • L’approche est similaire à celle utilisée par les offices statistiques nationaux pour établir les tableaux annuels des ressources-emplois (TRE) de la Comptabilité Nationale,
  • La conversion des données officielles en format de données nationales “idéales” nécessite de recourir à plusieurs hypothèses et requiert l’enchaînement de nombreuses étapes de calculs,
  • Tenir compte des différences entre les statistiques de la balance des paiements et les échanges recensés dans les comptes des dépenses du SCN.
  • La principale difficulté est d’élaborer de manière cohérente les données du commerce extérieur. il convient de gérer les fréquentes asymétries inhérentes aux statistiques sur les échanges bilatéraux rapportés par les pays, que ce soit pour les biens comme pour les services, c’est-à-dire les cas où les exportations déclarées par le pays A vers le pays B ne correspondent pas (avec parfois de grandes  divergences) aux importations déclarées par le pays B en provenance du pays A. Pour les biens, cela peut s’expliquer par d’importantes activités de réexportation, les désignations des pays partenaires (par exemple, pays d’origine par opposition au pays de consignation), des changements de codes produits, des questions de confidentialité ou encore des déclarations erronées.

 

L’encadré suivant précise les princpales égalités et sources de données.

 

 

Les étapes d’équilibrage pour les échanges commerciaux sont les suivantes :

  • Échanges de biens et services des Comptes Nationaux (fab, prix acquisition, marges de distribution internationales), dépenses des non résidents.
  • Exportations et importations détaillées par produit, prix acquisition (pour les échanges transfrontaliers et achats directs).
  • Exportations et importations sectorielles par pays partenaire (toujours aux prix acquisition, pas de catégorie d’utilisation finale).
  • Tableau bilatéral des emplois i.e. ventilés par branche d’activité et catégorie d’utilisation finale (toujours aux prix d’acquisition).
  • Tableau mondial des emplois convertis aux prix de base (les marges de distribution des pays d’où proviennent les produits sont réaffectées aux différents services correspondants dans les pays d’origine.

 

D’importations CAF par pays partenaires, il convient d’assurer une cohérence avec les exportations des pays partenaires en tenant compte (décomposer ces importations) des marges de commerce et de transport, non pas dans le pays qui importe mais dans celui qui exporte et dans le ou les pays par lesquels la marchandise transite.

Décomposition des importations caf par partenaires

 

 

 

 

e) Quels sont les principaux résulats proposés dans TiVA ?

Avant 2020, la base de données conjointe TIVA de l’OCDE incluait 38 indicateurs, y compris:

– La valeur des exportations divisée par la valeur ajoutée produite nationalement (directe, indirecte, ré-importée) et à l’étranger

– La valeur ajoutée domestique incluse dans la demande finale étrangère (% PIB)

– La valeur ajoutée étrangère incluse dans la demande finale domestique (% PIB)

– La valeur ajoutée des services incluse dans les exportations.

Le TES inter-pays de l’OCDE est un TES. dans le quel on trouve :

– à droite les TEI décomposés par pays et par produits ou par branches d’établissement (« industry » en anglais) selon le schéma précédent. Parmi eux, se trouvent sur les diagonales, les TEI domestiques de chaque pays,

– en dessous se trouvent les comptes d’exploitation par branches,

– à gauche, se trouvent les tableaux des emplois finals importés et domestiques.

 

Désormais les résultats s’articulent autour de 3 domaines : les échanges en valeur ajoutée, les échanges en emploi et rémunération des salariés et le changement climatique et les autres objectifs de développement durable :

TIES analyses et principaux résultats

 

 

f) Les échanges de la France avec les autres pays

Voici les importations, exportations et solde commercials de la France avec les différents pays par produits et par emplois intermédiaires ou finals. Les données couvrent 76 économies et quelques régions; y figurent notamment l’intégralité des pays de l’OCDE, de l’UE, du G20 et de l’ANASE (Association des Nations de l’Asie du Sud Est). Les indicateurs sont ventilés selon 45 branches d’activité, compatibles avec la CITI Révision 4 et présentées en hiérarchie, et quelques regroupements de branches. On les a regroupées ici. Les calculs sont établis à partir des Tableaux Internationaux des Entrées-Sorties (TIES) de l’OCDE Les TIES sont eux-mêmes dérivés des tableaux nationaux des ressources et des emplois (TRE) et des tableaux nationaux des entrées-sorties (TES). Ces deux jeux de données sont, au préalable, transformés (et harmonisés) selon des formats et nomenclatures standards, puis combinés aux statistiques sur les échanges bilatéraux de biens et de services. Enfin, après avoir estimé les données manquantes, ces tableaux sont équilibrés à l’aide de contraintes établies à partir des données sectorielles officielles de la Comptabilité Nationale au format SCN08 et des Principaux agrégats des Comptes nationaux.

Les données pour la France font apparaître certains soucis ni dans les importations et les exportations totales qui sont proches de celles des données de l’Insee, hors correction territoriale (achats des touristes à l’étranger), ni par produits.  Mais par pays, les données sont parfois discutables. Il y aurait un déficit important entre la France et l’UE de près de 139 Mds en 2020 : les exportations y seraient de 304 Mds quand les importations sont de 443 Mds. Ce ne sont pas les chiffres que publie l’Insee qui ne sont d’ailleurs pas cohérents avec ceux des autres pays du fait des asymétries. Le déficit n’y est que de 50 Mds. Les écarts sont énormes. En revanche il y aurait un excédent avec le Reste du Monde (hors UE) de 81 Mds : exportations 381 Mds importations 300 Mds notamment du à l’excédent avec la Chine. On a déjà signalé ces délicates tentatives de résorptions d’asymétries du commerce extérieur. On le verra aussi dans la base FIGARO.

Tableau 11 import et export France 2020 Tiva OCDE

Importations de la France par pays d’origine et par activités en milliards d’euros en 2020

Importations en CI de la France par pays d’origine et par activités en milliards d’euros en 2020

Importations en emplois finals  de la France par pays d’origine et par activités en milliards d’euros en 2020

Exportations de la France vers les pays et par activités en milliards d’euros en 2020

Exportations en CI de la France vers les pays et par activités en milliards d’euros en 2020

Exportations en emplois finals de la France vers les pays et par activités en milliards d’euros en 2020

Solde commercial de la France par pays et par activités en milliards d’euros en 2020

 

 

 

 

 

 

 

3/ le projet FIGARO d’Eurostat

Suite au manuel des Nations Unies sur les « Supply and Use Table » (2018), le document Figaro d’Eurostat de 2019  apporte un cadre pour l’élaboration d’un TES inter-pays. On tente d’en faire un large résumé en français en insistant sur les formes d’échanges internationaux qui se sont développées durant ces 20 dernières années et leur traitement conceptuel parfois complexe en comptabilité nationale. On y étudie aussi les étapes de calcul du TES symétrique inter-pays. D’autres liens ont été mis depuis sur le site d’Eurostat.

 

 

 

 

Ce TES symétrique inter-pays comprennait au départ les 28 États membres de l’Union Européenne et les États Unis. Le dernier TIES FIGARO d’Eurostat (version 2022) dispose d’une décomposition en 64 branches pour 45 pays dont un « reste du monde ». Ce dernier correspond dans le TIES FIGARO à l’ensemble des pays qui ne sont pas présents dans la base de données et ont été regroupés dans un agrégat unique.

Ce TIES est construit à partir d’une simple conversion analytique du TRE international. Les principales sources pour construire celui-ci sont les TRE nationaux avec leur décomposition entre production domestique et importations, qui sont reliés entre eux grâce aux données « symétriques » de commerce international.

La première étape consiste à construite un TRE inter-pays. Ce n’est que dans une ultime étape qu’est construit un TES symétrique inter-pays. Le passage des TRE nationaux à un TRE inter-pays (respectivement TES symétriques nationaux –> TES symétrique inter-pays) consiste à ventiler les importations de biens et services intermédiaires et finaux entre pays d’origine (et branches exportatrices). En corollaire, on ventile les exportations nationales par pays de destination et par type d’emploi (intermédiaire ou final), ce qui permet indirectement de déterminer les importations par pays d’origine.

 

Le schéma suivant présente la correspondance conceptuelle entre le TRE inter-pays et les TRE du cadre national pour trois pays, quatre produits et trois secteurs d’activités (ou branches d’activité principale = « industries » en anglais). Les segments sans cellules (en gris) correspondent à des données qui ne sont pas remplies au moment de l’élaboration du TRE. Les autres cellules colorées se réfèrent aux données sources du Pays A, avec chaque couleur montrant le lien vers le segment pertinent dans le TRE national de ce pays.

Les matrices de production sont en vert clair. Les branches d’activité principale sont en ligne et les produits sont en colonnes (à gauche du tableau). Toutes les opérations qui permettent de passer de la production au prix de base aux ressources aux prix d’acquisition se trouvent en bas à gauche du tableau.

Pour les emplois intermédiaires et finaux, les secteurs d’activité sont en colonne et les produits en lignes (en haut à droite du tableau). En rose (TEI domestique) et marron foncé (TEI importé selon les différents pays), se trouvent les TEI. De même, à droite de ceux-ci, se trouvent les emplois finals domestiques (bleu clair) et ceux importés par pays (bleu foncé). Les parties des opérations sur biens et services nationales (en couleurs pâles) sont directement transférées là aussi des TRE nationaux (les deux petits tableaux des ressources et des emplois du pays A en dessous). Ceci nécessite de décomposer les TRE nationaux entre une partie domestique et importée. La nomenclature est uniforme « produit / secteur d’activité » (pour l’UE, nomenclature des secteurs d’activités NACE Rév. 2 et classification des produits CPA 2.1).

En revanche, les parties d’échanges internationaux des emplois (en couleurs sombres) nécessitent un traitement particulier (voir ci dessous).

 

Le TRE inter-pays et la correspondance conceptuelle avec les TRE nationaux

La liste des étiquettes et des notations est indiquée ci-dessous où l’exposant r est le code du pays (r =A, B et C) et l’indice T indique une transposition d’un vecteur / matrice. Les italiques « majuscules et gras » se réfèrent à une matrice, « italiques minuscules gras » à un vecteur, et « italiques minuscules » à un scalaire.

 

 

Le projet FIGARO distingue 3 grandes étapes :

  • la réconciliation des données du commerce extérieur inter-pays,
  • l‘élaboration des tableaux de ressources et d’emplois (TRE) inter-pays,
  • la construction des TES symétriques (IOTs = input-output tables) inter pays.

La première étape est la plus complexe. Elle fait l’objet de sous-étapes (partie 1). Les parties 2 et 3 suivantes concernent la seconde étape. La partie 4 résume la troisième étape.

 

 

 

a) L’impossible éconciliation des données du commerce extérieur inter-pays ?

1 – Le projet FIGARO a pour objet de ventiler les importations et les exportations par produits et par pays.

Pour ce faire on dispose de sources. Mais celles-ci doivent être retravaillées pour de nombreuses raisons. Se pose d’abord la question des asymétries. Des asymétries commerciales bilatérales se produisent lorsque les exportations déclarées du pays A vers le pays B ne correspondent pas aux importations déclarées vers le pays B en provenance du pays A. Il s’agit de « caler » les exportations et les importations de chaque pays avec les autres pays. La comparaison entre les statistiques du commerce extérieur établies par deux partenaires peut présenter des incohérences. En effet, s’il existe des recommandations internationales pour l’élaboration des statistiques du commerce extérieur de biens, chaque pays établit sa propre méthodologie qui peut s’en écarter significativement.

 

 

Se pose aussi la question de déterminer les flux d’échanges bilatéraux à partir des sources disponibles. Faut il se référer aux échanges extérieurs des comptes nationaux ou aux statistiques commerciales pour déterminer ces flux corrigés des asymétries?

Il s’en suit toute une série d’ajustements et d’estimations supplémentaires en vue de concilier, dans toute la mesure du possible, les différences de concept et de couverture entre les statistiques commerciales et les données des TRE (TES en France).

On dispose de deux grandes catégories de sources pour estimer les TRE et TES symétriques inter-pays. Ceux-ci ont pour objet de  décrire la production et la consommation de produits par les secteurs d’activités et par les agents économiques (ménages, APU,..) dans chaque pays, décomposées par partenaires commerciaux (fournisseurs).

Les deux sources sont :

  • Les matrices d’importation du TRE national reflètent la structure des emplois pour chaque pays et pour chaque produit, sans qu’on sache quels sont les fournisseurs,
  • Les statistiques du commerce extérieur de biens et du commerce international des services fournissent la répartition géographique des flux commerciaux (et les parts du fournisseur), mais ne disent pas qui sont les utilisateurs.

Le principe du projet FIGARO est de faire une combinaison judicieuse de ces deux bases de données afin d’identifier les fournisseurs et utilisateurs. Mais plusieurs ajustements sont nécessaires. Il faut par exemple procéder à des évaluations cohérentes (prix de base, prix d’achat, CAF, FAB, etc…).

Il faut distinguer les ajustements dans les biens et dans les services. Les échanges de biens et services méritent des traitements différents, même si les deux souffrent du même problème des asymétries du commerce bilatéral.

  • Pour les échanges de biens, une combinaison des bases de données du commerce international, COMEXT et COMTRADE, a été mise au point pour différencier les exportations nationales, les réexportations et le commerce de quasi-transit : celui-ci concerne les biens qui arrivent dans les ports néerlandais par exemple et sont enregistrés, conformément aux règles de l’Union, comme des importations extra-UE par les Pays-Bas (le pays dans lequel les biens sont mis en libre pratique) et comme des expéditions provenant des Pays-Bas vers les États membres de destination réels, même s’il n’existe aucun lien avec l’économie des Pays-Bas. D’un coté, les données sur les échanges de biens COMEXT sont équilibrées. Cependant, le nombre et l’importance des échanges bilatéraux asymétriques peuvent être énormes. La stratégie adoptée a donc impliqué de s’attaquer manuellement aux plus grandes différences et d’essayer de trouver un consensus sur un chiffre unique. Toutes les différences moins élevées ont ensuite été rapprochées sur la base d’un indice de symétrie (ou indice de fiabilité) utilisé pour calculer une moyenne pondérée des deux valeurs rapportées disponibles pour chaque flux commercial bilatéral. Ensuite, dans le cas de réexportations, le pays ré-exportateur n’est pas le pays d’origine (autrement dit, le pays qui a produit les biens réexportés). En conséquence, certains ajustements ont dû être apportés aux données commerciales équilibrées afin de refléter correctement la répartition géographique des exportations et importations dans le pays producteur. Ces ajustements ont été effectués sur la base de données COMEXT sur importations par pays d’origine. Par la suite, une estimation des exportations nationales et des réexportations résulte de ces ajustements.
  • Dans les services, il y a beaucoup moins d’informations (en comparaison du commerce de biens) et il y a un nombre réduit de catégories de services (ceux retenus dans la balance des paiements). Une matrice de conversion en produits de la classification par produit CPA est donc nécessaire. Contrairement aux biens qui peuvent être vus physiquement, mesurés et observés, lorsqu’ils traversent les frontières, les transactions de services peuvent être effectués via plusieurs possibilités; seuls les flux financiers peuvent être observés. De plus, il est également difficile de distinguer les services effectués réellement. En conséquence, il existe une variété de sources de données et d’estimations différentes; les techniques d’estimation pratiques peuvent parfois différer d’un pays à l’autre. La confidentialité et la classification différente des services peuvent également compliquer le schéma. Une fois donné un ensemble de données complet (bien que déséquilibré) des flux commerciaux bilatéraux de services, on estime une valeur unique pour chaque flux de commerce bilatéral.

Le schéma suivant illustre le processus d’estimation du commerce extérieur entre pays. Dans certains cas, les informations sont non observées, non attribuées ou sont confidentielles, ce qui nécessite des estimations supplémentaires afin de disposer d’un ensemble complet de données. Les TRE inter-pays exigent que le pays d’origine et la destination intermédiaire / finale soient identifiés lorsqu’il s’agit de commerce bilatéral.

Les cases oranges présentent les données de base; celles en jaune décrivent les données utiles pour faire le TRE inter-pays; les cases bleus sont celles qui seront reprises dans ce TRE.

 

Construction de la vision équilibrée (ajustée) du commerce de biens et de services (source : projet FIGARO)

 

 

 

 

2 – Un exemple des difficultés d’asymétries « mal » résolues : le commerce bilatéral France-Chine

Le point de départ du calcul du commerce extérieur dans FIGARO sont les exportations et les importations déclarées dans les TES-TRE des comptes nationaux (partie bleu en haut à gauche du tableau suivant). Après correction des taux CAF/FAB et de la consommation des non-résidents sur le territoire national et de la consommation des résidents à l’étranger (voir page TES Symétrique), FIGARO met en cohérence les importations par produit et les exportations du TES. Il commence d’abord par exclure les importations ré-exportées des importations et des exportations (partie verte en bas à gauche du tableau suivant).  On obtient alors un déficit (P6-P7) de – 56,8 milliards d’euros en 2021 pour la France (en fait – 47,1 milliards dans le TES français mais les données du commerce extérieur  n’étaient pas disponibles quand FIGARO 2021 a été élaboré) expliquant le chiffre estimé de – 56,8 Mds. Pour 2019, le déficit de la France dans FIGARO , – 38,5 Mds,  est le même que celui du TES français même si les importations et exportations sont plus faibles du fait qu’elles excluent les importations ré-exportées. Pour la Chine, la procédure est similaire et FIGARO commence avec un excédent de 434,4 Mds d’euros en 2021.

Par ailleurs, FIGARO recueille des données commerciales bilatérales détaillées par produit et par partenaire pour les échanges de biens et de services. Les sources sont variées : COMEXT, COMTRADE, BOP, EBOPS, BATIS, les taux CAF-FAB ou les statistiques du tourisme de l’OCDE. Une série d’ajustements est effectuée (négoce international, biens envoyés à l’étranger pour y être transformés…) pour parvenir à une définition comparable aux comptes nationaux. Une procédure de réconciliation est alors appliquée pour garantir une vision équilibrée du commerce.

FIGARO crée alors une base de données dans laquelle, pour chaque combinaison de produits et de partenaires, les exportations (P6) et les importations (P7) sont réconciliées dans un flux unique. Mais le montant agrégé obtenu dans cette vision équilibrée du commerce diffère considérablement des comptes nationaux. (différentes sources, millésimes, asymétries, méthodologies). Cette optique agrégée pour la France de la balance commerciale en 2021 conduit ainsi à un déficit de -114,9 Mds pour la France en 2021 (653,6 Mds d’exportations et 768, 5 Mds d’importations) (partie orange au centre du tableau suivant) et à un excédent de 685,2 Mds pour la Chine. Les flux bilatéraux France-Chine montrent en outre un déficit de la France de -2,4 Mds en 2021 (partie orange en haut à droite du tableau suivant).

Lors de la construction du tableau des emplois entre pays, FIGARO remplace le tableau des emplois nationaux liés aux importations aux prix de base (toujours hors importations re-exportées). Il attribue une vision équilibrée des flux commerciaux à chaque emploi. Par exemple, il retient du tableau des emplois liés aux importations aux prix de base (hors importations re-exportées) que 50 % des importations de produits CPA_C26 (produits informatiques, électroniques et optiques) sont utilisés pour la FBCF. FIGARO fait de même pour tous les produits et tous les pays. Par conséquent, il emplace les montants des TRE nationaux par les montants de ce calcul, ce qui entraîne une de fortes différences avec les comptes nationaux. FIGARO ne résout toutefois pas les asymétries pour tous les produits. NATRADE est le nom utilisé pour la base de données interne que FIGARO construit avec les flux bilatéraux par pays et par produit.

L’équilibrage et le calage sur le PIB national et sur le solde des échanges extérieurs se fait alors en ajustant les exportations et les importations, et donc le solde de -114,9 Mds, de manière à ce que la production intérieure comme le PIB du TRE du pays ne soient pas modifiés. L’équilibre initial du TRE est en effet l’objectif : un ajustement qui implique d’augmenter P6 (exportations), impliquera donc une augmentation de P7 (importations) pour éviter que les autres agrégats de prdouction (P1) et d’emplois intérieurs (P2,P3,P5) ne soient modifiées. Dans ce cas, il est nécessaire de modifier P6 et P7 de l’estimation initiale correspondant au solde de – 114,9 Mds  pour la France soit de 63 milliards (704,9 – 768,5) pour les importations et de seulement – 5 milliards pour les exportations (648,1 – 653,6) afin de parvenir au solde précédent de – 56,8 Mds au lieu de – 114,9 Mds. De même l’ajustement pour la Chine est une augmentation de ses importations de 336 Mds et une augmentation de ses exportations de 85 Mds.

S’agissant des flux bilatéraux France-Chine, l’ajustement est très asymétrique : les exportations de la France vers la Chine ont augmenté de 17,4 Mds (55,0 – 37,6) et les importations en provenance de Chine seulement de  0,6 Md, entraînant un excédent de la France de 14,4 Mds dans son commerce extérieur avec la Chine au lieu de – 2,4 Mds (partie verte en bas à droite du tableau suivant) ! On peut examiner l’ajustement à un niveau plus détaillé : FIGARO diminue les importations du produits  d’industries extractives en provenance de Chine de 144 milliards d’euros. FIGARO augmente les importations chinoises de CPA_C30 (matériels de transport) de 16 Mds d’euros. Comme la France détient une part de marché importante (4,1 milliards d’euros d’exportations/25,4 milliards d’euros d’importations), FIGARO augmente les exportations françaises vers la Chine de CPA_C30 de 6 milliards d’euros . 

Les tableaux suivants expliquent ce chiffrage « aberrant », résultat des résorptions des asymétries. Et Eurostat de prévenir que la combinaison de ces sources pour 47 pays/partenaires et 64 produits et branches est un véritable défi à tel point que le résultat final peut s’écarter considérablement des données sources (voir aussi page PIB mondial). D’autant qu’il faut être prudent pour les pays comme la Chine, dont il est difficile d’obtenir régulièrement les TRE de sources officielles.

Tableau 11 import France FIAGRO 2021

Tableau 11 export France FIGARO 2021

 

Les étapes de passage du commerce extérieur France-Chine dans FIGARO pour aboutir à un résultat loin de la réalité (P6 exportations, P7 importations) en millions d’€

 

Ainsi les flux internationaux reprennent plusieurs statistiques officielles et les complètent par d’autres estimations. FIGARO essaie d’améliorer les méthodes pour combler les lacunes et résoudre les asymétries. Cependant, les incohérences se trouvent dès le départ dans les données officielles. FIGARO extrait ainsi les données d’Eurostat sur les comptes nationaux et la balance des paiements et les statistiques du commerce extérieur pour la France. Le solde en 2021 dans le TES français est de -47 milliards tandis que dans la Balance des Paiements (BdP), il est de -32 milliards liée notamment à la  différence entre les échanges de marchandises dans la BdP et dans le TES (voir page Échanges extérieurs).

 

 

 

 

b) Processus d’élaboration des TRE et TES symétriques dans l’UE

La construction des TRE et TES symétriques (IOT) inter-pays de l’UE (Union Européenne), comprend différents blocs (schéma suivant). L’ensemble du processus implique cinq éléments de base des données source (officielles) (indiqués dans les cases orange) :

  • comptabilité nationale (en tant que référence);
  • un cadre national d’entrées-sorties (TRE et TES symétriques);
  • données sur le commerce international de marchandises (biens);
  • données sur le commerce international des services et données sur la balance des paiements;
  • statistiques sur les entreprises.

Tous ces éléments sont utilisés pour construire les trois principales entrées de données indiquées dans les cases jaunes des deux schémas suivants qui alimentent le processus de construction des TRE et TES symétriques inter-pays afin d’avoir une vision équilibrée du commerce bilatéral (en biens et services);  on dispose d’un ensemble complet de TRE nationaux (prix de base et prix d’achat);  et on dispose d’un ensemble complet de TES symétriques nationaux.

Les cases bleues indiquent les données souhaitées en sortie du processus. Alors que les comptes nationaux et les cadres nationaux d’entrées-sorties brossent un tableau individuel de chaque économie de l’UE ou du monde entier, une vision équilibrée du commerce bilatéral les rassemble dans un cadre cohérent.

Ce schéma met aussi en lumière plusieurs points de méthode :

  • Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce sont les TRE et non les TES symétriques qui servent de point de départ pour faire un TRE inter-pays.
  • C’est dans le TRE qu’on passe des emplois au prix d’acquisition aux emplois au prix de base.
  • C’est aussi dans ce tableau qu’on estime les importations FAB par produits.

 

 

Processus d’élaboration des TRE et TES symétriques dans l’UE (entre pays)

 

 

 

 

Mais de nombreux pays (comme la France) ne disposent pas d’un TRE au prix de base en distinguant TRE domestique et TRE en importations.

Par ailleurs, Eurostat n’estime pas d’abord un tableau des emplois domestiques et ensuite le tableau des importations par différence (mais plutôt l’inverse). Ceci est lié au fait que les erreurs dans l’estimation de la plus grande partie du total (c’est-à-dire domestique) conduisent à des importations négatives plus facilement que l’inverse.

Les méthodes sont classées en A, B ou C selon leur qualité:

A – Le tableau des emplois des importations aux prix de base est proportionnel à la structure en lignes du TES symétrique (IOT) des importations, si celui-ci est disponible.
B – Le tableau des emplois des importations aux prix de base est proportionnel à la structure en lignes de l’IOT des importations d’une année antérieure ou d’un pays similaire.
C – Le tableau des emplois des importations aux prix de base est proportionnel à la structure en lignes du tableau des emplois (total) aux prix d’acquisition.

Le schéma suivant résume ces 3 méthodes.

 

Les structures de lignes d’un IOT d’importations, si elles sont disponibles, semblent être les meilleures (méthode A). Dans certains pays, cette méthode donne des résultats très précis, en particulier pour les emplois finals. En général, les tableaux des emplois domestiques sont mieux estimés que ceux des importations. De manière analogue, chaque fois qu’il n’y a pas d’IOT disponible pour l’année en cours mais qu’il en existe un pour une année précédente, l’approche la plus appropriée semble être l’utilisation des structures des lignes d’un IOT d’importations de l’année précédente (méthode B).

 

 

 

 

c)  description des principaux tableaux du projet Figaro

1 –  Le tableau international des ressources

Il se présente comme ci dessous avec les matrices de production de chaque pays (P1), puis les importations (P7),.. etc. pour passer du prix de base au prix d’acquisition, les impôts nets de subventions sur les produits (D21-D31), etc… À ce stade, les importations sont enregistrés CAF (coût assurance fret) Mais dans un second temps, elles le seront FAB (franco à bord) pour chaque produit contrairement au TRE de chaque pays.

 

 

 

2 -Le tableau international des emplois

Il est toujours aux prix d’acquisition. La totalité du tableau des emplois est convertie aux prix de base afin de permettre la construction du TRE international. On décompose le TRE en un TES domestique et les TES importés de chaque pays. Il comprend

  • des TES domestiques sur les diagonales aussi bien pour les CI que les emplois finaux
  • des TES importés pays par pays en dehors de la diagonale.

A gauche en haut, on voit un premier TEI : il s’agit du TEI domestique de l’Autriche. Le TEI en dessous est celui des importations de CI de l’Autriche en provenance de la Belgique. De même, le TEI à droite est celui des importations en CI de la Belgique en provenance de l’Autriche. Tout en bas des TEI domestiques et des CI importés par pays, se trouvent les comptes d’exploitation par branche.

Puis on passe aux emplois finals. De nouveau on trouve, en premier les emplois finals de l’Autriche, issus du TES domestique. Puis en dessous les emplois finals importés de l’Autriche selon les pays exportateurs et ainsi de suite pour chaque pays. Le tableau des emplois se présente comme ci dessous dans le projet FIGARO. Les codes des opérations sont celles du TES (exemple D1 : rémunérations des salariés, P3S14 consommation finale des ménages,…).

 

 

 

 

d) les TES symétriques (IOTs = input-output tables) inter pays

Les TES symétriques (IOTs) inter-pays peuvent être établis

  • soit sur la base des TRE inter-pays
  • soit directement à partir des TES symétriques nationaux (IOTs).

Comme déjà dit, les sources de données nécessaires à la construction des IOTs inter-pays « seraient » mieux adaptées à partir de l’élaboration des TRE inter-pays qu’à partir des IOTs de chaque pays. 

En effet, les seules informations comparables et disponibles permettant d’établir directement des IOTs inter-pays sont les IOT nationaux. Mais ceci suppose un ensemble complet d’IOT nationaux homogènes de la même typologie, à savoir,

  • soit « produit*produit »,
  • soit « branche d’établissement * branches d’établissement » (« industries » en anglais).

Or ce n’est pas le cas actuellement pour les pays inclus dans le projet Figaro. Certains pays scandinaves (Norvège, Danemark,..) établissent un IOT par « industries » (voir page TES Symétrique). De plus, les statistiques commerciales du partage des emplois sont rapportées par produit, ce qui signifie que les IOT par « industries» ne peuvent être réalisées qu’avec des hypothèses standard de technologies.

Ainsi, le projet Figaro a opté pour la construction du tableau des emplois d’un IOT inter-pays sur la base des TRE inter-pays au lieu de mettre en place un processus similaire sur la base des IOT nationaux.

 

Mais une autre question se pose : à l’heure actuelle, la méthode de construction des IOT de chaque pays de l’UE est en effet loin d’être  homogène.

  • Certains d’entre eux utilisent largement l’hypothèse de la technologie « produit » (avec des différences de traitement du problème inhérent aux valeurs négatives) : chaque produit a sa propre structure de production quelque soit la branche d’établissement (ou le secteur d’activité) qui le fabrique.
  • Mais d’autres pays utilisent des hypothèses de technologie hybride, pour la construction de l’IOT « produit – produit », parfois l’hypothèse de technologie secteur : .chaque secteur d’activité a sa propre structure de production quelque soit le produit qu’il fabrique.

Ainsi, en utilisant une seule hypothèse pour tous les pays de l’UE, on augmente l’homogénéité du traitement des produits secondaires dans tous les pays impliqués.

Bien entendu, les hypothèses de « technologies » restent valables pour les IOT inter-pays. En effet, les TRE inter-pays ne sont rien d’autres que des TRE nationaux avec un plus grand nombre de produits et ventilés par pays d’origine (pour les importations) et par pays de destination (pour les exportations). Cela implique que la construction du TES symétrique inter-pays peut être réalisée à l’aide du système complet des matrices de ressources et d’emplois du TRE inter-pays.

Le projet Figaro a donc estimé au final les   IOTS (TES symétriques) par « produit » et par « industry », afin que les utilisateurs (pays) puissent choisir le type de tableau à utiliser. Pour les TES par « industry », FIGARO a utilisé l’hypothèse de structure fixe de vente de produit » (voir page TES Symétrique). Le principal avantage de ce modèle (comme celui de la technologie « secteur ») est qu’il ne ne donne pas de valeurs négatives dans la construction des TES symétriques (IOTs) inter-pays.

 

 

 

e) Quelques résultats

Cet ensemble de données comprend les tableaux inter-pays des ressources, des emplois et des entrées-sorties de l’Union européenne (EU IC-SUIOT), également appelés tableaux FIGARO – Comptes internationaux et mondiaux complets de la recherche en analyse entrées-sorties. Les tableaux FIGARO décrivent sous forme matricielle la manière dont les biens et services sont fournis et utilisés au sein de l’économie mondiale. Les pays explicitement couverts sont les 27 États membres de l’UE et 18 principaux partenaires commerciaux de l’UE (Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Inde, Indonésie, Japon, Norvège, Mexique, Russie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Suisse, Turquie, Royaume-Uni et États-Unis) et une région « Reste du monde ». Les tableaux sont ventilés par 64 produits et branches. Toutes les transactions sont exprimées en millions d’euros et en prix de base (c’est-à-dire le prix du bien ou du service hors marges commerciales et de transport et taxes moins subventions).

Depuis 2021, les tableaux sont produits annuellement, couvrant la période de 2010 jusqu’à l’année T-2, T étant l’année de diffusion des données la plus récente. Les tableaux suivants sont disponibles : (1) tableau des ressources inter-pays, (2) tableau des emplois inter-pays, (3) tableau entrées-sorties inter-pays produit par produit et (4) tableau inter-branche par branche. -tableau entrées-sorties du pays. L’établissement de ces tableaux nécessite des données provenant de diverses sources, notamment les TRE nationaux, les principaux agrégats des comptes nationaux, les statistiques sur le commerce international des biens et services et les statistiques de la balance des paiements. Les données d’entrée sont obtenues à partir de la propre production de données d’Eurostat ainsi que d’organisations internationales telles que l’OCDE, l’UNSD (Division de statistique des Nations Unies), l’ONU et les sites Internet des instituts nationaux de statistique.

Quelques remarques peuvent être faites sur les données. Il est instructif de les comparer avec celles de l’Insee ou d’autres documents d’organismes français (Douanes; Banque de France). Mais on le dira jamais asssez : les écarts sont parfois très importants entre les importations de la France vis-à-vis d’un pays et les exportations affichées par ce pays vers la France et vice versa. Le solde extérieur entre la France et les États-Unis différe énormément selon qu’on prend les chiffres français ou américains. Il en va de même avec l’Allemagne dans des proportions plus faibles. Sans compter que les sources statistiques d’un pays comme la France ne donnent pas les mêmes résultats loin s’en faut : Douanes, Balance des Paiements, comptes nationaux (voir page Échanges extérieurs).

Parfois (États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, ..), le TIES de FIGARO donne des résultats intermédaires entre les sources françaises et celles de ces pays. C’est donc très satisfaisant. Mais dans d’autres cas (nombreux pays de l’UE, Chine,..), les échanges des TIES entre la France et ces pays donnent des résultats surprenants.

On note aussi certaines similitudes des résulats avec la base TIVA : les échanges extérieurs de la France avec la Chine sont quasi équilibrés. Ceux avec l’UE sont fortement déficitaires. On a choisi l’année 2019 (bien que FIGARO aille jusqu’en 2021) car c’est la dernière année de disponibilié des TES symétriques européens. De plus les résultats semblent plus satisfaisants : le solde comemrcial entre  la France et la Chine  est de + 15 Mds d’euros en 2021 !

 

 

1 – Les échanges de la France avec le Monde

Voici les tableaux exdtraits de FIGARO des échanges de la France en 2019 avec les principaux pays du Monde. Les tableaux de synthèse entre la France et les différents pays présentent les importations et exportations par produits et par pays. On a plus ou moins repris la nomenclature agrégée des tableaux ci-dessus extraits de la base TIVA  l’OCDE.

On prend ici l’exemple des importations et exportations de la France vis à vis d’une dizaine de pays, du Reste de l’UE et du Reste du Monde. Le total des importations y est de  700 milliards d’euros en 2019 contre 793 Mds dans le TES standard français. La différence provient d’une part des achats des résidents français à l’étranger (44 Mds) et d’autre part des importations réexportées (54 Mds d’euros dans le TES symétrique français de 2019). S’agissant des exportations, elles sont de 661 Mds contre 770 Mds dans le TES français. Ici aussi manquent les achats des non-résidents en France (60 Mds)  et les importations exportées des autres pays qu’on peut estimer approximativement à 55 Mds.

Les tableaux se lisent ainsi. La France a importé de l’Allemagne 100,5 Mds de biens et services dont 63 Mds de produits industriels qui vont soit en CI (40 Mds) soit en emplois finals (23 Mds). L’industrie française a consommé pour 25 Mds les produits industriels allemands sur un total de 40 Mds. L’industrie allemande a consommé pour 20,3 Mds les produits industriels français sur un total de 24,6 Mds.

Il convient de prendre avec prudence tous ces montants. Dans la page TES Symétrique, on explique le partage entre emplois intermédiaires et emplois finals des importations. Dans de nombreux pays comme l’Allemagne, ce partage se fait à partir des enquêtes ¨PRODCOM de quelques 5000 produits où l’on fixe des clés de répartition entre CI, FBCF et consommation des ménages pour chacun des produits  importés. Il n’en n’est rien en France : ici ce partage se fait à partir des équilibres ressources-emplois dans la nomenclature H327 la plus désagrégée qui donnent celui-ci avec plus de précision. A plus forte raison les CI d’un produit par une branche sont très approximatifs : la CI de produits industriels allemands par la branche construction de la France est de 4 Mds quand celle de la construction allemande en produits industriels français est de 1,4 Md. La répartition de la CI de produits industriels importés par les branches n’est pas la même en France et en Allemagne.

Tableau 11 Import France FIGARO 2019

Tableau 11 export France FIGARO 2019

Tableau 11 TIES total 8 grandes branches France principaux pays FIGARO 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Total du Monde en milliards d’euros en 2019

 

 

2 – Les échanges de la France avec l’UE

Commerce extérieur par produits et par emplois France Allemagne en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Belgique en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Espagne en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Italie en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Pays-Bas en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Reste de l’UE des 27 en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France UE des 27 en milliards d’euros en 2019

 

L’Allemagne est bien à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France. Son poids dans les échanges est de 12,5% en 2019 contre 14% pour les seuls biens selon les données douanières, mais il est près de deux fois supérieures à celui des pays qui la suivent dans le classement. S’agissant du commerce extérieur entre la France et l’Allemagne, le solde extérieur (- 29,7 Mds) semble assez élevé par rapport aux données françaises. Sur le site de Statstistics Bundemsamt, DESTATIS (l’Office fédéral de la Statistique), on lit : l’Allemagne reste le partenaire commercial le plus important de la France au niveau mondial. La France est le deuxième partenaire commercial de l’Allemagne au niveau européen et numéro quatre derrière la Chine, les Pays-Bas et les Etats-Unis au niveau mondial. Selon les chiffres, le commerce franco-allemand s’élevait à 172 milliards d’euros en 2019. Les exportations de biens allemands vers la France s’élevaient à 106 milliards d’euros en 2019. Les importations provenant de France s’élevaient à 66 milliards d’euros. En 2019, l’excédent de la balance commerciale de l’Allemagne à l’égard de la France était de 40 milliards d’euros.

Or selon les données des douanes qui ne portent que sur les biens, en 2022, la France exporte 80,6 milliards d’euros (FAB) de biens en Allemagne et importe 92,8 milliards d’euros (CAF) de biens en provenance d’Allemagne (graphique suivant). Certes les importations sont valorisées CAF mais le transit France-Allemagne devrait être faible. Cetes ce ne sont pas les donénes des comptes natioanux. Et certes elles portent sur 2022. Mais on est quand même assez loin des 21 Mds du TIES FIGARO suivant entre la France et l’Allemagne. On conclut que FIGARO propose des données entre la France et l’Allemagne à mi-chemin entre celles du commerce extérieur de la France et de l’Allemagne. Ce pays, plaque tournante du commerce intra-européen depuis la création de l’euro et l’entrée dans l’UE des 10 pays de l’Est en 2004, est au cœur des échanges internationaux avec la Chine, autre plaque tournante du commerce mondial et des pays de l’Asie du Sud Est.

Principaux partenaires de la France à l’exportation et à l’importation de biens en 2022

 

Mais ce ne serait pas le cas pour les autres pays de l’UE où le solde commercial de la France semble trop déficitaire dans FIGARO. Ainsi, il y aurait un déficit important entre la France et l’UE de près de 92 Mds en 2019 : les exportations y sont de 290 Mds quand les importations de 383 Mds. Ce ne sont pas les chiffres que publie l’Insee (qui ne tiennent toutefois pas compte des saymétries). le déficit n’y est que de 28 Mds (tableau suivant).

Échanges extérieurs par zone géographique à prix courants en milliards d’euros

 

 

Selon le TIES FIGARO, la Belgique est un partenaire commercial important  de biens et services de la France avec 6% des échanges totaux, derrière l’Allemagne (12,7% ; 172,8 Md€), les Etats-Unis (8,6% ; 118 Md€) un peu derrière la Chine (8% selon les données douanières des seuls biens; 107,8 Md€, moins selon le TIES d’Eusostat, soit 88 Mds biens et services compris), mais aussi derrière l’Italie et l’Espagne. Elle est, plus précisément, tout biens et services confondus, son sixième client (5,5% des exportations) et son sixième fournisseur (5,9% des importations).  La balance bilatérale des services, traditionnellement excédentaire pour la France, ne l’est pas dans le TIES. Elle compenserait en partie le déficit sur le commerce de biens avec la Belgique. Or c’est justement le contraire dans le TIES France-Belgique où le solde des biens est excédentaire et celui des services défficitaire

Pour l’Espagne, on ne retrouve pas non plus les niveaux du solde commercial soit -6,9 Mds d’euros en 2019 dans le TIES contre autour de 0 dans les données françaises. En effet, selon les douanes espagnoles, le déficit est de presque 14 Mds d’euros côté français en 2020, proche de celui de 2019, nouvelle preuve des asymétries (tableau suivant).

Classements des principaux partenaires commerciaux de l’Espagne par montant exporté et par montant importé en 2020

 

Le déficit commercial français avec l’Italie s’est réduit légèrement à -6,5 Md€, en 2018 selon les donénes françaises sous l’effet d’un ralentissement de nos importations (42,7 Md€) plus fort que celui de nos exportations (36,2 Md€). Le solde du TIES est de -7,6 Mds en 2019. Il est donc proche des données françaises de 2018.

Selon les douanes françaises, les Pays-Bas sont notre 8ème client et notre 7ème fournisseur, représentant respectivement 4% de nos exportations et 4,8% de nos importations. Pour sa part, la France était le 3ème client et le 6ème fournisseur des Pays-Bas en 2021, représentant respectivement 8,1% des exportations des Pays-Bas (ces données des statistiques néerlandaises incluent les réexportations, qui représentent la moitié des exportations vers la France, à ne pas condondre avec les importations réexportées de la France, visibles dans le TES symétrique de la France) et 3,6% de leurs importations. La reprise des échanges s’est faite en faveur des Pays-Bas et creuse notre déficit commercial qui s’établissait  -7,7 Mds€ en 2019. Le TIES 2019 donne un déficit deux fois plus élevé de – 14,6 Mds.

Ainsi dans 3 des 5 pays européens étudiés, le déficit du TIES est bien plus élevé que les données françaises, reflétant plus ou moins bien les données de ces 3 pays. Ceci est contribue déjà pour près de 25 Mds au déficit de la France vis à vis de l’UE (voir ci-dessus).

 

 

3 – Les échanges de la France avec le Reste du Monde (hors UE)

Commerce extérieur par produits et par emplois France Suisse en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Royaume-Uni en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France États-Unis en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Chine en milliards d’euros en 2019

Commerce extérieur par produits et par emplois France Reste du Monde en milliards d’euros en 2019

 

Contrairement aux pays de l’UE, la France n’enregistre d’excédent qu’avec 3 des 10 États les plus importants : le Royaume-Uni, la Suisse et les États-Unis. On retrouve bien ces résultats dans les données douanières notamment. Plus étonnant est le solde extérieur largement positif avec les pays du Reste du Monde et surtout le solde extérieur à peine négatif avec la Chine.

 Selon les données douanières, le déficit commercial français vis-à-vis de la Chine a atteint 32,3 Md€ en 2019. Dans les services, la France est excédentaire vis-à-vis de la Chine : en 2019, son excédent aurait atteint 5,2 Md€ selon la Balance des Paiements; mais il comprend les achats des touristes chinois en France. Le TIES France-Chine donne 5 Mds de solde positif pour les services. Mais il donne seulement un solde extérieur de biens de – 9 Mds donc plus de trois plus faible que le solde précédent. Au total il y aurait un léger déficit avec la Chine de -1,7 Mds qui serait loin de la réalité.

S’agissant des États-Unis, c’est un peu le contraire mais en proportion plus faible. Selon les Douanes françaises, la balance commerciale de la France avec les États-Unis est excédentaire en 2019 à 3 Md€. Mais d’après l’U.S. Census Bureau, le déficit commercial en matière d’échanges de biens des Etats-Unis vis-à-vis de la France serait de  -17,7 Md € en 2019. La divergence quant aux modalités de calculs statistiques entre les deux pays laisse apparaître un écart significatif dans l’évaluation du déficit commercial américain vis-à-vis de la France. Le TIES France États-Unis affiche un excédent de biens (en incluant l’énergie) de 8,8 Mds (voir tableau suivant France États-Unis), donc entre les  sources françaises et américaines.

Le montant de biens et services échangés entre la France et le Royaume-Uni en 2019 est 60 milliards d’euros: c’est , probablement en dessous de ce qui est déclaré côté français1. Et la balance commerciale est favorable à la France. Elle exportait pour 32,5 milliards d’euros vers le Royaume-Uni, tandis qu’elle importait pour 26 milliards d’euros outre-manche. Dans le détail, 24,5 des 60 milliards d’euros concernent l’échange de biens soit quasiment 42% des volumes entre la France et la Grande Bretagne. Une grosse moitié concerne les services, à hauteur de 34,5 milliards d’euros.

En 2019, la Suisse s’est classée autour du 10ème rang des partenaires commerciaux de la France pour les échanges de biens, avec un excédent de 2,1 Mds euros en faveur de notre pays. Selon les Douanes, nos flux bilatéraux, très complémentaires, reflètent l’imbrication de nos économies et se concentrent majoritairement sur des secteurs à haute valeur ajoutée, comme la pharmacie, la bijouterie-joaillerie et l’industrie chimique. Sur la période récente, les échanges énergétiques prennent de l’ampleur. Le TIES mondial montre, lui,  que la Suisse a un solde positif sur les biens mais largement négatif sur leq services.

 

 

 

4 – Les marchés des matériels de transport dans quelques pays en 2021

Examinons enfin le marché de deux produits, l’automobile et les matériels de transport en 2021. Les données montrent comment ces deux produits importés ou produits intérieurement se répartissent entre les différents pays et par types d’emplois : CI, consommation finale des ménages, variations de stocks ou FBCF. Les totaux en ligne et en colonne ne sont pas égaux à la somme des lignes ou des colonnes car on n’a retenu que les montants élevés (donc pas ceux de tous les pays de la base FIGARO 2020-2021, et pas ceux de la consommation finale des APU à montants faibles).

On y voit le rôle moteur des exportations d’avions, bateaux, matériels ferroviaires en France (seulement 9,2 milliards d’euros d’emplois intérieurs sur un total de 65,1 milliards d’origine française), soit 84% de produits exportés, probalement un des ratios les plus élevés dans le marché des produits mondiaux par pays. Ce ne serait pas le cas des États-Unis et de la Chine, et beaucoup moins de l’Allemagne ou de l’Italie. Mais de nouveau quelle est la qualité statistique de ces chiffres ?

Dans l’automobile, la situation est totalement différente : le marché allemand est énorme (353 milliards d’euros) et il est largement tourné à l’exportation (47,3% des voitures exportées d’origine allemandes). Non seulement les marchés français et italiens représentent un peu plus de 16% de celui d’Allemagne mais les exportations n’y sont plus que de 38% du total des voitures d’origine intérieur. Ces ratios seraient toutefois largement supérieurs aux marchés chinois et américain.

 

Tableau 11 Marché matériel de transport pays

Marchés des matériels de transport dans 5 pays entre les différents emplois en millions d’euros en 2021

 

 

 

V –  LES 6 CAS D’ASYMÉTRIES DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

Il faut obtenir un équilibre des statistiques de commerce bilatéral entre pays pour chaque bien et service. Mais il est très complexe d’y parvenir. La grande difficulté est de corriger les asymétries, dues à toutes les catégories particulières d’échanges. On présente les 6 grands ajustements des données du commerce extérieur dans le projet Figaro :

  • les réexportations de biens,
  • les biens envoyés à l’étranger pour être transformés (travail à façon),
  • les achats directs à l’étranger par produits par des non résidents,
  • la correction CAF-FAB par produits,
  • le négoce international,
  • le commerce extérieur des services.

Les asymétries résultent d’abord du fait que les exportations d’un pays C vers un pays A sont enregistrées FAB pour le pays exportateur, c’est à dire à sa frontière, et CAF pour le pays importateur, là aussi à sa frontière. La valeur n’est pas la même, la différence étant le transport et l’assurance sur le pays de transit.Les échanges bilatéraux de biens doivent donc être préalablement équilibrés (en supprimant les asymétries) et les valeurs d’importation CAF par produits sont converties en valeurs FAB par produits avec certaines hypothèses sur les corrections CAF-FAB. En l’absence de données disponibles des États membres de l’UE, le projet Figaro utilise les données de l’OCDE d’ajustements de valeur CAF-FAB pour convertir les importations CAF en valorisation FAB.

Mais ces asymétries peuvent avoir bien d’autres explications.

  • Certaines marchandises ou certaines catégories de transactions peuvent aussi être définies de façon différente et peuvent être incluses dans les statistiques par un partenaire et exclues par l’autre (réparation, admission temporaire, quasi-transit….). Les échanges de faible valeur peuvent ne pas être comptabilisés au niveau statistique dans un État et l’être dans l’État partenaire. De même, certains opérateurs peuvent être dispensés de déclarations si leur échanges sont inférieurs à un certain niveau comme c’est notamment le cas dans les échanges entre les Etats Membres de l’UE. Enfin, les deux partenaires doivent utiliser le même système de commerce : la France a fondé ses statistiques sur le système de « commerce spécial » alors que d’autres pays comme les États-Unis, le Canada et le Japon appliquent le système de « commerce général ». Le système de « commerce spécial » exclut notamment les entrées dans les entrepôts douaniers des marchandises qui sont réexportées par la suite hors du pays.
  • En outre, la date d’exportation ne correspond pas forcément à la date d’importation. Cette différence peut être expliquée par de nombreux facteurs : délai d’acheminement des marchandises, entreposage préalable au dédouanement,… Il s’ensuit qu’une importation peut être enregistrée comme ayant eu lieu pendant une année autre que celle de l’exportation correspondante.
  • Les règles suivies en matière de conversion des monnaies peuvent être un autre facteur de disparités entre la valeur des importations d’un pays et celle des exportations de son partenaire, notamment en cas de fluctuation marquée.
  • La ventilation des importations par pays d’origine et des exportations par pays de dernière destination connue est à l’origine d’importantes disparités entre les statistiques de pays partenaires. Une marchandise originaire d’un pays A est expédiée depuis un pays B vers un pays C. Le pays B enregistre une exportation à destination de C mais celui-ci enregistre une importation de produit du pays A.

 

 

1/ Les réexportations de biens

Dans les TES symétriques nationaux, les réexportations sont des marchandises étrangères importées, puis exportées, avec changement ou sans changement de propriétaire, avec changement très léger du produit (travail à façon) ou sans changement apparent du produit (le pays transitaire fournit juste des services de stockage, logistique,..). Les TES symétriques nationaux comprennent ainsi des réexportations (également désignées comme des « exportations étrangères ») dans la colonne exportations des importations.

Cependant, les statistiques du commerce international de biens ne distinguent pas exportations nationales et étrangères (réexportations). Les données du commerce international de biens doivent donc exiger des informations supplémentaires et des ajustements pour les séparer. Celles ci sont estimées en combinant les banques de données COMEXT et COMTRADE. Celle ci est utilisée pour différencier les exportations nationales, les réexportations et le commerce de quasi-transit. Mais, COMEXT dispose de données de qualité supérieure. L’option optimale est donc d’utiliser les deux bases de données, en prenant les meilleures fonctionnalités de chacune.

Cela peut être illustré par un exemple impliquant le commerce du pétrole brut entre l’Espagne et le Portugal. COMTRADE et COMEXT donnent toutes les deux 576 EUR millions d’euros d’importations portugaises (CAF) de pétrole brut en provenance d’Espagne. Elles indiquent également des exportations (FAB) de pétrole brut d’Espagne vers le Portugal de 510 millions. La différence entre les valeurs d’importation et d’exportation peut être attribuée à une mauvaise classification du produit, ou un délai entre les exportations et les importations ou toute autre raison (asymétries). Cependant, en regardant les informations sur le pays d’origine dans COMEXT, qui n’est pas disponible dans COMTRADE, on lit 505 millions de pétrole brut importé d’Algérie (pays d’origine) et 71 millions venant d’Espagne (pays d’origine). Cela indique clairement que l’Espagne réexporte du pétrole brut d’Algérie au Portugal pour un montant de 505 millions. Ceci est confirmé par la production totale de produits miniers (dont le pétrole brut) espagnol, qui s’élève à 110 millions, dont 71 millions sont exportés vers le Portugal (exportations nationales).

La valeur de réexportation correspondrait à une marge commerciale internationale facturée par l’Espagne, qui peut facilement être supposée – en l’absence d’autres informations – être la même que pour la marge intérieure espagnole pour le même produit (soit 10%). En combinant toutes les informations ci-dessus, les conclusions suivantes peuvent donner par conséquent :

a) un flux de pétrole brut entre l’Algérie et le Portugal (454,5 millions);

b) un autre flux commercial intérieur de pétrole brut entre l’Espagne et le Portugal (71 millions);

c) les flux commerciaux intérieurs (de services) entre le Portugal et l’Espagne (marge sur les réexportations).

On peut quand même voir l’importance du phénomène en Belgique et surtout aux Pays-Bas en distinguant les exportations vers l’UE et hors l’UE. Dans le tableau suivant les Pays-Bas exportent 920 milliards d’euros de biens en 2022, soit bien plus que la France, dont 656  Mds dans les autres pays de l’UE. Son solde commercial est globalement de 64 Mds mais +322 Mds avec l’UE et -262 Mds hors UE. On observe le même phénomène en Belgique mais de moindre ampleur.

Exportations de biens de quelques pays par produits (données d’Intrastat) en 2022 en milliards d’euros

Solde commercial de biens de quelques pays par produits (données d’Intrastat) en 2022 en milliards d’euros

 

 

 

 

 

 

2/ Les biens envoyés à l’étranger pour être transformés (travail à façon)

Il y a travail à façon (TAF) lorsqu’une entreprise, agissant en tant que donneur d’ordre, fait confectionner un bien par une autre entreprise, dite sous-traitante, en lui fournissant les intrants nécessaires. Lorsque les entreprises sont situées dans des pays différents, on observe des flux physiques d’intrants et de biens finis entre les pays concernés. En SCN 2008, comme dans le manuel de la balance des paiements 6ème édition (MBP6), compte tenu du fait que les intrants comme le bien fini restent à tout moment la propriété de l’entreprise donneuse d’ordre, aucun échange de bien entre les deux pays n’est enregistré (contrairement au SCN 93). En revanche une importation de service industriel lié à la transformation du bien par le pays du donneur d’ordre, d’un montant égal à la différence de valeur entre le produit fini et les intrants, est comptabilisée. Conceptuellement, ce nouveau traitement ne modifie pas le solde total des échanges extérieurs ; mais il diminue les exportations et les importations de biens industriels, et introduit une importation de service industriel.

Cet enregistrement est plus cohérent avec celui financier de la transaction, mais il provoque une incohérence entre les comptes nationaux et les statistiques du commerce international de marchandises (IMTS).

Le travail à façon (biens envoyés à l’étranger pour transformation, « Goods for processing ») correspond ainsi à l’exportation d’un bien, retraité d’une façon mineure à l’étranger (par exemple une entreprise de production alimentaire qui récolte et transforme des légumes, mais externalise la mise en conserve à une filiale étrangère qui lui appartient intégralement, puis récupère les légumes en conserve pour les vendre). Ce travail à façon fait l’objet d’une ligne bien identifiée dans les importations et les exportations.

Ces changements sont expliqués dans les manuels internationaux.

>  SCN 2008 : § 14.37 à 14.43

> SEC 2010, chap. 18 , § 18.33-18.37, ,

Cette pratique a augmenté dans de nombreux secteurs d’activité qui sous-traitent une partie ou l’ensemble du processus de production, notamment dans des entreprises qui opèrent dans le cadre de la mondialisation des marchés (voir tableau précédent et page PIB irlandais).

 

 

a) ’importance du critère de la propriété économique

C’est une une révision complète de la méthode de comptabilisation des échanges de marchandises fondée sur le suivi de la propriété de la marchandise.

Dans le couple donneur d’ordre – sous-traitant, le véritable producteur du produit matériel n’est plus celui qui le transforme physiquement mais celui qui en a la propriété ou qui a la propriété des principaux intrants matériels qui le composent.

S’il est propriétaire des intrants matériels, on considère que le donneur d’ordre produit le bien.

Le sous-traitant, bien qu’ayant fourni la main œuvre et les équipements, produit un service industriel.

 

b) Un exemple fictif

L’exemple suivant est déroulé sur un cas de sous-traitance avec aller-retour du bien à façonner entre le pays donneur d’ordre et le pays façonnier. On présente ici les comptes de production et les ERE des deux pays, celui du donneur d’ordre et celui du sous-traitant.

Dans le SCN 1993, un donneur d’ordre A ayant une production de 100 envoie le bien à un sous traitant B pour un travail à façon d’une valeur de 60 : les exportations du pays de A au pays de B sont de 100 et les importations du pays A en provenance du pays de B sont de 160. Dans le SCN 2008, on enregistre seulement une  importation de services lié au bien, du pays de A en provenance du pays de B de 60.

 

Le solde commercial des deux pays est inchangé entre le SCN 1993 et le SCN 2008.

Mais ce nouveau traitement du TAF ne touche pas seulement les exportations et les importations mais aussi les productions, les marges, et les CI. Avec le SCN 1993, on considère que le donneur d’ordre achète au sous traitant un produit qu’il revend en l’état d’où une marge de commerce de 20. Avec le SCN 2008, on considère qu’il produit le bien pour un montant de 180, au lieu de 100 avec le SCN 1993. Il achète en effet une CI de 60 de service industriel, et comme il est le propriétaire, on ne considère plus qu’il achète pour revendre, donc la marge est désormais considérée comme une production. Les valeurs ajoutées du donneur d’ordre et du sous traitant ne changent pas, mais dans une certaine mesure la répartition de cette VA change entre industrie et commerce dans le pays du donneur d’ordre.

 

 

 

On retrouve ces différences dans les équilibres-ressources-emplois.

chaînes de valeur mondiales

 

c) Nomenclature des produits

Du côté des produits, les nomenclatures de produits européenne et française (CPA et CPF rév. 2) font apparaître les opérations sous-traitées intervenant dans la fabrication d’un produit manufacturé comme sous-poste de ce produit manufacturé :

Dans le prolongement des nomenclatures de produits européenne et française, les services industriels sont classés dans les produits de l’industrie manufacturière en comptabilité nationale.

 

d) La balance des paiements (BdP)

Le traitement du travail à façon est similaire à celui du SCN 2008.

Dans la BdP, les services industriels pour transformation sont classés dans un poste de services, suite à la mise en œuvre du MBP6 (alors qu’ils sont rattachés aux produits industriels concernés dans les comptes nationaux)

La BdP donne des montants globaux d’importation et d’exportation de services industriels pour travail à façon.

Ces flux engloberont sans distinction les services pour travail à façon bilatéral (aller-retour entre le pays donneur d’ordre et le pays sous-traitant) ou multilatéral, mettant en jeu plusieurs pays, avec ou sans passage par les douanes du pays considéré.

 

e) Statistiques douanières

Les douanes, pour leur part, restent sur un concept de flux bruts, retraçant des échanges de biens passant la frontière.

 

f) Difficultés pratiques de mise en œuvre

Plusieurs difficultés se posent pour évaluer les importations et exportations brutes de biens envoyés (reçus) à (de) l’étranger pour transformation

– il faut évaluer les montants de services industriels pour travail à façon

– Or, les statistiques douanières proposent des codes par nature de transaction (Intrastat, Extrastat). C’est donc difficile avec les statistiques douanières.

– La source principale est donc la balance des paiements mais le montant est global.

– Il convient de ventiler les services industriels pour travail à façon avec l’étranger par produit.

Une Task Force Eurostat a été mise en place. Il en est ressorti que certains pays européens recueillent ces informations au travers de leurs enquêtes structurelles auprès des entreprises.

La Balance des Paiements donne des montants globaux d’importation et d’exportation de services industriels pour TAF sans distinguer les échanges bilatéraux et multilatéraux, avec ou sans passage de la frontière du pays considéré. Les douanes restent sur le concept de flux bruts, retraçant des échanges de biens passant la frontière.

 

Notons aussi que ce solde net ne correspond pas nécessairement à la différence entre la valeur des biens envoyés à destination pour être transformés et la valeur des biens après transformation en raison de gains ou de pertes de détention, de frais généraux et d’erreurs de mesure associées aux mouvements de stock. Il  faut également tenir compte des services de transport liés à ces échanges. Même si, en vertu du SEC 2010, les biens envoyées à l’étranger pour transformation sont exclus du commerce « brute » de biens, ils peuvent générer des coûts de transport qui doivent être pris en compte lorsqu’on transforme les importations CAF en FAB, et ils doivent être enregistrés comme importations si la compagnie de transport est non-résidente.

La complexité des traitements est expliquée en détail dans le Manuel des biens envoyées à l’étranger pour transformation (Eurostat 2014). Avec ce nouveau traitement, l’incohérence du principe de propriété dans le SEC 2010 et dans le MBP6 est certes résolue mais entraîne indirectement une autre incohérence avec les statistiques du commerce international de marchandises (IMTS) qui est mesuré en termes brute. Le manuel présente les principales modifications à prendre en compte dans le SEC 2010, qui concernent non seulement les biens expédiés à l’étranger, mais aussi les produits échangeables, les biens en quasi-transit, les biens à réparer et à réexporter. Il explique également les problèmes conceptuels et l’analyse de l’impact de ces nouveaux traitements, notamment quand plusieurs entreprises de différents pays sont en cause.

Le projet Figaro a donc utilisé toutes les informations détaillées disponibles pour chacun des pays européens et a développé différentes approches méthodologiques pour estimer tous les détails nécessaires afin de produire un TRE et un Tes symétrique inter-pays. Les ajustements de la GSA ont ainsi permis d’obtenir les données suivantes :  marchandises envoyées à l’étranger pour transformation (par pays, partenaire commercial, utilisateur et produit CPA).

Il reste que la mondialisation rend la mesure des échanges extérieurs très difficile. Le manuel de la balance des paiements (MBP6) propose deux exemples de biens faisant l’objet de négoce international et de services de fabrication sur des intrants physiques détenus par des tiers (services de transformation). Les traitements sont complexes surtout dans le second exemple.


 

On peut tenter de formaliser les relations d’échanges entre les pays du second exemple à travers le diagramme suivant :

 

 

 

3/ Les achats directs à l’étranger par produits

En règle générale, dans un TRE du cadre national , les achats directs à l’étranger et les achats des non-résidents sur territoire national sont généralement inclus en tant que somme forfaitaire sans ventilation du produit. En ce qui concerne les achats directs à l’étranger par les résidents, selon le programme de transmission des SEC 2010,  ils ne sont pas inclus dans la colonne des importations par produits et, par conséquent, ils doivent être une somme forfaitaire dans la ligne (produit) « correction territoriale » des importations pour obtenir la valeur totale des importations. Dans le tableau des emplois, par souci d’équilibre, une approche cohérente est suivie et ils sont également comptabilisés globalement sous forme de somme forfaitaire dans la colonne des dépenses de consommation finale des ménages. En ce qui concerne les achats des non-résidents sur le territoire national, la dépense de consommation finale des ménages inclut les achats sur le territoire national par des non-résidents dans un souci d’équilibre entre l’offre et la demande. En revanche, les exportations ne les incluent pas. C’est logique puisque les produits sont achetés et souvent consommés directement dans le pays de destination sans franchir les frontières. Comme pour les achats directs à l’étranger, les achats effectués sur le territoire national par les non-résidents doivent être inclus en tant que somme forfaitaire dans la partie inférieure du tableau des emplois. Ceci est fait en soustrayant cette valeur dans la colonne des dépenses de consommation finales des ménages et en ajoutant le même montant dans la colonne des exportations.

Mais le SEC 2010 recommande que les dépenses engagées hors du territoire économique soient ventilée par produit. Ceci est nécessaire pour obtenir un solde entre la ressource et l’emploi de chaque produit en termes nationaux et à des fins d’analyse. Cependant, la ventilation doit être estimée comme un exercice spécial du processus de compilation statistique, et elle est rarement fournie par les offices statistiques. Il semble que l’ONS britannique soit seul à fournir cette information.

Compte tenu des informations disponibles, le projet Figaro a élaboré une matrice bilatérale contenant tous les flux par produit, pays d’origine du produit et pays de l’acheteur, tels que présentés dans le tableau suivant. Celui ci présente toutes les informations nécessaires aux ajustements nécessaires des relations pays par pays des concepts domestiques et vice versa. Chaque ligne du tableau indique les achats de chaque produit par pays d’origine de l’acheteur. Comme il faut juste comptabiliser les achats effectués à l’étranger, les éléments de la diagonale principale par pays sont égaux à 0, ce qui signifie que les achats de ressortissants dans leur propre pays ne sont pas inclus ici. Par conséquent, seuls les éléments dans la diagonale de ce tableau sont informatifs. Chaque élément du tableau peut être interprété de deux manières. Considérons par exemple la cellule en gris à l’intérieur du tableau. Elle représente la quantité de produit 1 consommée par un résident du pays 4 dans le territoire économique du pays 3. Cet élément constitue un achat de non-résident pour le pays 3 et aussi un achat direct à l’étranger pour le pays 4. Le total par lignes fournit les achats par les non-résidents d’un produit sur le territoire national d’un pays. Le total par colonnes fournit les achats directs à l’étranger d’un pays.

On vise en priorité l’objectif de décomposer les achats de résidents à l’étranger et ceux des non résidents sur le territoire intérieur par produit. Comme pour la correction CAF-FAB, on vise ainsi le même objectif de calculer un solde du commerce extérieur par produit : de même que le textile importé doit être évalué si possible FAB quand il franchit la frontière par le biais d’un transporteur, le textile acheté à l’étranger par les résidents français, vient s’ajouter à ces importations. En ajoutant ces deux corrections, on a ainsi une vision complète du commerce extérieur de textile.

 

On trouve ainsi dans la base Figaro, ce tableau et graphique pour la France en 2010. Comme pour les achats de résidents français à l’étranger, les achats des non résidents en France en produit « hôtellerie et restauration » (HCR) représentent la moitié de leurs achats. En 2010, ces achats des non résidents en France représentaient 35,5 milliards d’euros (en base 2010), ce montant ayant été rehaussé en base 2014, et les achats des résidents à l’étranger, 29,3 Mds. On note que ces montants n’incluent pas les achats de logement, traités en FBCF.

 

 

 

 

4/ La correction CAF-FAB par produits

Les importations sont enregistrées CAF et les exportations FAB dans le TRE. Pour avoir une vision claire du commerce extérieur d’un pays on doit enregistrer les importations FAB, c’est à dire hors transport et assurances sur les territoires de transit. On déduit cette valeur des importations CAF, mais globalement, sans distinction par produits. On introduit une colonne correction CAF-FAB où on rajoute ces importations qu’on déduit des importations de services de transport et d’assurance de telle manière que le total de la colonne Correction CAF-FAB soit nul (voir page Correction CAF-FAB).

Il faut aussi savoir que les pays (notamment la France) n’ont pas le même traitement de la correction CAF-FAB. La France retient dans celle-ci tout le transport-assurance sur les territoires de transit quelque soit la résidence du transporteur. D’autres pays ne retiennent que le transport effectué par une unité résidente.

Au départ, le projet Figaro était censé estimer les ratios CAF-FAB sur la base des informations collectées par Eurostat auprès des États membres. Cependant, les données étaient très limitées. Les modèles économétriques ont été estimés sur la base des données du commerce des États membres. Le manque d’informations sur les partenaires extérieurs à l’UE a affaibli l’estimation. Le projet Figaro a décidé donc d’utiliser les estimations de l’OCDE. Les données combinent l’échantillon international  le plus vaste et le plus détaillé de statistiques nationales officielles. La base de données détaille les coûts bilatéraux du commerce international et des assurances pour les produits pour plus de 180 pays et partenaires, et plus de 1 000 produits individuels. Le ratio CAF-FAB correspond à : (valeur CAF-valeur FAB) / (valeur CAF). Les statistiques officielles sur les corrections CAF-FAB sont encore loin d’être produites régulièrement par les offices nationaux de statistique. Cependant, cela contribuerait à améliorer la qualité de la vision équilibrée du commerce bilatéral, qui sert à construire des TRE-TES symétriques inter-pays.

La deuxième étape, où les ratios CAF-FAB sont utilisés, concerne l’estimation des matrices du flux d’importations national par pays d’origine. Les matrices d’importation nationales sont disponibles et évaluées au format CAF. Elles ont été donc converties en valeurs FAB afin d’avoir une vision équilibrée du commerce ajustée.

En 2010, le ratio CAF-FAB moyen pour tous les pays était de 7,4% (où la valeur CAF * 93% = valeur FAB). Des statistiques similaires peuvent être établies au niveau de chaque produit. Le ratio CAF-FAB le plus élevé (12%) s’applique aux industries extractives (CPA B ), tandis que le ratio CAF-FAB le plus bas (4,9%) s’applique aux produits pharmaceutiques de base et préparations pharmaceutiques (CPA 21). Sur les cinq années disponibles (2010 à 2014), le ratio CAF-FAB moyen reste stable à 7,4%. Au niveau de chaque produit, les ratios CAF-FAB sont également très stables pour la période 2010-2014.

 

 

 

5/ Le négoce international

Il y a négoce international lorsqu’une entreprise d’un pays A achète un bien dans un pays B pour le revendre sans transformation, et sans que le bien franchisse la frontière du pays A (que le bien soit revendu dans le pays B ou dans un pays tiers).

En SEC 1995, on n’enregistrait aucun échange de biens pour le pays A car le produit ne pénétrait pas sur son territoire : était seulement comptabilisée une exportation de service de négoce, pour un montant égal à la marge du négociant (différence entre le prix de revente et le prix d’achat).

En SEC 2010, considérant que le bien, lorsqu’il est acheté au pays B, devient la propriété d’une entreprise du pays A, on enregistre une exportation de bien du pays A égale à la marge du négociant. Plus précisément, dans les ERE de biens, le négoce international  est décrit en marge commerciale en ressources, et en exportations en emplois, dans l’équilibre-ressources-emplois du bien exporté

Ce nouveau traitement n’a d’impact ni sur le PIB ni sur le total des échanges extérieurs, mais diminue en France d’une dizaine de milliards d’euros les exportations de services au profit des exportations de biens.

La principale caractéristique du négoce est que cette pratique implique un changement de propriétaire, mais sans mouvement physique des marchandises au sein de l’économie marchande. Pour cette raison, le négoce international est enregistré différemment dans différentes bases de données statistiques élaborées sous différents principes d’enregistrement. Les statistiques du commerce international de marchandises (IMTS) sont élaborées selon le principe d’enregistrement de tous les flux physiques se déplaçant d’un pays à l’autre. Dans ce cas, les pratiques du négoce international ne sont pas enregistrées en tant que flux internationaux de marchandises par l’économie du commerçant parce que ces flux n’impliquent pas un mouvement physique.

Considérons par exemple un commerçant néerlandais qui vend du poisson d’un navire danois au port de Helsinki en Finlande, pour une valeur égale à 1,5 million d’euros. Supposons également que les frais de négoce correspondent à 0,5  million. Les statistiques de l’IMTS n’enregistrent que les exportations de biens du Danemark vers la Finlande, mais aucun enregistrement n’a été effectué dans les statistiques du commerce international de biens des Pays-Bas.

Le schéma suivant  fournit un exemple simplifié. Les pays concernés sont le Danemark, la Finlande et les Pays-Bas. La société 1 au Danemark fabrique le produits de la pêche. La compagnie 2 en Finlande achète ce produit, mais pas directement. Aux Pays-Bas, la société 3 agit en tant que commerçant : elle achète le produit en provenance du Danemark, 1 million d’euros, et le vend à la société 2 en Finlande pour une valeur égal à 1,5 million d’euros, sans que le bien n’entre aux Pays-Bas. La compagnie 3 réalise donc une activité de négoce international. La ligne bleue sur le schéma montre le mouvement physique du produit du Danemark à la Finlande, tandis que les lignes grises décrivent le flux de trésorerie et de propriété qui implique l’économie marchande, les Pays-Bas.

Le tableau suivant montre comment ces flux sont enregistrés dans les TRE nationaux. Au Danemark, on enregistre une production de produits de la pêche (1 million d’euros) en tant que production des ressources et exportations dans la tableau des emplois. La Finlande enregistre dans les deux tableaux une valeur de 1,5 million d’euros, classée comme une importation de produits agricoles dans le tableau des ressources et en tant que consommation intermédiaire dans celui des emplois. S’agissant des Pays-Bas, la valeur de 0,5 million est considérée comme un service commercial; il est ensuite traité en marge commerciale et attribué aux produits de la pêche dans la valeur de livraison exprimée en prix d’acquisition. De la même manière, dans le tableau des emplois (exprimé en prix d’acquisition), l’activité de négoce est enregistrée en tant qu’exportation de produits de la pêche.

De cette façon les comptes des trois pays sont équilibrés au niveau mondial, enregistrant une exportation mondiale de produits (1,5 million d’euros), égale à l’importation globale du même produit.

 

Dans le SEC 2010, le principe de propriété doit donc faire prévaloir l’enregistrement du commerce international de marchandises entre différents pays. Pour cette raison, l’achat et la revente d’un  produit par un pays sans que le produit traverse les frontières du pays lui-même, apparaissent comme des exportations du produit. Toutefois dans les statistiques IMTS, ces échanges n’apparaissent pas car ils n’impliquent aucune intervention physique de flux de commerce de marchandises. Étant donné que les deux bases de données (TRE et IMTS nationaux) sont utilisées pour le projet Figaro, il a été nécessaire d’ajuster les données IMTS pour aligner les deux sources sur le même principe de propriété. Pour ce faire, Eurostat a estimé la valeur des activités de négoce international pour chaque pays, ventilée dans les différents flux commerciaux bilatéraux et dans les différents produits impliqués dans le négoce international de transactions. Pour élaborer et appliquer les ajustements liés au négoce, le SEC 2010 définit des critères identiques pour tous les pays.

En pratique, cependant, la difficulté de collecter des données sur ce type de transaction peut conduire à des estimations par les différents pays qui ne sont pas tout à fait compatibles entre eux. En France, la mesure de ces flux reste ainsi délicate. on considère que les opérations de négoce international sont incluses dans les ventes des branches commerciales dans Esane, plus précisément qu’elles sont bien retracées (sans être distinguées) dans les ventes et achats de marchandises et la marge commerciale totale d’Esane. Or, la pratique des entreprises est très diverse quant à l’enregistrement de ces opérations dans leur liasse fiscale. En particulier, des entreprises industrielles n’enregistreraient qu’une partie des transactions concernées en marchandises, une autre partie étant enregistrée en biens ou services ou pas du tout ; peut se poser également le problème du déclarant auprès de la balance des paiements (l’est-il au titre de l’unité légale, du groupe auquel il appartient ?).

 

 

 

6/ Le commerce extérieur des services

On présente ici les asymétries du commerce extérieur des services et quelques résultats. Tout d’abord on rappelle les sources pour établir les importations et exportations des équilibres-ressources-emplois (ERE) des services.

Pour l’analyse des résultats du commerce extérieur des services, on peut s’appuyer soit sur les Balances des paiements (https://unstats.un.org/unsd/tradekb/Knowledgebase/50546/MSITS-2010), reprises par l’OCDE, soit sur les ERE par pays. Mais ces deux catégories de données ne sont pas corrigées des asymétries. Elles correspondent à ce que chaque pays rapporte dans sa « balance des paiements (postes services) », selon la méthodologie de la sixième édition du manuel de la balance des paiements de l’ONU (MBP6), ou aux ERE élaborés par chaque pays transmis à Eurostat.

Pour lier les catégories de services du manuel MBP6, à la nomenclature des produits CPA, il est nécessaire d’obtenir des données pour des items précis. Par exemple, la catégorie de services SD sur les voyages peut être ventilée de différentes façons (voir ci dessus la correction territoriale).

Le terme « services » couvre une gamme hétérogène de produits et d’activités immatériels difficiles à résumer dans une définition simple (Manuel des statistiques du commerce international des services, MSITS 2010). Les services sont le résultat d’une activité de production qui modifie les conditions d’unités ou de produits à utiliser ou à consommer (« services de transformation ») ou facilite l’échange de produits ou d’actifs financiers (« services de marge »).

Les services diffèrent des biens à plusieurs égards, le plus souvent en ce qui concerne l’étroitesse de la relation entre le fournisseur et le consommateur, par exemple dans les services d’hébergement. Les services ne peuvent généralement pas être stockés car ils nécessitent la proximité physique du client et du fournisseur. Par conséquent, les services peuvent également être ventilés selon la manière dont ils sont fournis, en tenant compte de la localisation du fournisseur et du client. Ceci est également décrit comme des services fournis par leurs modes de fourniture. La valeur des services est enregistrée lorsque le service est fourni, c’est-à-dire si la propriété du service change. Cela suit le principe du changement de propriété économique. Dans la pratique, les services sont parfois difficiles à séparer des biens auxquels ils peuvent être associés à des degrés divers (MSITS 2010).

 

a) les sources

Les échanges de services correspondent à la valeur des services échangés entre résidents et non-résidents d’une économie, y compris des services fournis par les filiales établies à l’étranger. L’indicateur le plus significatif est mesuré en pourcentage des exportations, des importations et du solde extérieur dans le PIB.

Les données sur le commerce des services proviennent des statistiques du commerce international des services (ITS) et des données de la Balance des Paiements. Ces données couvrent généralement le commerce des services, c’est-à-dire les transactions payées pour les services qui ont eu lieu entre les résidents et les non-résidents. Dans certains pays, les données sur le commerce des services sont compilées avec les résultats d’enquêtes auprès d’entreprises dont l’activité principale est les «services» selon la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE). Après quelques ajustements, ces données sont également utilisées à des fins de balance des paiements.

Les grands principes de la compilation des statistiques ITS sont, comme décrit dans le MSCIS 2010, d’enregistrer les transactions de services entre résidents et non-résidents. Ces principes sont conformes à ceux décrits dans le MBP6 et le SCN 2008. Cela permet aux compilateurs d’utiliser un grand nombre des mêmes sources de données pour compiler à la fois les statistiques de la balance des paiements et du commerce international des services (MSITS 2010).

Outre les échanges de services entre résidents et non-résidents (statistiques ITS), les services peuvent également être fournis par l’intermédiaire de filiales étrangères dans les pays d’accueil. Ces types de transactions sont couverts par les statistiques des filiales étrangères. Par conséquent, la portée plus large du commerce des services ajoute également la présence commerciale des statistiques des fournisseurs de services à la perspective de la balance des paiements, et est également décrite comme une offre internationale de services. Par exemple, une banque étrangère crée une filiale dans une économie d’accueil pour fournir des services bancaires.

Les données intéressantes sont les séries chronologiques annuelles. Des données pour les années 2010 à 2014 ont été fournies pour le projet Figaro. Comme pour les biens, cette base est celle de l’OCDE offrent la possibilité d’analyser les échanges bilatéraux entre pays.

Dans la balance des paiements (BdP)l, es transactions sont organisées en deux comptes différents, le compte courant et de  capital d’une part, et le compte financier d’autre part, dont la somme des soldes devrait en principe être égale à zéro, de telle manière que pour chaque transaction économique dans le compte courant et de capital, il devrait y avoir (théoriquement) un équivalent de transaction dans le compte financier. Ainsi, le solde du compte courant et du capital détermine la position d’une économie vis-à-vis du reste du monde, alors que le compte financier explique comment elle est financée. Pour le projet Figaro, seul le compte courant est pertinent. Le compte courant montre les flux de biens, services, revenus et transferts courants entre unités résidentes et non résidentes. Les services constituent la deuxième grande catégorie du compte courant. Dans la production de données sur commerce international des services (STI), les références sont le manuel BPM6 du FMI et le Manuel des Nations Unies Statistiques du commerce international des services.

 

b) Classements

Les statistiques du commerce international de services sont collectées à l’aide de la classification élargie des services de la balance des paiements (EBOPS 2010). Celle-ci utilise plus de détails lors de la catégorisation des services que la classification des produits du MBP6 de la balance des paiements. La classification EBOPS des services est fournie par des organisations internationales telles que l’ONU et l’OCDE. Elle a été révisée en 2010 pour l’aligner sur le cadre statistique de la balance des paiements. Un certain nombre d’éléments supplémentaires et de regroupements complémentaires sont inclus pour préciser et détailler davantage la classification des services du MBP6.

Dans les deux classifications, les services sont regroupés comme suit : • services de fabrication sur des intrants physiques détenus par des tiers • services d’entretien et de réparation non inclus ailleurs (nia) • transport • voyages • construction • services d’assurance et de retraite • services financiers • frais d’utilisation de propriété intellectuelle non inclus ailleurs • télécommunications, services informatiques et d’information • autres services aux entreprises • services personnels, culturels et récréatifs • biens et services gouvernementaux n.a.

La nomenclature des services est principalement basée sur les produits. La classification est fonction du type de service plutôt que de l’ unité qui le fournit. Par exemple, si une banque fournit des services de fonds de pension comme activité secondaire, le service est classé comme des services de fonds de pension. Le total des services (S) correspond à la somme des catégories de services, y compris un élément supplémentaire SN, qui signifie «Services non attribués». Les items SA (travail à façon des biens envoyés à l’étranger pour une petite transformation mais sans changement de propriétaire) et SB (services de maintenance et de réparation), correspondent aux éléments nouvellement introduits avec la mise en œuvre de la méthodologie BPM6 (précédemment déclarée sous Biens). Le négoce international ne fait plus partie des services et a été déplacé avec les marchandises (voir l’exemple ci-dessus des poissons qui transitent par les Pays Bas).

 

1/ Les services de fabrication d’intrants physiques détenus par des tiers comprennent les activités suivantes : (i) transformation, (ii) assemblage, (iii) étiquetage et (iv) emballage réalisées par des entreprises qui ne sont pas propriétaires des biens. Les exemples incluent (a) le raffinage du pétrole, (b) la liquéfaction du gaz naturel et (c) l’assemblage de vêtements et d’électronique. Sont exclus l’assemblage de la construction préfabriquée (inclus dans la construction) et l’étiquetage et l’emballage liés au transport (inclus dans les services de transport).

2/ Les services d’entretien et de réparation nca comprennent les travaux d’entretien et de réparation effectués par des résidents sur des biens appartenant à des non-résidents (et vice versa). Les réparations peuvent être effectuées sur le site du réparateur ou ailleurs. L’entretien et les réparations sur les navires, les aéronefs et autres équipements de transport sont inclus dans ce poste. Sont exclus : (i) le nettoyage du matériel de transport (inclus dans les services de transport), (ii) les travaux de réparation et d’entretien (inclus dans la construction), et (iii) l’entretien et les réparations informatiques (inclus dans les services informatiques).

3/ Le transport couvre le processus de transport de personnes et d’objets d’un endroit à un autre ainsi que les services de soutien et auxiliaires connexes et la location (affrètement) de transporteurs avec équipage. Les transports comprennent également les services postaux et de messagerie.

Le transport peut être classé selon le mode de transport et ce qui est transporté — passagers, fret ou autres services auxiliaires.

Les services voyageurs couvrent le transport de personnes. Ils comprennent tous les services fournis dans le transport international de non-résidents par des transporteurs résidents (exportation de services) et celui de résidents par des transporteurs non-résidents (importation de services).

Les services de fret couvrent le transport de marchandises. Ils couvrent également (i) les autres services de transport annexes et auxiliaires et (ii) les services postaux et de courrier.

4/ Les voyages couvrent une gamme de biens et de services utilisés par les non-résidents dans l’économie du pays qu’ils visitent pour leur propre usage ou pour être donnés. Elle couvre les séjours de toute durée, à condition qu’il n’y ait pas de changement de résidence. Les voyages comprennent à la fois les voyages personnels et professionnels. Les voyages d’affaires couvrent l’acquisition de biens et de services par des personnes dont le but principal du voyage est d’affaires. Les voyages personnels couvrent les biens et services acquis par des personnes se rendant à l’étranger à des fins telles que les vacances, l’éducation et la santé, etc.

5/ La construction couvre la création, la gestion, la rénovation, la réparation ou l’extension d’immobilisations telles que des bâtiments, des améliorations foncières de nature technique et d’autres constructions, par exemple des routes, des ponts et des barrages. Il comprend également les travaux d’installation et d’assemblage connexes, la préparation du site et la construction générale ainsi que les services spécialisés tels que la peinture, la plomberie et la démolition. Les constructions d’une durée d’un an ou moins sont incluses ici.

6/ Les services d’assurance et de retraite couvrent la fourniture de divers types d’assurance aux non-résidents par des sociétés d’assurance résidentes, et vice versa. La valeur totale de ces services est dérivée de la marge entre les montants revenant aux entreprises (à savoir, les primes, les cotisations et les suppléments) et les montants revenant aux assurés (à savoir, les sinistres et les prestations).

7/ Les services financiers couvrent l’intermédiation financière et les services auxiliaires, à l’exception de ceux des sociétés d’assurance et des fonds de pension. Ces services comprennent ceux habituellement fournis par les banques et autres intermédiaires et auxiliaires financiers. Les services financiers comprennent les services fournis dans le cadre de transactions sur instruments financiers, ainsi que d’autres services liés à l’activité financière. Ils peuvent être facturés au moyen de charges explicites, de marges sur les opérations d’achat et de vente, etc.

8/ Les frais d’utilisation de la propriété intellectuelle comprennent les frais d’utilisation des droits de propriété, tels que les brevets, les marques de commerce, les droits d’auteur, les procédés et dessins industriels et les secrets commerciaux. Cela inclut également les franchises, où les droits découlent de la recherche et du développement, ainsi que du marketing.

9/ Les services de télécommunications, d’informatique et d’information recouvrent la diffusion ou la transmission de sons, d’images, de données ou d’autres informations par téléphone, radio et télétransmission par câble, satellite, courrier électronique, etc. Les services informatiques comprennent les services liés au matériel et aux logiciels et les services de traitement de données . Les services d’information comprennent les services des agences de presse et d’autres services d’information.

10/ Les autres services aux entreprises comprennent trois groupes : (i) les services de recherche et développement, (ii) les services de conseils professionnels et de gestion et (iii) les services techniques, liés au commerce et autres services aux entreprises.

  • Les services de recherche et développement couvrent les services associés à la recherche fondamentale, à la recherche appliquée et au développement expérimental de nouveaux produits et procédés. Les services de conseils professionnels et de gestion comprennent les services juridiques, comptables, de conseil en gestion et de relations publiques, ainsi que les services de publicité, d’études de marché et de sondages d’opinion.
  • Les services techniques, liés au commerce et autres services aux entreprises couvrent : (i) les services d’architecture, d’ingénierie, scientifiques et autres services techniques ; (ii) traitement et dépollution des déchets, services agricoles et miniers ; (iii) des services de location simple ; (iv) services liés au commerce et (v) autres services aux entreprises.

11/ Les services personnels, culturels et récréatifs comprennent deux groupes : (i) les services audiovisuels et connexes et (ii) les autres services personnels, culturels et récréatifs. Les services audiovisuels et connexes couvrent les services liés aux activités audiovisuelles (films, musique, radio et télévision) ainsi que les services liés aux arts du spectacle. Les autres services personnels, culturels et récréatifs couvrent les services de santé, les services d’éducation, les services patrimoniaux et récréatifs et les autres services personnels.

12/ Les biens et services gouvernementaux nia comprennent les biens et services des ambassades et des consulats, ainsi que des unités et agences militaires.

 

 

Pour le projet Figaro, Eurostat s’est intéressé à certaines catégories de services détaillées mais tous ne font pas partie de la transmission obligatoire par les pays. Le détail des données de la Balance des Paiements est au niveau de deux lettres tandis que les données statistiques STI sont plus détaillées pour les partenaires de l’UE et les États-Unis. L’objectif est de faire les tableaux Figaro à ce niveau détaillé afin qu’il soit possible de les relier plus facilement à la nomenclature des produits CPA des ERE.

 

 

c) Asymétries du commerce extérieur des services

Des lignes directrices et des normes méthodologiques convenues au niveau international fournissent un cadre commun pour l’établissement de rapports sur les statistiques de l’UE. Cela vise à garantir que les mêmes concepts et définitions sont utilisés et, en fin de compte, que des statistiques comparables sont obtenues. Cependant, la mesure des statistiques de services est dans une certaine mesure sujette à différentes interprétations. Il est donc probable que certaines sorties resteront asymétriques.

Les asymétries bilatérales dans les données sur le commerce des services sont un phénomène reconnu depuis longtemps. Dans le total des services dans le commerce intra-UE, les exportations déclarées dépassent systématiquement les importations déclarées du pays partenaire (graphique suivant). Les exportations et les importations déclarées par un pays devraient, en théorie, correspondre aux importations et aux exportations de ce pays homologue. En réalité, cependant, pour diverses raisons, il est rare que deux sources de données fournissent exactement les mêmes résultats et conduisent ainsi à une situation asymétrique.

Asymétries du commerce intra-UE des services (exportations de l’UE-28 vers l’UE-28 par rapport aux importations de l’UE-28 depuis l’UE-28) en 2010-2016 en milliards d’euros

Source : Eurostat

 

Une liste non exhaustive de raisons pouvant conduire à des données asymétriques pour le commerce des services comprend : • la diversité des méthodes de compilation (enquêtes auprès des entreprises, système de déclaration bancaire, sources administratives) ; • différents seuils utilisés dans les enquêtes et les sources administratives ; • les hypothèses utilisées dans les estimations fondées sur la modélisation ; • classifications erronées (pays partenaire, élément de service, biens vs services) ; • transactions triangulaires (par exemple, la facturation concerne le pays A mais les services sont rendus dans le pays B).

 

L’objectif de la balance commerciale est d’élaborer un seul flux pour une transaction et de supprimer les asymétries entre les flux de crédit et de débit (ou d’exportation / importation). L’asymétrie absolue du compte courant (biens et services réunis) a augmenté en 2015 pour atteindre 208 milliards d’euros et 2% de la somme des crédits et débit. Mais dans les services, les asymétries ont atteint 4,8% en 2015, soit près du double de 2010. Pour l’ensemble des services, les pays de l’UE présentant les asymétries les plus importantes sont les plus grandes économies : Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas et Espagne (graphique suivant). Pour la plupart des pays, les asymétries, sont plus importants du côté du débit que du côté du crédit.

En collaboration avec les États membres et les pays partenaires, Eurostat assure le suivi des plus grandes asymétries. Les résultats de ces travaux contribuent certainement à réduire certaines des asymétries observées pour établir les tableaux de Figaro. L’élaboration d’un tableau inter-pays des ressources et des emplois des TES, part notamment des échanges entre pays. Ceci dépend dans une large mesure de la balance des paiements et des statistiques du commerce des services. Le processus de réduction des asymétries comprend plusieurs étapes pour imputer les données sur le commerce des services et obtenir un ensemble de données sur le commerce bilatéral avant d’équilibrer au final les asymétries de manière automatisée.

Par exemple, pour les imputations manuelles (une étape de ce processus), une centaine de flux ont été corrigés par les pays pour réduire les asymétries. Ces flux concernent les années 2014 ou 2015. La même correction a été appliquée à rebours jusqu’en 2010. Certains flux commerciaux ont été modifiés manuellement à un niveau plus détaillé de la Nomenclature élargie des services de la balance des paiements (voir ci dessus).

Une autre étape est la cohérence de la balance des paiements avec la source STI. Cette étape vérifie l’ensemble des données dérivées la base STI avec les données de la balance des paiements à deux niveaux (SA à SL). Lorsque les ensembles de données ne sont pas cohérents, Eurostat a généralement remplacé les données basées sur STI par les données de la balance des paiements, en vérifiant néanmoins les différences entre les deux sources. Des remplacements ont été effectués dans les les cas de flux manquants dans l’ensemble de données de référence STI mais présents dans la base de données BdP.

La plupart des asymétries proviennent de la catégorie de service SH (« revenus d’utilisation de la propriété intellectuelle« ), suivie de l’item « voyage » SD et de l’item « transport » SC. L’asymétrie relative est le rapport de l’asymétrie absolue sur le flux initial. Pour l’ensemble des services, l’asymétrie relative médiane est de 21% pour tous les pays de l’UE, ce qui signifie que pour la moitié des échanges, le flux initial et son flux miroir sont différents pour moins de +/- 21%. La situation varie pour l’ensemble des services par rapport au pays.

En mars 2022, Eurostat a lancé un mécanisme de résolution des asymétries (ARM) pour les statistiques du commerce international des services. Le mécanisme vise à traiter directement les asymétries les plus importantes parmi les données des États membres de l’UE.

 

Un exemple d’asymétrie est présenté dans le tableau suivant, l’Irlande ayant enregistré un excédent commercial pour les services avec l’Allemagne évalué à 14,1 milliards d’euros, tandis que le déficit commercial allemand pour les services avec l’Irlande était évalué à 10,2 milliards d’euros.

Les asymétries créent des problèmes pour les utilisateurs, car en l’absence de toute autre information, ils ne peuvent pas savoir avec certitude laquelle des deux valeurs asymétriques doit être utilisée. Eurostat mesure et rend régulièrement compte des asymétries bilatérales pour aider à résoudre ce problème.

Top 10 des excédents et déficits commerciaux pour les services, États membres de l’UE et partenaires sélectionnés, 2021 (en milliards d’euros)

 

L’autre information de ce tableau, c’est que bon nombre des excédents et déficits bilatéraux les plus importants du commerce des services en 2021 concernaient une série de pays considérés parmi les principaux centres financiers mondiaux – par exemple, l’Irlande, le Luxembourg, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse, Singapour et d’autres centres financiers offshore. L’Irlande représentait ainsi la part la plus élevée (26,5 %) des importations de services de l’UE en provenance de pays tiers en 2022 (surtout des États-Unis) ; on peut s’attendre à ce que cela se répercute sur les déficits commerciaux avec un éventail de partenaires. Des informations détaillées sur le commerce des services par partenaire montrent que l’Irlande avait 3 des 10 plus grands déficits commerciaux bilatéraux pour les services.

 

 

 

 

 

 

 

 

VI –  LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

En quoi consiste la stratégie des EMN depuis 1990? Pour rester compétitives, les entreprises organisent de plus en plus leur production à l’échelle mondiale, en divisant leurs chaînes de valeur mondiales en plus petites sections qui sont approvisionnées par un nombre croissant de fournisseurs établis dans le monde entier. La délocalisation internationale des fonctions des entreprises est une caractéristique essentielle des chaînes de valeur mondiales (CVM).

Afin de rester compétitives, les relations d’affaires modernes s’étendent bien au-delà du commerce international de biens et de services. Pour rester compétitives, les entreprises organisent de plus en plus leur production à l’échelle mondiale, divisant leurs chaînes de valeur en pièces plus petites fournies par un nombre croissant de fournisseurs situés dans le monde entier. Elles s’appuient de plus en plus sur différentes formes d’organisation industrielle, notamment: sociétés étrangères affiliées, investissements étrangers, fusions, coentreprises, sous-traitance, délocalisation ou contrats de licence. IDE. C’est l’une de ces stratégies économiques.

  • Elles exercent le contrôle ou une influence significative sur la gestion d’une entreprise étrangère.
  • Elles délocalisent d’abord. certaines fonctions de base ou de services à l’étranger soit des pans entiers de la production interne pour réduire les coûts (exploitation à distance de ressources natureles coûteuses, voire impossibles, à transporter ; utilisation d’une main d’œuvre moins onéreuse). Elles délocalisent leurs sièges sociaux pour payer moins d’impôt (optimation fiscale). La délocalisation fait référence au déplacement total des activités ou d’une partie des activités d’une entreprise)  vers un autre pays afin de réduire les couts de production. Ce déplacement se fait généralement des pays développés vers des pays en développement ou émergents.
  • Elles importent de plus en plus des biens intermédiaires.

 

L’importance des IDE étrangers dans un pays donné ne crée pas nécessairement de la valeur ajoutée et de l’emploi dans ce pays. Les IDE consistent parfois en prise de participation du capital d’entreprises sans délocalisation ni installation d’entreprises sur le territoire. Ils substituent des actionnaires étrangers aux actionnaires nationaux. Ils permettent donc d’augmenter les revenus rapatriés dans les pays étrangers.

La balance courante fraçaise est ainsi excédentaire en 2021 du fait de ces revenus rapatriés liés à des IDE importants dans le monde entier. Les IDE étrangers sont aussi importants en France mais pas tant sous forme d’implantations d’usines, comparativement à d’autres pays de l’UE. Dans le compte financier de la balance des paiements, un signe positif représente une augmentation d’un actif ou d’un passif auquel il se rapporte, tandis qu’un signe négatif représente une diminution. Par conséquent, un signe plus représente une augmentation nette de l’actif ou du passif financier, tandis qu’un signe moins fait référence à une diminution nette de l’actif ou du passif financier.

Certains économistes font valoir que, par rapport au commerce international, l’IDE crée des liens plus étroits entre les économies, stimulant ainsi les transferts de technologie et favorisant l’échange de savoir-faire, ce qui, à son tour, stimule la productivité et rend les économies plus compétitives. Les gouvernements utilisent souvent des arguments économiques pour tenter d’attirer l’IDE, en partant du principe qu’ils peuvent contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois.

D’autre part, d’autres économistes fournissent une gamme de contre-arguments, soulignant le rôle joué par certaines EMN en «détruisant» des ressources ou en exploitant des normes plus basses en matière de travail et d’environnement dans les économies d’accueil. En outre, il existe également un nombre considérable de publications sur la responsabilité des entreprises, l’éthique et les techniques d’optimisation ou d’évasion fiscales qui peuvent être adoptées par les entreprises multinationales. En tant que tel, il reste un débat important sur les motifs et les effets redistributifs de l’IDE.

 

 

1/ Comment mesurer la globalisation de l’économie et les délocalisations d’activités et d’emplois ?

a) Le contenu en emplois des produits importés

Une première approche trop large consiste à parler de délocalisation dès lors qu’il y a substitution d’une production étrangère à une production domestique pour satisfaire une même demande. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un producteur français perd ses clients au profit d’un producteur étranger plus compétitif. Entendu au sens large, ce critère conduit à considérer que tout flux d’importation cache une délocalisation puisqu’un tel flux revient bien à consommer en France un bien ou un service produit à l’étranger et qui pourrait ou aurait pu être produit en France. Les emplois délocalisés correspondraient à l’ensemble de l’emploi qu’il faudrait mobiliser pour réaliser en France l’ensemble de la production étrangère importée.

L’idée est de quantifier le nombre d’emplois « perdus » en répondant à la question suivante : combien d’emplois devraient être créés dans le pays importateur si l’on voulait produire sur place l’ensemble des biens qui sont actuellement importés ? La conversion de la valeur importée en emplois de production s’effectue via le tableau d’entrées-sorties de la comptabilité nationale et le volume d’emploi par branche. C’est l’algorithme qui sous-tend le calcul du contenu en emplois des importations (voir page TES Symétrique).

Mais cette méthode est discutable. D’une part elle capte davantage que l’ampleur des seules « délocalisations », puisqu’elle capte également d’autres effets de la concurrence internationale, tels que les localisations d’unités nouvelles et les abandons d’activité par les entreprises qui ne peuvent faire face à la concurrence étrangère. Il s’agit en outre d’une approche « en stock » du phénomène : on s’éloigne de l’idée des délocalisations, qui s’interprètent plutôt comme un « flux » d’emplois.

Une des principales difficultés de l’approche par le contenu en emplois tient à l’absence d’association directe entre les déterminants de la localisation d’unité de production et la mesure utilisée. Dans tous les cas, la mesure utilisée capte d’autres phénomènes que les seules délocalisations motivées par l’optimisation de coûts de facteurs. Ainsi, un accroissement d’importations n’est pas la signature directe de la substitution d’une capacité de production étrangère à une capacité française.

 

 

b) Les investissements directs étrangers

Une approche alternative consiste à s’appuyer sur les transferts de capitaux (les flux financiers). La « délocalisation » serait ainsi définie par un déplacement de capacités productives d’un pays vers un autre. En pratique, elle implique l’existence d’investissements directs à l’étranger (IDE). L’idée est la suivante : lorsqu’une délocalisation se fait par implantation d’une nouvelle filiale à l’étranger, elle implique un flux de capital à destination de ce pays étranger. Au niveau microéconomique, on retiendrait les cas où des groupes ou des entreprises déplaceraient leurs capacités productives, via un transfert de capitaux. Au niveau macroéconomique, on retiendrait tous les cas où des capitaux quitteraient la France, alors que d’autres seraient investis dans un autre pays pour financer une production identique. Le transfert de capitaux se ferait éventuellement par des mouvements complexes.

Selon Eurostat, l’IDE est un investissement réalisé par une entreprise résidente dans une économie (investisseur direct ou entreprise mère) dans le but d’établir un intérêt durable dans une entreprise qui réside dans une autre économie (entreprise d’investissement direct). Cela implique l’existence d’une relation à long terme entre l’investisseur direct et l’entreprise d’investissement direct, ainsi que la capacité d’exercer une certaine forme de contrôle/influence sur les décisions commerciales. En effet, cette voix efficace dans la gestion de l’entreprise étrangère est l’une des principales différences entre l’IDE et d’autres formes d’investissement, telles que les investissements de portefeuille (lorsque l’investisseur ne cherche pas à contrôler l’entreprise étrangère) ou d’autres actifs (par exemple, les droits de propriété intellectuelle).

La définition de la Banque de France est proche : les IDE sont « des investissements internationaux par lesquels des entités résidentes d’une économie acquièrent ou ont acquis un intérêt durable dans une entité résidente d’une économie autre que celle de l’investisseur. La notion d’intérêt durable implique l’existence d’une relation à long terme entre l’investisseur direct et la société investie et l’exercice d’une influence notable du premier sur la gestion de la seconde. L’investissement direct comprend à la fois l’opération initiale entre les deux entités et toutes les opérations financières ultérieures entre elles et entre les entreprises du même groupe international ». Ils prennent en compte le transfert de capitaux de la France vers l’étranger et peuvent prendre la forme de créations de filiales, d’extensions d’unités déjà présentes à l’étranger, de prises de participation de capital de société étrangère (à hauteur d’au moins 10 %), d’offres publiques d’achat, de joint-venture, ou encore de fusions-acquisitions. Ils sont mesurables à partir des statistiques de la balance des paiements et plus précisément de la balance des capitaux.

 

Mais la répartition des investissements directs français à l’étranger procure relativement peu d’enseignements en matière de délocalisation. Il peut y avoir délocalisation sans redistribution du capital et il peut y avoir transfert de capital sans qu’il s’agisse d’une délocalisation.

Cette approche saisit mal les délocalisations qui s’effectuent par recours à la sous-traitance. Il est certes possible que ces délocalisations donnent parfois lieu à des transferts de capitaux vers le sous-traitant, mais ceci n’a rien de garanti. En outre, les flux d’IDE peuvent surestimer les délocalisations car le fait qu’un flux d’IDE s’opère d’un pays A vers un pays B n’implique pas du tout que, en retour, la production de B sera importée par A. Le phénomène de redistribution des IDE s’opère de manière globale indépendamment de la production, de sa destination finale et donc des échanges commerciaux. Ainsi, un IDE peut très bien relever d’une logique de conquête de marché et non d’une logique de délocalisation.

Ainsi utiliser les IDE pour mesurer l’impact des délocalisations est délicat. La plupart des IDE correspondent à des opérations de fusions-acquisitions. Or, seuls les rachats ou fusions-acquisitions qui conduisent à réorganiser la production (fermeture de certaines unités et réouverture ailleurs) peuvent aboutir à des transferts de production. Il arrive souvent que ces rachats n’entraînent pas de délocalisation. On peut donc dire que l’essentiel des IDE sert à conquérir de nouveaux marchés et non à remplacer une production domestique par une production étrangère à bas coûts de main-d’œuvre.

Forme d’IDE menant ou non à une délocalisation

Source : https://journals.openedition.org/rge/5153

 

 

c) Les filiales d’entreprises détenues à l’étranger

Le dernier indicateur disponible, également très partiel, recense à partir des statistiques dites FTAS, les filiales d’entreprises détenues majoritairement par la maison mère Cet indicateur présente le mérite de recenser les emplois des filiales étrangères de groupes français. Les emplois de filiales françaises présentes dans les pays émergents du Sud ou d’Europe centrale ou orientale représentent 35,3 % des emplois des filiales étrangères de groupes français, alors qu’elles ne représentent que 10,8 % du stock d’investissements directs à l’étranger. Mais rien ne permet de déterminer quelles sont les filiales détenues à des fins de délocalisation et celles détenues aux fins de conquête d’un marché national. On étudie ces statistiques au chapitre suivant.

 

 

2/ Les différentes formes d’IDE et les diverses statistiques

a) Les formes d’IDE

L’OCDE reprend fréquemment dans ses analyses une distinction selon la forme des IDE. Pour développer un réseau de filiales à l’étranger, l’investisseur peut intervenir par :

  • la création d’une filiale entièrement nouvelle. Dans ce cas, l’investissement direct se matérialise par l’installation de nouveaux moyens de production et le recrutement de nouveaux employés. Cet « IDE de création » est aussi connu sous le nom anglais de greenfield investment ;
  • l’acquisition d’une entité étrangère déjà existante. Cet IDE se matérialise par un transfert de propriété des titres de la filiale acquise. Cette catégorie est également connue sous le terme anglais de brownfield investment (ce terme est cependant rarement employé dans la pratique, alors que le terme greenfield fait partie du vocabulaire courant des investisseurs). Les fusions acquisitions transfrontalières appartiennent à cette forme des IDE ;
  • l’accroissement des capacités de production de filiales déjà existantes par apport de fonds. On parle d’IDE d’extension ;
  • l’injection de fonds pour soutenir l’activité d’une filiale en difficultés financières. C’est l’IDE de restructuration financière.

En pratique, il existe quatre grands types d’IDE: I) la création d’actifs productifs, par exemple, la création d’une nouvelle usine/bureau à l’étranger (appelé «investissements verts»); II) l’achat d’actifs existants à l’étranger par le biais d’acquisitions, de fusions ou de rachats («investissement en champ brun»); III) l’extension du capital, qui se rapporte à des investissements supplémentaires effectués pour développer une entreprise établie; et iv) la restructuration financière, qui fait référence aux investissements destinés au remboursement de la dette ou à la réduction des pertes.

 

Mais il y a aussi d’autres formes beaucoup plus subtiles comme les  transferts de sièges sociaux ou entités juridiques sans beaucoup d’employés dans les pays à fiscalité faible.  Cette situation extrême concerne surtout le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Hongrie (garphique suivant).

Au départ, les entités ad hoc, en abrégé SPE (« special purpose entities »), sont des entités juridiques qui sont officiellement enregistrées auprès d’une autorité nationale et soumises aux obligations légales et fiscales du pays dans lequel elles résident. Ils sont en fin de compte contrôlés par un groupe non résident et ont généralement très peu d’employés et peu (ou pas) de capacité de production ou de présence physique dans le pays d’accueil. La plupart de leurs actifs et passifs représentent des investissements dans ou en provenance d’autres pays et leur activité principale consiste à détenir/financer des sociétés non résidentes pour le compte de leur groupe d’entreprises, ainsi qu’à canaliser des fonds entre les sociétés affiliées.

Parfois la SPE est une simple boîte aux lettres d’entreprise avec juste un employé au début. Ces  mécanismes ont des conséquences sur le PIB où sont installées ces entités, sur les transactions, etc.. .

 

 

 

La part des SPE dans le stock mondial d’investissements directs à l’étranger (IDE) serait importante  même si elle a baissé en 2020 (graphique suivant).

Part des SPE dans le stock mondial d’IDE, 2020 en %

Source : Global Conference on Macroeconomic Statistics for the Future; Bruxelles 10,11 novembre, https://www.statistics4future.eu/media/cdamj3gm/dg-scic_eurostat-unsd-global-conference_speakers_ppt_connolly.pdf

 

 

 

b) Les statistiques d’IDE

L’IDE est à l’origine de la création des entreprises multinationales. Une fois créé un réseau de filiales à l’étranger, l’activité de la firme multinationale ne se réduit cependant pas aux seuls IDE. Progressivement, la firme internationale va organiser au niveau international ses activités de conception, de production et de commercialisation de ses produits. Les relations entre les filiales étrangères et la maison-mère donnent alors lieu à un commerce international  intra-firme de biens et de services, qui ne relève pas des IDE.

Les stocks d’IDE sont un indicateur complémentaire de l’extension internationale des entreprises (création de filiales à l’étranger), avec ses particularités. En effet, les réseaux d’activité des firmes multinationales résultent en grande partie des flux d’IDE qu’elles ont réalisés. Ceux-ci ne mesurent pas un investissement matériel en capital fixe mais une dépense financière (en numéraire, en titres …), souvent pour racheter des entreprises existantes ou les étendre. Ils sont ainsi le support d’un lien entre l’activité productive et les flux financiers.

 

Les statistiques IDE sont composées :

  • Des flux financiers d’IDE qui retracent les entrées et sorties nettes d’IDE pour une période donnée en présentant séparément les IDE sortants (acquisitions diminuées des cessions / remboursements) et les IDE entrants (acquisitions diminuées des cessions / remboursements) par instrument (titres de participation, prêts).
  • Des positions (ou stocks) d’IDE qui fournissent des informations, ventilées par instrument (titres de participation, prêts) sur l’encours total, à une date de référence donnée, des investissements réalisés à l’étranger ou reçus de l’étranger.
  • Des revenus d’IDE qui résultent :
    • 1) des titres de participation : il s’agit essentiellement des bénéfices dégagés par l’entreprise durant la période de référence et correspondant à des distributions (dividendes) ainsi qu’à des bénéfices non distribués qui sont traités comme des bénéfices réinvestis dans ladite entreprise ; et
    • 2) des prêts (intérêts de crédits interentreprises, de crédits commerciaux et autres formes de prêts).

 

 

On étudie ici diverses statistiques à partir des bases de données d’Eurostat et de la CNUCED, les données de l’OCDE étant très proches de cette dernière base.

Mais il est aussi utile de comparer les évolutions des flux et des stocks d’IDE. On note par exemple le contraste entre les ratios d’intensité des stocks et des flux d’IDE dans l’UE. Ces derniers étaient plus volatils.

Depuis 2013 (début des séries chronologiques), la position extérieure de l’UE est positive. En d’autres termes, la valeur des stocks sortants d’IDE de l’UE a dépassé la valeur des stocks entrants. En 2021, le ratio du stock d’IDE sortant de l’UE (par rapport au PIB) était de 64,1 %, tandis que le stock d’investissements entrants dans l’UE (par rapport au PIB) était de 52,0 %.Entre 2013 et 2016, il y a eu une augmentation relativement rapide et continue des stocks d’IDE de l’UE par rapport au PIB, le ratio d’intensité des stocks sortants ayant augmenté de 19,2 points de pourcentage et celle des stocks entrants de 15,2 pp. Cette tendance s’est inversée en 2017, la valeur des stocks sortants et entrante par rapport au PIB ayant diminué, comme ils l’ont fait à nouveau en 2018.

Il est important de noter que les séries chronologiques présentées au graphique suivant commencent en 2013, plusieurs années après la crise financière et économique mondiale, et qu’en 2013, les flux entrants et sortants d’IDE ont commencé à se remettre de cette crise. Néanmoins, les flux d’investissement par rapport au PIB ont suivi une tendance fluctuante entre 2013 et 2020, ce qui laisse penser qu’il y a eu une période d’incertitude soutenue parmi les investisseurs.

Investissements directs étrangers extra-UE par rapport au PIB, UE, 2013-2021, (%)

 

 

 

 

3/ les flux d’IDE

Les flux d’IDE sont présentés sur une base nette, c’est-à-dire comme des crédits moins des débits. Ainsi, en cas d’investissement ou de désinvestissement inversé, les IDE peuvent être négatifs.

Le stock d’IDE est la valeur du capital et des réserves attribuables à une entreprise mère non résidente non résidente, plus l’endettement net des filiales étrangères filiales étrangères aux entreprises mères(CNUCED, 2020).

Les séries de la base de données CNUCED sont disponibles depuis 1970.

 

 

a) les IDE sortants (outflows) sur longue période

On pouvait élaborer les tableaux suivants depuis 1990. La France est un pays où les IDE sortants sont relativement importants. Ils représentent 3,7% du PIB entre 2000 et 2009 (contre 2,2% en Allemagne), confirmant l’écart entre 1990 et 1999. Ce pourcentage baisse toutefois entre 2010 et 2019 à 1,9% . c’est la tendance inverse en Allemagne : 2,4%. Il est beaucoup plus faible en Italie, Japon, Chine, États-Unis entre 1990 et 2020. Il chute au Royaume-Uni en fin de période. Mais il est plus élevé dans de nombreux « petits » pays (Belgique, Pays-Bas, Suède) voire l’Espagne.

Investissement étranger direct sortant : en % du PIB par pays

Investissement étranger direct sortant : en % du PIB par pays entre 1990 et 2020

 

 

 

 

b) les IDE entrants (inflows) sur longue période

Les IDE entrants peuvent créer des emplois sur le territoire national. La part des IDE entrants en % du PIB est proche en France et ne Allemagne entre 2010 et 2019 (1% du PIB). Mais elle a été supérieure en Allemagne avant 2010 (tableau suivant).

Investissement étranger direct entrant : en % du PIB par pays

 

 

 

c) Les IDE dans le monde en 2019

Les flux d’IDE sortants des économies développées ont augmenté de manière significative en 2019 par rapport à l’année précédente, passant de 534 milliards de dollars américains à 917 milliards de dollars américains en 2019. Cette augmentation est principalement due à une résurgence des flux sortants en provenance d’Amérique du Nord. Après une année de régression  en provenance de cette région en 2018, les IDE sortants d’Amérique du Nord ont atteint en 2019 15 % des investissements directs étrangers mondiaux. Les économies développées d’Asie et d’Océanie ont eu une part comparable (18 %). La part des économies développées d’Europe était double (36 %). Du côté des bénéficiaires, l’Asie et l’Océanie sont restées la principale région d’accueil des IDE dans le monde en développement, attirant 31 % des IDE. Les économies en développement d’Amérique et d’Afrique en ont reçu, respectivement, 11%  et 3%.

Flux d’investissements directs étrangers par groupe d’économies

La base de données sur les flux d’IDE gérée par la CNUCED permet d’établir le palmarès des principaux principaux pays investisseurs et des pays d’accueil d’IDE. La France est beaucoup mieux placée en 2019 comme investisseur à l’étranger que comme pays d’accueil.

 

Flux sortants d’investissements directs étrangers, 20 premières économies d’origine, 2019

Flux entrants d’investissements directs étrangers, 20 premières économies d’origine, 2019

 

 

 

 

d) Les IDE dans l’UE en 2019 : L’Allemagne en tête des flux nets, la France  bien placée [8]

Pour une meilleure visualisation des IDE entrants et sortants, le tableau et le graphique suivant sont extraits de la base Eurostat. Il représente l’équilibre entre les IDE entrants et sortants dans chacun des États membres, les barres rouges représentant les pays qui reçoivent plus d’IDE qu’ils n’investissent, et les barres bleues représentant les pays qui investissent plus par rapport aux IDE qu’ils reçoivent. La France, le Danemark, l’Allemagne et la Finlande sont les principaux investisseurs nets. L’Allemagne est passée devant la France par rapport à 2019. La dernière colonne mesure le ratio (IDE sortant en % du PIB / IDE entrant en % du PIB)-1. En France, ce ratio est de 0,66, soit (54,6/32,9)-1.

L’investissement à l’étranger est-t-il complémentaire de la production sur le sol national ? Il semble qu’en France, les multinationales ont substitué des  investissements à l’étranger aux exportations. Ainsi dans l’automobile,  les entreprises Renault et PSA auraient fortement réduit l’activité d’assemblage en France en délocalisant la production sur le sol français de véhicules légers -30% entre 1997 et 2016, alors que la production mondiale de ces deux groupes pour ces véhicules bondissait de 60 %. Les bénéfices de ces stratégies ne sont pas les mêmes pour l’économie française en matières d’emplois. Les revenus tirés des investissements à l’étranger n’auraient pas été utilisés pour renforcer l’appareil productif et développer des emplois sur le sol français. C’est ce qu’on va voir dans la suite à travers l’analyse des filiales de groupes multinationaux.

IDE en milliards d’euros et ratio solde IDE entrant – solde IDE sortant par État membre, 2020

(1) = (IDE sortant en % du PIB / IDE entrant en % du PIB)-1

 

Ratio des soldes entrants et sortants par État membre, 2020 en %

 

 

 

Le graphique suivant montre les pourcentages des parts d’emploi des entreprises sous contrôle étranger (monde sauf pour le pays déclarant) dans l’emploi intérieur total dans les États membres de l’UE en 2019. Ces pourcentages se situent dans la plupart des pays entre 12 % et 30 %. Le Luxembourg (41 %), l’Estonie (39 %) et la Pologne (32 %) sont des exceptions avec les pourcentages les plus élevés, tandis la Grèce (8 %) et l’Italie (9 %) sont des exceptions avec les pourcentages les plus faibles.. Plusieurs grands pays de l’UE ont des pourcentages autour de 12,5% : Allemagne, France, Espagne.

Part de l’emploi des entreprises sous contrôle étranger (monde sauf pays déclarant) dans l’emploi intérieur total par pays, 2019

Source : Eurostat

 

 

 

e)  flux d’IDE à destination et en provenance des États membres de l’UE en 2021

le graphique suivant montre un ensemble comparable de ratios d’intensité d’investissement basés sur les flux sortants et entrants d’IDE à destination/en provenance des États membres de l’UE ; les flux négatifs indiquent un investissement ou un désinvestissement inversé, avec au moins un des capitaux propres, des bénéfices réinvestis ou des prêts intra-entreprise étant négatif. Il est également important de considérer que les flux d’investissement peuvent être très « irréguliers », surtout s’ils concernent des décisions d’investissement importantes prises par de grandes entreprises multinationales, et qu’ils peuvent donc varier considérablement d’une année à l’autre.

Sept des États membres de l’UE ont enregistré des ratios négatifs (par rapport au PIB) des flux sortants d’investissements directs en 2021. Au Luxembourg et à Chypre, celles-ci ont été évaluées à -189,8 % et -144,0 %. Des flux négatifs plus faibles d’investissements sortants ont été enregistrés pour les Pays-Bas, l’Estonie, le Portugal et l’Espagne. En revanche, l’Irlande a signalé le ratio d’intensité positive le plus élevé des flux sortants d’investissements directs en 2021, 11,2 %

En ce qui concerne les investissements entrants, cinq ratios d’intensité négative ont été enregistrés en 2021, les plus importants étant également au Luxembourg et à Chypre, respectivement — 322,8 % et -125,8 % du PIB. Des ratios négatifs plus faibles ont été enregistrés pour les Pays-Bas, l’Irlande et l’Italie. Le ratio le plus élevé d’ investissements entrants était de 9,4 % en Hongrie.

Des ratios d’intensité élevés pour les flux d’IDE peuvent refléter des flux de capitaux importants liés aux activités des entités ad hoc (SPE).

Flux d’investissements directs étrangers par rapport au PIB, 2021 en %

Comme déjà dit, le Luxembourg est l’un des principaux exemples d’une économie où les SPE jouent un rôle considérable dans la mesure où bon nombre de ses transactions d’IDE sont effectuées par des fonds d’investissement et des holdings. En 2020, le niveau total des IDE sortants du Luxembourg s’élevait à 137,2 milliards euros ; toutefois, la valeur des SPE s’est élevée à 167,6 milliards d’euros, contre 30,3 milliards d’euros pour les autres entreprises  (graphique suivant). La présence de SPE peut également expliquer la part relativement élevée des flux d’IDE par rapport au PIB aux Pays-Bas et en Hongrie.

Flux d’investissements directs étrangers à l’étranger, par type d’entité, 2021 (en milliards d’euros)

 

 

 

f) Flux d’IDE dans le monde en 2021

Les flux mondiaux d’IDE ont été évalués à 1331 milliards d’euros en 2021, sur la base d’une moyenne des flux entrants et sortants. Le graphique suivant montre la part des flux mondiaux d’IDE pris en compte par chaque continent au cours de la période 2011-2021. Il y a eu une baisse générale spectaculaire des flux mondiaux d’investissement entrants en 2020 (en baisse de 36,2 %), tandis que les flux sortants ont légèrement diminué (31,9 %). La reprise en 2021 a été plus forte en termes de flux sortants (en hausse de 111,3 %) que de flux entrants (en hausse de 58,7 %). Géographiquement, la part des flux à destination et en provenance de l’Asie a fortement augmenté en 2020, tandis que les parts à destination et en provenance de l’Europe ont fortement diminué; en 2021, cette tendance a été largement inversée.

À plus long terme, les investissements entrants ont suivi une évolution fluctuante associée à une restructuration des flux d’investissements moins orientés vers l’Europe et davantage vers d’autres continents, en particulier l’Asie. Un schéma similaire a été observé pour les investissements sortants. La part de l’Europe dans les investissements sortants du monde est passée de 41,3 % en 2011 à 27,3 % en 2014. Il a rebondi à 49,7 % en 2018. Au début de la crise de la COVID-19 (en 2020), elle est devenue négative, à — 2,6 %, mais est passée à 32,3 % en 2021. Les entrées d’IDE vers l’Europe ont été évaluées à 185 milliards d’euros en 2021, tandis que les sorties d’IDE de l’Europe ont été beaucoup plus importantes, à 466 milliards d’euros.

Alors que la part européenne des flux mondiaux d’IDE a été considérablement plus faible en 2021 qu’en 2011, l’Asie a connu une augmentation de ses parts respectives; C’était particulièrement le cas en 2020. Alors que les flux d’investissement mondiaux ont généralement chuté en 2020, les flux entrants vers l’Asie ont été presque stables (en baisse de 0,2 %). À titre de comparaison, les flux sortants en provenance d’Asie ont chuté de 17,6 %. En conséquence, l’Asie a attiré une majorité (58,4 %) des flux mondiaux d’investissements entrants en 2020 et a fourni près des deux tiers (66,0 %) des flux sortants mondiaux. Ces parts ont toutefois considérablement diminué en 2021.

Flux mondiaux d’IDE, par continent, 2011-2021, (% du total mondial)

 

 

Les hausses les plus élevées en valeur absolue des flux entrants d’IDE entre 2013 et 2021 ont concerné les investissements aux États-Unis, à Hong Kong, en Chine, à Singapour et en Afrique du Sud (avec des augmentations comprises entre 28,3 et 159,0 milliards d’euros). Mais la croissance relative la plus élevée a été enregistrée au Japon, ses flux entrants d’IDE en 2021 étant de 12,0 fois plus élevés qu’en 2013, bien qu’ils soient restés relativement faibles en termes absolus (20,8 milliards d’euros). Parmi les autres pays, l’Afrique du Sud, les Émirats arabes unis, Hong Kong et les États-Unis ont enregistré des flux entrants d’IDE en 2021 qui étaient au moins deux fois plus élevés qu’en 2013.

Les hausses les plus élevées en valeur absolue des flux sortants d’IDE entre 2013 et 2021 ont concerné les investissements en provenance des États-Unis (soit une hausse de 112,4 milliards d’euros en 2021 par rapport à 2013). En revanche, les taux de croissance relatifs les plus élevés ont été enregistrés en Inde et en Australie, leurs flux sortants d’IDE en 2021 étant respectivement 10,4 et 7,2 fois plus élevés qu’en 2013, bien qu’ils soient restés relativement faibles en valeur absolue (13,1 milliards d’euros et 7,8 milliards d’euros). La plupart des autres économies ont également enregistré des flux d’IDE plus élevés en 2021 qu’en 2013, à l’exception de l’UE, de l’Afrique du Sud, du Mexique et du Brésil.

Un autre aspect intéressant des informations présentées dans le tableau suivant est la transformation rapide de l’équilibre entre les flux entrants et sortants d’IDE à destination/en provenance de la Chine. Alors que le niveau des investissements directs à destination et en provenance de l’économie chinoise était relativement équilibré en 2014, 2018, 2019 et 2020, les flux sortants dépassaient clairement les flux entrants en 2015, (notamment) en 2016 et 2017, tandis que les flux entrants dépassaient les flux sortants en 2013 et 2021. En signe de son importance mondiale croissante, les investissements chinois sortants ont dépassé le niveau enregistré pour le Japon en 2015, 2016 et 2020.

Flux d’IDE, 2013-2021, (en milliards d’euros)

 

Les États-Unis étaient l’économie hôte qui a reçu la valeur la plus élevée des IDE entrants en 2021, avec une part de 23,2 % du total mondial (graphique suivant). Un peu plus d’un dixième (11,4 %) de l’IDE mondial a afflué en Chine et un peu moins d’un dixième (8,9 %) à Hong Kong. La valeur des IDE entrants dans l’UE en 2021 a été négative, en raison du désinvestissement dépassant les nouveaux investissements.

En 2021, les États-Unis étaient également le premier investisseur extérieur parmi les économies étudiées, représentant près d’un quart (23,6 %) des flux mondiaux d’IDE à l’étranger. Les parts les plus élevées suivantes ont été observées pour le Japon (8,6 %) et la Chine (8,5 %). La valeur des IDE sortants de l’UE en 2021 était équivalente à 1,2 % du total mondial.

Part des flux mondiaux d’IDE, 2021, (%)

 

 

 

4/ Les stocks d’IDE

La position d’investissement international  d’un pays détaille son stock d’actifs et de passifs financiers; ces stocks sont mesurés à la fin de chaque année (bien que des statistiques plus détaillées soient collectées à la fin de chaque trimestre). Les stocks d’IDE reflètent la valeur cumulée détenue à la fin de la période de référence, reflétant la valeur des stocks au début de l’année, ajustée pour tenir compte des transactions (flux) qui ont lieu au cours de l’année et de toute variation de la valeur des positions autres que les transactions (par exemple, les réévaluations dues aux taux de change ou à d’autres variations de prix).

Les stocks d’IDE à l’étranger rapportés au PIB sont plus élevés en France qu’en Allemagne. Par rapport à la taille de l’économie française, les multinationales sous contrôle français investissent fortement à l’étranger : parmi les grandes économies, seuls le Royaume-Uni le Canada présentent des ratios « stock d’investissements directs à l’étranger/PIB » plus élevés. Le stock d’investissements étrangers en France représente pour sa part 36 % du PIB de la France en 2020.

IDE : stocks sortants (à l’étanger), annuel en % du PIB

 

 

a) Le stock d’investissements étrangers aux États-Unis a plus que triplé entre 2013 et 2021

Prolongeant le tableau précédent, une tendance générale se dégage dans laquelle bon nombre des pays qui étaient « ouverts » à un degré élevé de pénétration du marché sous la forme d’IDE entrants se sont également avérés avoir un niveau élevé de ratios d’IDE sortants par rapport au PIB. Cela conforte le point de vue selon lequel certaines économies cherchent à obtenir un avantage concurrentiel en encourageant le libre-échange et les opportunités d’investissement, tandis que d’autres pays sont plus introvertis.

Néanmoins, il y avait quelques exceptions : par exemple, le ratio des stocks d’investissements directs à l’étranger par rapport au PIB pour le Japon était de 41,4 % contre 39,8% en 2020 (beaucoup plus élevé que le ratio des stocks d’IDE entrants par rapport au PIB). Une tendance similaire a été observée au Canada, où le ratio des stocks sortants d’IDE par rapport au PIB était de 119,2 % (en d’autres termes, l’investissement sortant était évalué à un niveau supérieur à la taille de l’économie canadienne), ainsi qu’en Corée du Sud (où l’investissement sortant représentait plus du double de la taille des investissements étrangers). En revanche, la valeur des stocks d’investissements directs à l’étranger du Mexique, de l’Inde, la Turquie et le Brésil était relativement faible (à la fois par rapport au PIB et par rapport à la valeur des stocks d’investissements étrangers dans chacune de ces économies). Ces différences entre les ratios des stocks entrants et sortants d’IDE peuvent être utilisées pour identifier les économies qui étaient des investisseurs nets en 2021 ; ce fut le cas du Japon, de la Corée du Sud, du Canada, de l’Afrique du Sud, des Emirats Arabes Unis, de la Chine (15,1% mais 16% en 2020) de l’UE et de Hong Kong,

Stocks d’IDE, par rapport au PIB, 2021, (%)

 

Classement des 20 principaux groupes d’entreprises multinationales non financières selon les actifs étrangers, 2022

 

 

b) Le stock d’investissements étrangers aux États-Unis a plus que triplé entre 2013 et 2021

Les évolutions des stocks entrants et sortants d’IDE sont présentées dans le tableau suivant. Il y a eu six pays où la valeur nominale des stocks d’IDE entrants a plus que doublé entre 2013 et 2021; les taux de croissance les plus élevés ont été enregistrés par les États-Unis (où la valeur a plus que triplé), l’Inde, Singapour, la Chine, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni.

Le rythme des changements a été encore plus rapide en ce qui concerne le niveau des stocks d’investissement chinois à l’étranger: en 2021, les stocks d’IDE sortants en provenance de Chine ont été évalués à 4,8 fois plus élevés qu’en 2013. Il convient de noter que la valeur totale de ces stocks était, en 2013, encore relativement faible (par rapport aux niveaux enregistrés dans l’UE ou aux États-Unis). Ensuite, les taux de croissance les plus élevés des stocks d’IDE sortants ont été enregistrés pour les Émirats arabes unis, la Corée du Sud, Singapour et le Canada.

Stocks d’IDE, 2013-2021, (en milliards d’euros)

Le graphique suivant concernant les stocks entrants et sortants d’IDE décrit la part des stocks mondiaux entre les principaux acteurs mondiaux. En 2021, un peu moins d’un cinquième (18,8 %) des stocks mondiaux d’investissement entrants étaient situés dans l’UE; sa part des investissements sortants mondiaux a été légèrement plus élevée, atteignant 25,2 %. L’UE a enregistré la part la plus élevée des stocks sortants d’IDE en 2021 et la deuxième plus élevée des stocks entrants; la situation inverse — stocks entrants les plus élevés et deuxième stocks sortants les plus élevés — a été observée aux États-Unis. Le Royaume-Uni représentait la troisième part la plus élevée des stocks mondiaux d’IDE pour les investissements entrants, tandis que la Chine était la troisième plus élevée pour les investissements sortants.

Stocks mondiaux d’IDE, 2021 (% du total)

 

 

5/ Les IDE de l’UE par activités économiques

a) Flux d’IDE de l’UE par activité

En 2020, les plus grands flux d’IDE sortants des États membres de l’UE vers le reste du monde (c’est-à-dire la somme des flux d’IDE au sein de l’UE et des flux d’IDE vers les pays tiers) ont été enregistrés dans les domaines de l’électricité, du gaz, de la vapeur. et fourniture de climatisation (40,7 milliards d’euros), activités professionnelles, scientifiques et techniques (25,9 milliards d’euros), activités immobilières (18,5 milliards d’euros) et arts, spectacles et loisirs (10,6 milliards d’euros). L’information et la communication ont enregistré la valeur la plus élevée des flux d’investissements entrants (61,7 milliards d’euros) en 2020, suivies par l’industrie manufacturière (34,5 milliards d’euros) et les activités immobilières (24,4 milliards d’euros).

Le graphique suivant est divisé en trois parties avec des échelles différentes : classement selon la valeur moyenne des investissements directs à l’étranger et des investissements directs dans l’économie déclarante. Une valeur négative indique que le désinvestissement a été plus important que l’investissement.

 

Flux d’investissements directs étrangers avec le reste du monde, par activité économique, UE, 2020

 

 

 

 

 

b) Taux de rendement des IDE de l’UE par activité

Le taux de rendement est calculé comme le revenu net de l’investissement / la position nette d’investissement. En 2021, les taux de rendement les plus élevés pour les investisseurs étrangers (réalisés par les investisseurs de pays tiers et les investisseurs d’autres États membres de l’UE) ont été enregistrés par rapport aux investissements entrants en Finlande (11,4 %), en Pologne (11,2 %), en Lituanie ( 10,5 %) et l’Irlande (10,2 %). Les investisseurs étrangers dans 19 États membres ont enregistré un taux de rendement de leurs investissements entrants supérieur à la moyenne de l’UE (4,8 %, uniquement pour les investisseurs de pays tiers, taux qu’on retrouve aussi en France). Les taux de rendement des investisseurs étrangers étaient positifs en 2021 dans tous les États membres de l’UE, le taux le plus bas étant enregistré en Italie (1,5 %).

En 2020, le taux de retour sur investissement le plus élevé des investissements de l’UE à l’étranger concernait la fourniture d’électricité, de gaz, de vapeur et de climatisation (4,1 %), pour les activités financières et d’assurance (4,0 %) et pour l’industrie manufacturière (3,9 %) (graphique suivant). Des taux de rentabilité positifs ont été enregistrés pour la plupart des activités restantes, le seul taux négatif étant enregistré pour les activités d’hébergement et de restauration (-3,1 %), particulièrement impactées par la pandémie.

Le taux de rendement le plus élevé pour les investisseurs étrangers dans l’UE a été enregistré par ceux ayant investi dans la catégorie de l’information et de la communication (7,6 %). Des taux de rendement légèrement inférieurs ont été enregistrés pour les investissements entrants dans les activités d’approvisionnement en eau, d’assainissement et de gestion des déchets de l’UE (6,5 %), dans d’autres activités de services et dans le commerce de distribution (tous deux 6,2 %), ainsi que dans l’industrie manufacturière (5,6 %). Quant aux investissements sortants, des taux de rendement positifs ont été enregistrés sur les investissements entrants pour la plupart des activités restantes ; là encore, les activités d’hébergement et de restauration (-3,5 %) constituent la seule exception.

Investissements directs étrangers par rapport au reste du monde, taux de rendement par activité conomique, UE, 2020 (%)

 

 

c)Les stocks d’IDE par activité

Une analyse de la position extérieure globale de l’UE à la fin de 2020 révèle que le secteur des services (à l’exclusion de la santé, de l’éducation, des arts, du divertissement et des loisirs) – défini ici comme les activités financières et d’assurance, les activités professionnelles, scientifiques et techniques, le commerce de distribution, l’information et les activités de communication, de services administratifs et de soutien, les activités immobilières, les activités de transport et d’entreposage, d’hébergement et de restauration – représentaient 69,5 % des stocks d’investissement extérieur de l’UE (investissements directs à l’étranger).

La structure des stocks d’IDE de l’UE était dominée par les activités financières et d’assurance (pour lesquelles l’UE était déficitaire, avec des stocks d’IDE plus importants dans l’UE qu’à l’étranger) et par le secteur manufacturier (qui avait un solde positif, avec des stocks d’IDE sortants plus élevés que ceux à l’étranger (investissements entrants). La plupart des autres activités de services et non liées aux services ont également enregistré un solde positif (avec des niveaux plus élevés d’investissements directs de l’UE à l’étranger). La position extérieure de l’UE dans les activités financières et d’assurance était évaluée à 4 200 milliards d’euros, soit près de la moitié (48,7 %) du total de toutes les positions extérieures ; la position intérieure de l’UE dans cette activité était évaluée à 4 800 milliards d’euros. Le secteur manufacturier était la deuxième activité en importance selon ces mesures.

Le graphique suivant est divisé en deux parties avec des échelles différentes ; classement selon la valeur moyenne des investissements directs à l’étranger et des investissements directs dans l’économie déclarante.

Stocks des investissements directs étrangers extra-UE, par activité économique, UE, 2020 (milliards d’euros)

 

 

 

 

 

 

6/ Positions d’investissements directs étrangers par contrepartie ultime

Les décideurs politiques s’intéressent vivement à l’analyse politique, économique et structurelle pour identifier les emplacements des investisseurs ultimes dans les entreprises d’investissement direct. Cet intérêt s’est accru ces dernières années, à mesure que les structures de propriété sont devenues plus complexes et qu’il est devenu plus courant que les entreprises d’investissement direct soient détenues par l’intermédiaire d’entités intermédiaires telles que des sociétés holding.

L’IDE englobe tous les types d’investissements transfrontaliers effectués par une entité résidente d’une économie (investisseur direct) pour acquérir un intérêt durable dans une entreprise opérant dans une autre économie (entreprise d’investissement direct). La globalisation de l’économie mondiale crée donc de nouveaux besoins en statistiques. Outre les statistiques standard sur les IDE établies par Eurostat compilées par économie (pays) d’investissement immédiat, les statistiques sur les positions d’IDE du pays d’investissement ultime (PIU) sont actuellement fournies par 11 pays sur une base volontaire. Or ce sont ces dernières qui sont les plus parlantes du point de vue du contrôle des IDE.

Dans le cas des IDE entrants, on trouvera ci-dessous un exemple général de la manière dont les positions peuvent être attribuées au pays de la contrepartie immédiate ou des investisseurs ultimes dans l’entreprise d’investissement direct résidente.

Le schéma suivant illustre un certain nombre de relations pour les investissements directs dans l’économie 4. Cet exemple montre que la totalité de la position d’investissement direct immédiat est réaffectée au PIU  – les pourcentages de participation dans la chaîne de contrôle au-dessus de l’investisseur direct immédiat n’affectent pas la valeur enregistrée. On peut également constater que lorsqu’une entreprise d’investissement direct a plusieurs investisseurs directs (par exemple, l’entreprise G), l’investissement de chaque investisseur direct immédiat est réaffecté aux sociétés mère «contrôlant» ultimes (SMCU) respectifs sur la base des SMCU de chacun des investisseurs directs immédiats.

 

Pays d’investissement ultime (PIU)

Source : https://www.oecd-ilibrary.org/finance-and-investment/oecd-benchmark-definition-of-foreign-direct-investment-2008_9789264045743-en

 

 

En 2022, pour les onze États membres de l’UE : Chypre, la Tchéquie, le Danemark, l’Estonie, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal et la Roumanie, qui ont déclaré à Eurostat leurs positions d’IDE entrantes dans l’IUE, les principaux investisseurs étaient concentrés parmi un petit nombre de pays développés. Le premier était les États-Unis (13,4 % de la valeur totale des positions d’IDE de l’IUE des 11 pays déclarants), suivis de l’Allemagne (10,5 %), de la France (9,8 %), du Royaume-Uni ( 9,2 %) et la Suisse (6,2 (graphique suivant).

Le Luxembourg était le premier investisseur par économie d’investissement immédiat (17,6 % du total des positions d’IDE des 11 pays déclarants), suivi par les Pays-Bas (14,0 %), l’Allemagne (9,0 %), le Royaume-Uni (8,9 %) et la France (6,4 %). %). Cela montre que le Luxembourg et les Pays-Bas sont souvent utilisés comme pays de transit dans les chaînes d’investissement internationales.

Positions totales d’IDE entrants par économie d’investissement immédiate et ultime, en millions de $ en 2022

 

 

 

 

 

7/ Les bénéfices réinvestis d’investissements directs étrangers en comptabilité nationale

Les données issues de l’enquête annuelle sur les IDE menée par le FMI, regroupant les données de 112 pays permettennt de voir l’importance de ces deux pays. Au niveau mondial, les IDE ont augmenté de 7,1 % en 2021, si l’on prend en compte les hausses dans chaque monnaie nationale. La hausse n’est plus que de 2,3 % rapportée en dollars, du fait du renforcement du dollar  sur le marché des changes.

En 2021, les IDE aux États-Unis  ont progressé de 11,3 % (+506 milliards de dollars) par rapport à 2020, pour atteindre un total de 4 977 milliards de dollars, plaçant les États-Unis loin devant les Pays-Bas (4 331 milliards de dollars) et la Chine hors Hong Kong (3 578 milliards de dollars), qui glisse à la troisième place. En y ajoutant Hong Kong, la Chine reste cependant à la première place, avec un total de 6 891 milliards de dollars. L’enquête souligne par ailleurs la présence de plusieurs petits pays dans le groupe des 10, parmi lesquels le Luxembourg, qui en a occupé la seconde place de 2013 à 2017, avant de rétrograder à la 4e en 2021 avec 3 327 milliards de dollars.

La politique d’investissement néerlandaise se caractérise par une forte orientation internationale et une politique libérale à l’égard des investissements étrangers. De nombreuses entreprises néerlandaises sont multinationales par nature et certaines d’entre elles sont cotées sur des marchés boursiers étrangers. Les Pays-Bas offrent un climat fiscal compétitif, des infrastructures avancées et un emplacement stratégique. Le pays espère également bénéficier du départ des entreprises internationales de Londres suite au Brexit et de la recherche d’une nouvelle base en Europe. D’autre part, le pays a un petit marché intérieur et est fortement dépendant des performances économiques de ses partenaires (en particulier dans l’UE). Il n’existait jusqu’en 2021 aucun régime général de filtrage des IDE autre qu’une évaluation de certaines transactions dans les secteurs de l’énergie et des télécommunications. La grande majorité des investissements sont alloués aux services financiers et d’assurance, suivis de la fabrication, du commerce de gros et de détail (voir page Financiarisation).

La déconnexion apparente entre les données des IDE et l’économie réelle vient du fait que les IDE sont avant tout des statistiques financières, qui prennent aussi en compte les flux financiers entre entités ayant un même propriétaire, direct ou indirect  Les IDE intègrent notamment les flux de fonds passant par un pays avant d’atteindre leur destination finale, « souvent pour des raisons fiscales ou de régulation », pouvant ainsi « gonfler considérablement » les IDE au sein de l’économie concernée.

Les tableaux et graphiques suivants présentent les opérations D42 et D43 des comptes des secteurs institutionnels dans les principaux pays de l’UE par rapport à ces deux opérations. Il convient de souligner que les comptes sectoriels européens (UE 27 ou zone euro) ne sont pas une simple somme des comptes sectoriels nationaux et qu’ils ne peuvent pas être utilisés pour obtenir des séries nationales non disponibles sous forme résiduelle. Pour la zone euro et l’UE, des comptes consolidés du reste du monde sont produits par Eurostat. Cela signifie que les transactions transfrontalières entre les États membres de la zone euro/de l’UE ont été retirées des comptes du reste du monde et que, en particulier, les asymétries dans les statistiques du commerce extérieur de biens, services ou revenus, bilatéral ont été éliminées. Par conséquent, les flux sont beaucoup plus faibles qu’ils ne l’auraient été si une simple agrégation des données nationales avait été utilisée ; environ la moitié du commerce extérieur des États membres individuels se fait au sein de la zone euro/des États membres de l’UE.

Ces flux chutent en 2007-2009 et en 2020, durant les deux dernières grandes crises.

Tableau 27 D42 Eurostat

Tableau 27 D43 eurostat

Revenus distribués des sociétés versés aux pays de l’UE par le Reste du Monde en milliards d’euros

Revenus distribués des sociétés reçus par le Reste du Monde en provenance des pays de  l’UE en Mds d’euros

bénéfices réinvestis d’IDE versés aux pays de l’UE par le Reste du Monde en milliards d’euros

bénéfices réinvestis d’IDE reçus par le Reste du Monde en provenance des pays de  l’UE en Mds d’euros

 

 

Ceci étant dit, il n’apparaît pas vraiment une hausse plus forte des bénéfices réinvestis reçus d’IDE par les SNF et les SF en France qu’en Allemagne et dans d’autres pays malgré un très net regain en 2021. En revanche, ceux ci sont plus importants que dans les autres pays, telle l’Italie. Ceci apparaît dans les deux graphiques suivants. Pour les SNF, ils sont plus élevés en Allemagne et surtout au Royaume-Uni qu’en France en cumul entre 1999 et 2019. Mais leur niveau absolu est moins significatif que ces bénéfices rapportés au PIB.

En France, on observe une forte hausse de ces bénéfices entre 1995 et 1998 puis de 2002 à 2007. Mais la crise de subprimes marque une chute en 2008 suivi d’une certaine stabilité durant 10 ans avec une nouvelle baisse depuis 2019, certes moins impressionnante qu’au Royaume-Uni (non repris ici).

Bénéfices réinvestis d’investissements directs étrangers (reçus) par les SNF en milliards d’euros

Cumul des Bénéfices réinvestis d’investissements directs étrangers (reçus) par les SNF dans les principaux pays de l’UE en milliards d’euros entre 1999 et 2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VII –  LES DIVERSES FORMES DE DÉLOCALISATION : PARTIELLE OU TOTALE

Définir les délocalisations soulève de grandes difficultés. On parlera de délocalisation s’il y a substitution de production étrangère à une production française, résultant de l’arbitrage d’un producteur qui renonce à produire en France pour produire ou sous-traiter à l’étranger.

La définition la plus courante de la délocalisation renvoie à la fermeture d’une unité de production située dans un pays A (appelé « pays d’origine »), suivie par l’ouverture d’une autre unité dans un pays B (appelé « pays de délocalisation »), qui a la charge désormais d’approvisionner le marché d’origine en biens ou en services (schéma suivant). Ce type de transfert est fréquemment appelé « délocalisation totale ». Les délocalisations totales d’activités sont historiquement les premières formes existantes. Ce sont probablement les opérations les plus spectaculaires mais aussi, et fort heureusement, les moins fréquentes. Leurs conséquences économiques sont souvent dramatiques, privant des villes, voire des régions entières de leur employeur principal. Ces délocalisations sont particulièrement dénoncées puisqu’elles impliquent la suppression de nombreux emplois sur le site originel. Même si elles sont très spectaculaires, les délocalisations totales sont désormais marginales en France et dans les pays industrialisés.

Dans une deuxième acception, dérivée de la première, la délocalisation désigne le recours à la sous-traitance proposée par une société étrangère afin de fournir des biens auparavant produits localement. Dans ce cas encore, que l’anglais désigne sous le terme de « sourcing », les biens produits à l’étranger sont réimportés sur le marché d’origine où ils ont vocation à être commercialisés, comme substitution aux biens auparavant produits localement.

Enfin, certains qualifient aussi de délocalisation la création d’une nouvelle unité de production à l’étranger plutôt que sur le territoire national, sans réduction de l’activité domestique. La situation est dans ce cas plus complexe, selon qu’on considère que l’augmentation des capacités de production aurait pu être assurée localement ou non, pour différentes raisons tenant à la situation géographique des marchés concernés, aux coûts de transports, aux droits de douane ou à diverses contraintes non tarifaires.

Trois significations du mot « délocalisation » désignent donc une forme de substitution de la force productive étrangère à celle nationale, qui ont pour caractéristique commune d’avoir théoriquement une incidence négative directe sur l’emploi national. En effet, l’entreprise arrête de produire dans un pays donné, ou s’abstient d’y augmenter ses capacités de production, afin de fabriquer ou de faire fabriquer dans un autre pays sous forme d’investissement direct ou de sous-traitance.

Schéma récapitulatif des types et des formes existantes

Source : https://journals.openedition.org/rge/5153

 

 

 

 

 

1/ les chaînes de valeur mondiales des entreprises en Europe [9]

L’externalisation internationale des fonctions commerciales est une caractéristique clé alors que les entreprises européennes mondialisent de plus en plus leurs processus de production. Pour en savoir plus sur ce phénomène, la nouvelle enquête International Sourcing (IS) sur les chaînes de valeur mondiales (précédemment appelée «enquêtes sur la délocalisation internationale») a collecté des données sur l’organisation internationale et le « sourcing » (externalisation) des fonctions commerciales dans 16 pays européens, couvrant les périodes 2014-2016 et 2015-2017.  À noter que la France dont on vient de voir l’importance en terme de délocalisation à l’étranger ne fait pas partie de l’enquête d’Eurostat de 2017. Les résultats de l’enquête couvrent près de 60 000 entreprises comptant chacune plus de 50 personnes occupées. Ces enquêtes sont principalement motivées par la nécessité de mesurer l’externalisation et la délocalisation, ou plus précisément la délocalisation d’emplois et la valeur ajoutée à l’étranger. La délocalisation internationale dans le cadre des CVM étant étroitement liée aux fonctions des entreprises, celles-ci peuvent être utilisées pour décrire la délocalisation.

– Le « sourçage ou sous-traitance » sourcing » en anglais) est le transfert total ou partiel des fonctions commerciales (fonctions de base ou de soutien) actuellement exercées en interne par une entreprise résidente vers des entreprises non affiliées (fournisseurs externes) ou affiliées situées dans le pays ou à l’étranger. Le « sourçage » peut donc être intérieur au pays (« domestic sourcing ») ou extérieur au pays (« international sourcing » ou délocalisation). À noter que cette sous-traitance n’implique pas nécessairement la fermeture de lunité de production domestique (délocalisation).

Externalisation : On appelle externalisation dans le pays (« domestic sourcing ») tout transfert, total ou partiel, d’activités qui étaient développées au sein d’un groupe (partie implantée dans le pays) vers d’autres sociétés externes à ce groupe et implantées dans le pays.

Délocalisation : On appelle délocalisation (« international sourcing ») tout transfert, total ou partiel, d’activités qui étaient développées dans la partie implantée dans le pays d’un groupe ou réalisées par une autre société (sous-traitant par exemple) implantée dans le pays vers d’autres sociétés situées à l’étranger, appartenant (entreprises affiliées) ou non (non affiliées) au groupe. Cette définition exclut le déplacement à l’étranger des fonctions de base ou de support de l’entreprise sans réduction d’activité et/ou d’emplois dans l’entreprise concernée. La délocalisation peut être donc interne au groupe (« within enterprise group abroad« ) ou externe au groupe (« outside enterprise group abroad« ). Si elle est interne, des filiales de service des groupes industriels peuvent développer à l’étranger une partie de leurs activités vers l’extérieur du groupe (voir page Comptes de l’industrie).

Relocalisation : On appelle relocalisation, tout transfert total ou partiel d’activités de l’étranger vers le pays. Ces activités proviennent de sociétés, appartenant ou non au même groupe, implantées à l’étranger et sont déplacées vers le pays dans une société appartenant ou non au groupe.

Entre 2014 et 2017, la délocalisation des fonctions des entreprises en Europe présentent plusieurs grandes tendances :

  • la délocalisation internationale se fait majoritairement d’un État membre de l’Union européenne à un autre, ce qui souligne l’importance du marché unique européen quelles que soient les principales destinations de sourcing à la hausse, telles que la Chine et l’Inde;
  • la part la plus importante de la délocalisation internationale est observée dans les petites économies ouvertes, notamment les pays scandinaves, où le coût de la main-d’œuvre est élevé;
  • la délocalisation est principalement utilisée par les entreprises manufacturières;
  • la délocalisation de fonctions administratives et de gestion ainsi que de services des Technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’étranger est la plus fréquente: plus d’un tiers des entreprises qui utilisent la délocalisation internationale le font pour des fonctions administratives et de gestion; Il y a des indications que la vague de « sourcing » de services TIC depuis le début des années 2000 a atteint un plateau, les services administratifs et de gestion les dépassant dans le « sourcing » total en Europe;
  • la réduction des coûts reste la principale motivation de la délocalisation internationale. Toutefois, les entreprises ont de plus en plus recours à la délocalisation à l’étranger pour pouvoir se concentrer sur leur activité principale.

 

 

 

a) groupes, entreprises, filiales

Le premier tableau fait référence aux unités. Il décompose les entreprises par identification du groupe d’entreprises et par activité. On distingue dans les entreprises (qui peuvent comprendre une ou plusieurs unités légales et qui ont une autonomie de décision), les entreprises qui appartiennent à un groupe et celles qui n’appartiennent pas à un groupe. Parmi celles qui appartiennent à un groupe, l’une est la tête de groupe; les autre sont des filiales. La tête du groupe de celles-ci peut être située dans son propre pays, dans l’UE ou en dehors de l’UE (voir encadré et tableau suivant).

Les groupes sont plus importants dans les pays de l’ouest de l’Europe et surtout dans les pays scandinaves. Ils le sont encore plus dans l’industrie que dans les services et la construction. 92% des entreprises de l’industrie appartiennent à un groupe en Suède. Les proportions varient aussi selon que la filiale a sa tête de groupe dans son propres pays ou à l’étranger.

Entreprises par identification du groupe d’entreprises Total – ensemble des activités NACE (2017)

Entreprises par identification du groupe d’entreprises Total – industrie (2017)

 

 

b) L »externalisation des entreprises

La part la plus élevée de l’externalisation international se trouve dans les petites économies ouvertes (pays scandinaves, Pays-Bas, Autriche) avec des coûts de main-d’œuvre élevés (graphique suivant).

La plupart des entreprises européennes externalisent localement : Bien que les entreprises européennes utilisent d’une certaine manière l’externalisation internationale, elles appliquent toujours le modèle commercial de l’externalisation des fonctions de base ou de support dans leur propre pays plus qu’à l’international (à l’exception des Pays-Bas). L’externalisation nationale est plus fréquent que l’externalisation internationale dans la plupart des pays, avec la plus grande différence entre l’externalisation internationale et nationale en Roumanie, en Hongrie et en Finlande (graphique suivant). En général, le sourçage domestique (7,5 %) est plus de deux fois plus fréquent que le sourçage international (3,2 %).

Développer une stratégie de global sourcing consiste à mettre en place une politique internationale d’externalisation industrielle. Cela se fait à plusieurs niveaux : la recherche d’une logistique internationale, l’obtention de matières ou de composants non disponibles sur le territoire d’origine, l’externalisation d’usines implantées à l’étranger, etc. Maîtriser sa chaîne logistique (c’est-à-dire l’ensemble des maillons de la logistique d’approvisionnement, que ce soit les achats, la gestion des stocks, la manutention, le stockage, etc.), serait la clef de voûte d’une bonne stratégie. Le sourçage international est plus développé dans l’industrie que dans l’ensemble de l’économie.

Entreprises par statut d’externalisation (2014-2017) : ensemble des activités en % de toutes les entreprises interrogées (une entreprise peut avoir plusieurs statuts de sourçage) (*)

Entreprises par statut d’externalisation (2014-2017) : Industrie sauf construction en % de toutes les entreprises interrogées (une entreprise peut avoir deux statuts de sourçage) (*)

 

La production industrielle  stimule l’externalisation internationale. Dans les grandes économies, les entreprises qui s’approvisionnent à l’étranger sont majoritairement dans le secteur manufacturier. L’Italie a un niveau particulièrement élevé d’entreprises manufacturières qui externalisent à l’international (63 %), suivies de l’Allemagne (55 %) et de la Hongrie (54 %).

Dans l’ensemble des États membres, les entreprises qui externalisent à l’international dans l’industrie et dans les secteurs marchands  non financiers (hors industrie) sont réparties de manière égale (50 % contre 50 %) (graphique suivant). Dans 11 des 16 pays, les entreprises externalisant à l’international dans les secteurs marchands non financiers (hors industrie) sont majoritaires. Cependant, l’Italie et l’Allemagne sont les plus grandes économies de l’échantillon et elles ont toutes deux une majorité d’entreprises qui externalisent à l’international dans le secteur industriel.

Entreprises ayant eu recours à l’externalisation internationale par pays et par agrégat NACE (2014-2017)
(% de toutes les entreprises interrogées externalisant à l’international)

 

Parmi les secteurs d’activités des entreprises non industriels externalisant à l’international, on trouve surtout des entreprises du commerce, des transports et de la logistique, mais aussi de services d’ingénierie et des activités scientifiques et techniques.

Les entreprises qui externalisent au sein de leurs groupes d’entreprises sont prédominantes (internalisation). Les entreprises multinationales sont les moteurs de la mondialisation et c’est également le cas avec l’externalisation international.

S’agissant de l’externalisation internationale, 21 % des entreprises procèdent à l' »internalisation » (au sein d’une filiale) de leur externalisation tandis que seulement 11 % ont externalisé leurs fonctions commerciales à des entreprises n’appartenant pas au groupe (graphique suivant). Les parts les plus élevées d' »internalisation » se trouvent aux Pays-Bas, en Allemagne et en Italie. La part la plus élevée d' »externalisation » se trouve au Portugal.

Internalisation et externalisation des entreprises à l’étranger (2014-2017) en % de toutes les entreprises interrogées ayant externalisé leur fonction

 

 

 

c) externalisations étrangéres principalement originaires de l’UE

Parmi les fournisseurs externes étrangers des quelques 5300 entreprises des pays enquêtés, les deux tiers appartiennent à des pays de l’UE à 28 pays,10% à des pays de l’Europe hors UE, 6% à la Chine mais 11% à l’Inde (graphique suivant). Cela semble indiquer que la proximité est toujours un facteur important lors de l’externalisation internationale (graphique suivant), les plus grandes économies émergentes jouant un rôle important.

 

La Chine et l’Inde, deux économies émergentes de premier plan, sont toutes deux des sites importants pour les fonctions commerciales provenant de l’UE. Ils attirent différents types de fonctions commerciales. Sans surprise, la Chine est forte pour attirer des fonctions commerciales de base (7 %), généralement dans le secteur manufacturier.  Les entreprises au Danemarket en Italie s’engagent le plus dans l’externalisation de fonctions de base en Chine.

D’autre part, le rôle de l’Inde est important dans la fourniture de services de soutien aux entreprises à l’échelle mondiale. Les pays de l’UE sont trois fois plus susceptibles de confier leurs fonctions de support à l’Inde (12 %) qu’à la Chine (4 %), en particulier les Pays-Bas et la Finlande.

Entreprises par pays de destination de « l’externalisation » internationale en % en 2014-2017

 

 

 

 

 

d) Les fonctions des entreprises

L’enquête distingue les différentes fonctions commerciales

  • Fonction principale de l’entreprise (‘core business fonction‘) : Production de biens ou services finaux destinés au marché/pour des tiers réalisée par l’entreprise et générant des revenus et/ou fonction de soutien. La fonction commerciale de base équivaut dans la plupart des cas à l’activité principale de l’entreprise. Elle peut également inclure d’autres activités (secondaires) si l’entreprise considère qu’elles font partie de ses fonctions principales.
  • Fonction commerciale de support (‘support business fonction‘) : Les fonctions commerciales de support (activités annexes) sont exercées afin de permettre ou de faciliter la production de biens ou de services destinés au marché/pour le compte de tiers par l’entreprise. Les sorties des fonctions métiers support ne sont pas elles-mêmes destinées directement au marché/à des tiers. Les fonctions métiers de support sont réparties en :
    • Distribution et logistique
    • Marketing, vente et service après-vente
    • Services TIC
    • Fonctions administratives et de gestion
    • Ingénierie et services techniques connexes
    • Recherche et développement
    • Autres fonctions d’assistance

Les entreprises ont 75 % de personnes employées dans la fonction principale, avec le pourcentage le plus élevé de personnes employées dans la fonction principale en Roumanie (88 %) et en Bulgarie (85 %). L’Italie (66 %), le Danemark (74 %) et l’Allemagne (74 %) ont le moins de personnes employées dans la fonction principale par rapport à celles employées dans les fonctions de support (graphique suivant).

Emploi dans les entreprises – fonctions de base vs fonctions de support (2014-2017) (% de toutes les entreprises interrogées)

L’externalisation internationale était à l’origine un modèle utilisé par les entreprises manufacturières pour déplacer leur production à l’étranger, mais avec la croissance de la numérisation des services, le modèle d’externalisation s’est également étendu aux fonctions de service et aux entreprises de services. En termes relatifs, l’Allemagne a la proportion la plus élevée d’entreprises qui s’approvisionnent à l’international (68 %), suivie du Portugal (64 %). L’externalisation en fonctions essentielles — souvent dans le secteur manufacturier — est également relativement élevée en Suède, au Danemark, en Slovaquie et en Norvège.

En général, les entreprises externalisent plus fréquemment en fonctions de support qu’en fonctions de base. Environ 73 % des entreprises ont déclaré avoir fait appel à des fonctions de support, contre 51 % qui se sont procurées des fonctions de base. Ce n’est qu’en Allemagne que les fonctions de base sont recherchées plus fréquemment. L’importance des fonctions de support y est étonnante, compte tenu du fait que la plupart des entreprises qui s’approvisonnent à l’étranger sont dans le secteur manufacturier.

 

Entreprises externalisant à l’international par type de fonction commerciale sourcée (2014-2017) (% de toutes les entreprises interrogées externalisant à l’international)

 

La Fonction administrative et de gestion est la fonction commerciale de support la plus sollicitée à l’international alors que les deux enquêtes précédentes avaient montré l’importance relative des services TIC.  La proportion d’entreprises recourant à des fonctions administratives et de gestion était la plus élevée en Slovaquie, aux Pays-Bas et en Norvège (plus de 45 %). En revanche, en Bulgarie et en Roumanie, cette proportion était égale ou inférieure à 25 %.

Entreprises s’approvisionnant à l’international (2014-2017) (% de toutes les entreprises interrogées s’approvisionnant à l’international)

 

e) La réduction des coûts stimule l’externalisation internationale mais de moins en moins

Dans la plupart des pays, la principale raison pour laquelle les entreprises ont déménagé des fonctions à l’étranger entre 2014 et 2016 ou entre 2015 et 2017 était de réduire les coûts de main-d’œuvre et autres (graphique suivant). Toutefois, si l’on examine les enquêtes précédentes, les facteurs de motivation de la réduction des coûts semblent perdre de l’importance, la motivation à « se concentrer sur le cœur de métier » augmentant en importance, en particulier en Hongrie et en Autriche. Cela pourrait signifier que l’externalisation internationale motivée par la réduction des coûts qui a déjà été réalisée a atteint plus ou moins ses limites.

Estimation de l’emploi par fonction d’entreprise en % des personnes occupées : ensemble des activités  (2014-2017)

Emplois délocalisés à l’étranger par fonction d’entreprise  en %  des emplois perdus  : ensemble des activités (2014-2017)

 

L’accès à de nouveaux marchés peut aussi influencer la décision de délocaliser des fonctions commerciales, en particulier pour les entreprises mondiales. Souvent, l’accès à de nouveaux marchés nécessite des activités nouvelles ou étendues à l’étranger, généralement par le biais de filiales existantes ou nouvelles. Mais ceci n’est pas compté comme un « sourcing » international, car il n’y a pas de déplacement de fonctions commerciales. Par conséquent, l’accès à de nouveaux marchés n’est pas classé très haut comme motif de déplacement des fonctions commerciales à l’étranger.

Sélection de facteurs de motivation importants pour les entreprises qui s’approvisionnent à l’international (2014-2017) (% de toutes les entreprises interrogées s’approvisionnant à l’international)

 

f) Pertes d’emplois dues à l’externalisation internationale prédominant dans les petites économies ouvertes

Par définition, l’externalisation internationale implique que les emplois sortent de l’économie nationale, ce qui peut inquiéter les décideurs. Cette enquête internationale sur le sourcing mesure les pertes d’emplois en termes isolés, ce qui signifie qu’elle ne saisit pas directement les effets globaux des pertes d’emplois (par exemple, lorsque le sourcing permet à une entreprise de survivre). L’enquête tente de produire des preuves statistiques concernant l’impact de l’externalisation internationale sur l’emploi.

L’enquête fournit des informations sur le nombre d’emplois perdus de 2014 à 2016 ou de 2015 à 2017 en raison de la délocalisation de fonctions commerciales à l’étranger. Les pays ont signalé des pertes d’emplois dues à l’externalisation internationale par fonction commerciale et par activité de la NACE. Le graphique suivant montre les pertes d’emplois en proportion de l’emploi total déclaré dans l’enquête par fonction commerciale. Quelques valeurs aberrantes peuvent être remarquées, telles que des pertes d’emplois élevées dans les services TIC (4,7 %) et les services marchands à forte intensité de connaissances (3,4 %). Dans le secteur des entreprises non financières hors industrie, les fonctions d’ingénierie et services techniques connexes (4,5 %) et de recherche et développement (3,0 %) ont enregistré un nombre relativement élevé de suppressions d’emplois. Pour le secteur de l’industrie, seule la fonction de services TIC a enregistré des pertes d’emploi supérieures à 1 % (1,1 %).

Il est important de mentionner que l’externalisation de la « fonction de base » est beaucoup plus élevé en termes absolus que l’externalisation en services des TIC et de services marchands à forte intensité de connaissance.

Emplois perdus du fait de l’externalisation internationale, par fonction commerciale et agrégats NACE (2014-2017) (% du nombre de personnes employées dans toutes les entreprises interrogées par secteur)

 

 

g) externalisation et taille d’entreprise

Comme le montre le graphqiue suivant, le chiffre d’affaires moyen des entreprises qui externalisent à l’étranger (70,9 millions d’euros) est bien supérieur au chiffre d’affaires moyen des entreprises qui externalisent dans le pays (38,1 millions d’euros) ou des entreprises qui n’externalisent pas du tout (19,2 millions d’euros). De plus, les entreprises engagées dans l’externalisationinternationael peuvent s’attendre à un chiffre d’affaires plus important que les entreprises qui n’en ont pas, quelle que soit la taille de l’entreprise, la plus grande différence étant constatée dans les entreprises de plus de 250 personnes employées (194,9 millions d’euros pour les entreprises de plus de 250 personnes employées externalisant à l’étranger par rapport à 76,6 millions d’euros de chiffre d’affaires moyen pour les entreprises de plus de 250 salariés qui ne pratiquent aucun sourcing national ou international).

Chiffre d’affaires moyen des entreprises par classe de taille et statut d’externalisation (sourcing) en millions d’euros en 2018

Le graphique suivant montre que les entreprises sont plus susceptibles de sous-traiter leurs fonctions de support à l’étranger (78,3 %) plus que leurs fonctions de base (53,6 %). Cela est vrai pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. En outre, plus de la moitié des entreprises de sourçage international se procurent leurs fonctions commerciales principales à l’étranger, à l’exception des entreprises employant plus de 250 personnes (dont seulement 46,5 % se procurent leurs fonctions commerciales principales à l’étranger).

Entreprises externalisant à l’étranger par fonction commerciale et classe de taille en 2018 (% de toutes les entreprises externalisant à l’étranger dans la même classe de taille)

 

 

2/ Les filiales à l’étranger des entreprises multinaltionales

Les délocalisations constituent un enjeu majeur du débat public en France sur la mondialisation depuis le début des années 1990 et l’affaire « Hoover », du nom de l’entreprise de machines à laver qui avait fermé son site français de 700 salariés au profit de son site écossais. Quantifier précisément ce phénomène économique et son évolution reste une tâche compliquée : de nombreuses définitions et méthodologies existent et le choix de champs ou de périodes différents limite la pertinence des comparaisons entre les études déjà réalisées. On s’est ici surtout appuyé sur les données d’Eurostat (statistiques sur les filiales étrangères – FATS) qui permettent normalement des comparaisons entre pays. Mais il convient de ne pas confondre emplois délocalisés à l’étranger et emplois des entreprises multinationales à l’étranger qui varient normalement plus vite que les emplois délocalisés.

 

 

a) Les emplois délocalisés en France seraient supérieurs à 10 000 par an

Selon une étude de l’Insee, le nombre d’opérations de délocalisation en France aurait baissé sur la décennie 2010-2019. Au-delà du pic observé avant et pendant la crise de 2008, le nombre annuel moyen de délocalisations passe de 980 sur la période 1995-2005 à 730 sur la période 2010-2017 (– 25 %). La crise a sans doute eu un impact durable sur l’ampleur économique des délocalisations, ainsi que les politiques de modération des coûts de production mises en place dans les années 2010.

Trois périodes peuvent ainsi être distinguées : de 1995 à 2008, les délocalisations sont nombreuses et procycliques. Les deux pics observés (1998-2000 et 2006-2008) coïncident avec des périodes de forte activité économique. La corrélation avec le taux d’investissement et avec l’évolution de la trésorerie des entreprises suggère que, sur cette période, les délocalisations ont pu être favorisées par les conditions financières favorables. La deuxième période (2009-2010) correspond à une baisse des délocalisations, suivant en cela l’évolution à la baisse de l’activité sur la période. Le durcissement de l’accès au crédit ainsi que l’impératif de désendettement peuvent contribuer à expliquer la baisse du nombre de délocalisations. La troisième période (2011-2017) se caractérise par une décorrélation entre délocalisations et activité : l’investissement repart à la hausse, la trésorerie ré-augmente, mais le niveau des délocalisations stagne. L’amélioration de la compétitivité-prix française sur la période pourrait avoir contribué à cette baisse des incitations à délocaliser.

L’industrie représente une grande partie (autour de 70 %) des délocalisations estimées (graphique suivant). C’est en effet le secteur qui a été concerné par l’extension des chaînes de valeur mondiales, quoique de manière inégale entre ses différents sous-secteurs. C’est par exemple le cas de l’industrie automobile française, qui s’est engagée, depuis la fin des années 1990, dans un processus d’adaptation à un marché international en rapide évolution. Ce processus s’est notamment traduit par une internationalisation des chaînes de valeur entre différents pôles situés en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. La production combine alors la manufacture de pièces et composants dans des pays à bas salaires et l’assemblage dans des pays à salaires élevés. Une grande partie des délocalisations vers des pays à faible coût ont été effectuées par un petit nombre de groupes.

Répartition des unités légales délocalisant par secteur d’activité en France

 

L’Insee distingue 3 scénarios de délocalisation à partir d’un modèle. Dans le scénario central, le nombre d’ETP détruits chaque année à la suite d’une délocalisation aurait baissé tendanciellement (graphique suivant) : de l’ordre de 34 000 par an en moyenne sur la période 2001‑2010 (avec un pic à 56 000 en 2008) à 14 000 en moyenne sur la période 2011-2017. Par ailleurs, ces suppressions de postes ne tiennent pas compte des potentielles créations d’emploi simultanées dans d’autres établissements par l’unité légale délocalisant.

Nombre d’emplois en équivalent temps plein (ETP) estimés comme délocalisés en France chaque année

 

La destination des délocalisations peut être identifiée grâce aux évolutions en valeur de flux d’importations spécifiques pour les entreprises délocalisant. Le pays depuis lequel l’augmentation de ces importations est maximale est alors défini comme la destination de délocalisation. La part relative des différents ensembles géographiques dans les délocalisations françaises est alors approchée par la part, dans les variations majoritaires des flux d’importation spécifiques des entreprises délocalisant, des flux d’importation spécifiques à destination de ces ensembles géographiques (graphique suivant).

Les flux d’importations spécifiques induits par les délocalisations vers l’Afrique (Maghreb compris) sont peu nombreux en proportion. Ceux vers le Moyen Orient et l’Asie centrale, du Sud ou du Sud-Est ont tendance à augmenter linéairement sur l’ensemble de la période 1995-2017, représentant 23 % des délocalisations en valeur en 2017.

Répartition de la valeur des délocalisations par zone géographique des importations spécifiques maximales des unités délocalisant

 

 

 

b) Les filiales étrangères dans l’UE : relative faiblesse en France

Dans la base de données Eurostat, les statistiques sur les filiales étrangères (FATS) couvrent la structure et les activités des entreprises qui contrôlent des entreprises à l’étranger (FATS sortantes) ou qui sont contrôlées par des entreprises étrangères (FATS entrantes). L’entreprise A est dite contrôlée par une entreprise B lorsque l’entreprise B contrôle directement ou indirectement plus de la moitié des voix attribuées aux actionnaires.

L’enquête Outward-FATS est annuelle: elle est réalisée pour la France par l’Insee en collaboration avec la Banque de France, et fournit des informations sur les ventes et l’emploi des filiales à l’étranger des FMN domestiques (mais pas sur la valeur ajoutée). Les données sur les implantations étrangères dans les pays européens proviennent de l’enquête annuelle Inward-FATS réalisée par l’Insee pour la France. Comme ces filiales sont présentes dans le pays où a lieu l’enquête, on dispose de bien plus d’informations que pour Outward-FATS, en particulier la valeur ajoutée.

Les statistiques relatives à la structure et à l’activité des filiales étrangères (FATS) fournissent des informations qui peuvent être utilisées pour évaluer l’impact des entreprises sous contrôle étranger sur l’économie européenne. Ces données permettent aussi de contrôler l’efficacité du marché intérieur et l’intégration progressive des économies dans le contexte de la mondialisation. L’un des modes de fourniture d’activités économiques à l’étranger est la présence commerciale par la création de filiales étrangères sur le territoire d’un autre pays.

Certaines activités comme les activités agricoles, financières, etc,… ne sont pas comprises dans ces données. Il est assez délicat de rapporter la valeur ajoutée aux coûts des facteurs de l’ensemble de l’industrie et services marchands; réparation d’ordinateurs, de biens personnels et domestiques; sauf les activités financières et d’assurances à la valeur ajoutée de ces activités correspondante sur le territoire économique qu’on a estimée. Pour le numérateur, il n’y a pas de souci : c’est le même que sur la base Insee, soit par exemple 170 Mds en 2018 et 173,2 Mds en 2019 (voir tableau précédent). Mais pour le dénominateur, on n’a pas d’autre choix, compte tenu des données disponibles, que de prendre la valeur ajoutée des SNF moins la VA des branches « Arts, spectacles et activités récréatives; autres activités de services; activités des ménages et extra-territoriales » moins les impôts (nets de subventions) liés à la production.

Les données de la base Eurostat confirment celles de la CNUCED et de l’OCDE : la France n’est pas vraiment un pays d’accueil des filiales étrangères en terme de valeur ajoutée rapportée au PIB (voir page Désindustrialisation par pays). En revanche, les multinationales françaises créent bien plus d’emplois à l’étranger (rapportés aux emplois salariés domestiques) que leur principaux concurrents de l’UE.

tableau-40-filiales-etrangeres-Eurostat

Les filiales étrangères ont un poids plus important dans la plupart des autres pays de l’UE qu’en France. Le ratio de la VA de ces filiales dans la VA totale en France est de 15% en 2018 (16% dans la source Insee). Il est de 23,1% dans l’UE des 27 pays. Il n’est pas étonnant qu’il soit de 67,9% en Irlande  avec la relocalisation d’actifs de la propriété intellectuelle en Irlande (voir page PIB irlandais). Mais il est aussi assez élevé dans la plupart des pays de l’Est de l’Europe avec les nombreuses délocalisations de France et d’Allemagne. Il n’y a qu’en Italie où le ratio est à peine supérieur à celui de la France (16,4%).

Avec plus de 1.220 décisions d’investissement en 2021, la France bat son précédent record et creuse l’écart en tête du classement européen. Mais les projets accueillis créent moins d’emplois que dans les autres pays.

Valeur ajoutée aux coûts des facteurs des firmes multinationales étrangères dans la valeur ajoutée totale de différents pays de l’UE en %

En 2020, les entreprises sous contrôle étranger ne représentaient que 1,2 % des entreprises actives au sein de l’ UE  (économie marchande non financière). Plus de deux fois plus d’entreprises sous contrôle étranger étaient finalement contrôlées par une unité de l’un des autres États membres de l’UE que d’entreprises contrôlées en dernier ressort par une unité de pays tiers. En tant que telle, la proximité géographique semble être un facteur déterminant important lorsque les investisseurs étrangers envisagent leurs options – reflétant peut-être une certaine prudence à investir d’abord dans des marchés proches (qui peuvent également être culturellement et/ou linguistiquement proches) avant d’envisager des investissements plus éloignés (à la fois géographiquement ou culturellement). En effet, l’attractivité des différents pays peut souvent être liée à des liens de proximité, historiques, culturels ou linguistiques. Par exemple, une forte proportion des entreprises sous contrôle étranger en Irlande le sont par des unités venues des États-Unis.

La contribution des entreprises sous contrôle étranger à la performance économique a été beaucoup plus importante, tant en termes d’emploi et, en particulier, de valeur ajoutée, qu’en termes de nombre d’entreprises. Cela peut s’expliquer, du moins en partie, par le fait que les entreprises sous contrôle étranger sont généralement beaucoup plus grandes que les entreprises nationales (ou sous contrôle national). En 2020, les entreprises sous contrôle étranger fournissaient du travail à près d’une personne sur six (15,9 %) qui étaient employées dans l’économie marchande non financière de l’UE; leur part dans la valeur ajoutée totale était considérablement plus élevée, les entreprises sous contrôle étranger contribuant pour près d’un quart (24,9 %) au total de l’UE.

En ce qui concerne le nombre d’entreprises, le Luxembourg a enregistré la part la plus élevée en 2020 — parmi les États membres de l’UE — de sa main-d’œuvre de l’économie marchande non financière employée par des entreprises sous contrôle étranger (37,8 %). On note qu’il existe un secteur des services financiers important au Luxembourg et que celui-ci se caractérise également par une forte présence internationale (bien que les données ne soient pas disponibles pour ces entreprises financières). L’Estonie comptait également une part élevée (39,2 %) de la main-d’œuvre de son économie marchande non financière employée par des entreprises sous contrôle étranger (graphique suivant).

Il y avait cinq autres États membres de l’UE où les entreprises sous contrôle étranger représentaient plus d’un quart de la main-d’œuvre de l’économie marchande non financière en 2020 — la Pologne, l’Irlande, la Roumanie, la Tchéquie et la Slovaquie — dont beaucoup se caractérisaient par des coûts salariaux relativement faibles et des effectifs élevés. de personnes travaillant pour des entreprises sous contrôle étranger dans le secteur manufacturier, souvent contrôlées par des unités d’autres États membres.Dans quelques pays, la majorité des personnes travaillant pour des entreprises sous contrôle étranger en 2020 étaient employées par une entreprise contrôlée depuis l’extérieur de l’UE, la plus grande part étant de loin employée en Irlande (79,5 %).

En 2020, au moins un dixième de la valeur ajoutée totale dans les économies marchandes non financières de chacun des États membres de l’UE a été générée par des entreprises sous contrôle étranger. Des parts relativement faibles ont été enregistrées à Chypre (12,6 %), en Italie (17,1 %) et en Allemagne (19,1 %) en France (16,7 % en 2019), tandis que près de la moitié des États membres avaient des parts comprises entre 20 et 30 %. Dix États membres avaient des parts comprises entre 30 et 50 % et, en Irlande, les entreprises sous contrôle étranger représentaient plus des deux tiers (73,5 %) de la valeur ajoutée totale dans l’économie marchande non financière irlandaise en 2020.

Ce ratio est faible en France dans le secteur de l’industrie. Parmi les principaux déterminants de la localisation des sites de production, la France bénéficie certes d’une position avantageuse en termes de potentiel de marché du fait de la taille de son économie, de la qualité de ses infrastructures et son positionnement au cœur du marché unique. Elle bénéficie de taux d’intérêt plutôt avantageux qui se traduisent par un faible coût de l’endettement pour ses entreprises. La France ne se distingue pas négativement quant à la qualité de ses institutions, ce qui exclut que ces facteurs aient joué fortement contre la localisation des sites de production sur son territoire. Elle est classée de manière plus défavorable que certains de ses partenaires en ce qui concerne le niveau de compétences de la main-d’œuvre ainsi que pour les indicateurs de qualité de l’environnement des affaires mais ces indicateurs ne se sont pas nettement dégradés dans les années 2000 au moment où le recul de l’industrie a été le plus marqué. Par ailleurs, de grands pans de ce qui fait la qualité de l’environnement des affaires sont communs aux pays de l’U.E. C’est également vrai pour la politique commerciale et la politique de la concurrence ainsi que pour le taux de change pour les pays de la zone euro, ce qui exclut ces facteurs comme des explications possibles d’une désindustrialisation plus rapide de la France par rapport à ses partenaires européens. Le niveau de l’euro, qui a fortement crû dans les années 2000 et a fluctué aux alentours de 1,40 dollar de 2007 à 2014, a souvent été avancé comme facteur de la dégradation de la balance commerciale.

Part des entreprises sous contrôle étranger, économie commerciale non financière, 2020 (% du total)

Note : l’économie marchande non financière est définie comme les sections B-N (à l’exception de la section K) et la division 95 de la NACE. (1) Provisoire, Source : Eurostat

 

Environ un quart des dépenses de R & D intra-muros effectuées dans les secteurs de l’industrie et de la construction de l’UE en 2019 ont été prises en charge par des entreprises sous contrôle étranger. Certains éléments suggèrent que les entreprises sous contrôle étranger dans l’UE pourraient être plus intensives en R & D que leurs concurrents nationaux. En effet, les entreprises sous contrôle étranger sont considérées comme faisant partie intégrante de certains systèmes nationaux d’innovation, car les activités de recherche des grandes multinationales peuvent potentiellement bénéficier aux pays d’accueil en favorisant les transferts de connaissances et de technologies.En 2019, les entreprises sous contrôle étranger représentaient un peu plus d’un quart (25,2 %) des dépenses de R & D intra-muros dans les secteurs de l’industrie et de la construction (sections B à F de la NACE) dans 17 États membres de l’UE (graphique suivant), et une part légèrement plus élevée (27,2 %) du nombre total de personnels de R&D.

En Slovaquie, en Tchéquie (données de 2015), en Pologne, en Autriche, en Hongrie et en Suède, plus de la moitié des dépenses de R & D intra-muros qui ont eu lieu dans l’industrie et la construction en 2019 ont été prises en charge par des entreprises sous contrôle étranger, tandis que dans trois de ces États membres de l’UE — la Tchéquie, la Suède et la Slovaquie — la majorité du personnel de R & D travaillait également pour une entreprise sous contrôle étranger.

Dépenses intra-muros de R&D dans l’industrie et la construction, par contrôle d’entreprise, 2019 (% du total)

Source: Eurostat

 

 

 

 

c) Les filiales à l’étranger de l’UE : importance de la France

C’est le contraire pour les filiales des pays de l’UE à l’étranger. La France est parmi les pays de l’UE celui dont le nombre de personnes employées rapportés aux effectifs salariés estimés sur le territoire des activités. Les unités statistiques sont les entreprises et succursales à l’étranger qui sont contrôlées par une unité institutionnelle résidente de l’économie déclarante qui n’est elle-même pas contrôlée par une autre personne morale ou privée. En général, la ventilation par activité économique couvre les sections de la nomenclature B à S de la NACE Rev.2 (hors O, donc Administration publique, défense, éducation, santé humaine et action sociale).

C’est en France que le nombre d’emplois délocalisés est le plus élevé en Europe. Plus de 6,6 millions d’effectifs (chiffre un peu supérieur à celui de l’Insee : 6,2 millions) devant l’Allemagne  (6 millions), qui a une population active bien plus élevée, et le Royaume-Uni (4 millions). En part relative, les personnes employées des filiales à l’étranger sauf l’agriculture et l’Administration publique, défense, éducation, santé humaine rapportés aux effectifs employés sur le territoire de la maison-mère en 2018 représentent presque 40% en France, soit un peu moins que quelques pays scandinaves, mais bien plus que l’Allemagne et le Royaume-Uni (20%) et l’Italie (12,3%) ou en Espagne (8,6%). Contrairement à une idée reçue, les emplois délocalisés en France par les MN étrangères sont bien moins importants.

tableau 38 filales à l’étranger eurosat

En évolution la croissance des personnes employés par des filiales à l’étranger est particulièrement forte en France durant la décennie 2010 : + 42%, beaucoup plus qu’en Allemagne (+31%) et que dans les pays du Sud de l’UE avec même une baisse au Royaume-Uni (-18%) (tableau suivant), un peu moins en revanche qu’au Danemark, Irlande.

Nombre de personnes employées des filiales à l’étranger sauf l’agriculture et l’Administration publique, défense, éducation, santé humaine et action sociale en milliers en 2018

 

 

Personnes employées des filiales à l’étranger sauf l’agriculture et l’Administration publique, défense, éducation, santé humaine rapportés aux effectifs employés sur le territoire de la maison-mère en 2018 en %

Nombre de personnes employées des filiales à l’étranger sauf l’agriculture et l’Administration publique, défense, éducation, santé humaine et action sociale après la crise de 2009 en milliers

 

Où sont crées ces emplois par des filiales françaises à l’étranger ? Pour 3 millions ils le sont en Europe dont 2,2 millions dans l’UE, et 430 000 chacun au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe. 3,6 millions appartiennent aux autres continents dont 1,7 millions en Amérique, 1,4 millions en Asie et  460 000 en Afrique. À l’intérieur de l’UE, 21,3% des emplois des filiales françaises le sont en Allemagne, 18,2% en Espagne, 12,6% en Italie mais 11,6% en Pologne et 6,8% en Roumanie.

tableau 39 filiales à l’étranger France par pays eurosat

Personnes employées des filiales françaises à l’étranger sauf l’agriculture et l’Administration publique, défense, éducation, santé humaine par pays en 2018 en milliers

Personnes employées des filiales françaises à l’étranger sauf l’agriculture et l’Administration publique, défense, éducation, santé humaine par pays de l’UE en 2018 en % du total de ces effectifs

 

 

En 2020, la majorité (58,4 %) des ventes réalisées par les filiales de l’UE à l’étranger ont été réalisées en dehors de l’UE (dans des pays non membres de l’UE). Les 41,6 % restants reflétaient des ventes réalisées par des filiales de l’UE dans d’autres États membres de l’UE. Notez que ces chiffres sont basés sur un agrégat pour 25 États Membres de l’UE l’exclusion de l’Estonie et des Pays-Bas) et couvrent l’économie des entreprises (telle que définie par les sections BN et PS de la NACE).

Les filiales irlandaises (76,0 %), espagnoles (72,9 %) et chypriotes (69,9 %), voire françaises et allemandes (61%) ont enregistré les parts les plus élevées de leur chiffre d’affaires total généré en dehors de l’UE. En revanche, plus des trois quarts du chiffre d’affaires généré par les filiales tchèques, slovaques, lituaniennes, maltaises, hongroises et roumaines ont été générés dans d’autres États membres de l’UE (graphique suivant).

Part du chiffre d’affaires des filiales étrangères à l’étranger, économie marchande, 2020 (% du total pour toutes les filiales étrangères)

 

En 2020, près des deux tiers (62,1 %) du nombre total de personnes employées par les filiales de l’UE à l’étranger travaillaient en dehors de l’UE ; notez que ces chiffres sont basés sur les informations disponibles pour 25 États membres de l’UE (à l’exclusion de l’Estonie et des Pays-Bas) dans l’ensemble de l’économie des entreprises. Dans 14 de ces 25, une majorité de la main-d’œuvre des filiales étrangères travaillait en dehors de l’UE, les proportions les plus élevées étant enregistrées parmi les Irlandais (80,5 %), les Espagnols (77,3 %), les Chypriotes (76,3 %), les Slovènes (68,0 % ) et françaises (66,3 %). Dans les autres États membres de l’UE, au moins un septième de la main-d’œuvre de leurs filiales étrangères à l’étranger était employée dans des pays non membres de l’UE (graphique suivant)

Part des personnes employées dans les filiales étrangères à l’étranger, économie marchande, 2019 (% du total pour toutes les filiales étrangères)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VIII –  LES ENTREPRISES MULTINATIONALES

1/ Mondialisation de l’activité et firmes multinationales

Le développement des firmes multinationales s’appuie sur d’importants IDE. Ces firmes sont au cœur des chaînes de valeur mondiales. Une entreprise multinationale est une entreprise qui réalise des activités dans d’autres pays que son pays d’origine (exploitation de ressources, production de biens ou de services, recherche et développement, etc.).

Les entreprises multinationales peuvent s’établir à l’endroit où elles le désirent. Elles cherchent les pays qui offrent les mesures gouvernementales les plus avantageuses afin d’augmenter leurs profits. Les États doivent donc mettre en place des mesures précises pour attirer les multinationales.

D’abord, les pays peuvent offrir des avantages fiscaux (taxes et impôts) aux entreprises, ce qui crée une certaine forme de compétition entre les pays désireux d’attirer les entreprises sur leur territoire. En 2017, les États-Unis ont adopté une réforme fiscale très avantageuse pour les compagnies. Le taux d’imposition sur les bénéfices passe de 35 % à 21 % pour les multinationales établies sur le territoire étasunien. Toujours en 2017, le taux d’imposition de la Chine est de 25 %. Pour être concurrentiel, le pays asiatique décide d’offrir aux entreprises une exemption d’impôt sur les bénéfices, mais sous certaines conditions. Ainsi, il est plus avantageux pour une entreprise de s’établir en Chine plutôt qu’aux États-Unis.

Ensuite, les gouvernements peuvent accorder des subventions (aide financière) aux compagnies pour qu’elles investissent dans la recherche et le développement. Par exemple, le gouvernement canadien offre 3 milliards de dollars en subventions, celles-ci étant réparties entre toutes les entreprises établies sur le sol canadien qui effectuent de la recherche et du développement.

 

 

a) Poids des filiales étrangères des multinationales en France

Entre 1993 et 2017, la part de la valeur ajoutée nationale réalisée par les entreprises françaises sous contrôle d’une firme multinationale étrangère a tout d’abord crû de 9,3 % à 16,8 % de 1993 à 2013, et augmente plus légèrement par la suite (17 % en 2017). En ce qui concerne la part des emplois, elle a d’abord augmenté fortement entre 1993 (9,5 %) et 2003 (14,0 %) avant de diminuer à 13,1 % en 2017 (graphique suivant). En 2020, les entreprises sous contrôle d’une étrangère en France regroupent 11,9 % de l’effectif salarié national. La présence de multinationales sous contrôle étranger est moins importante dans l’économie française que dans celle du Royaume-Uni voire de l’Allemagne.

 

Valeur ajoutée et emploi des firmes multinationales étrangères

Champ : France, unités légales et entreprises profilées des secteurs marchands non agricoles et non financiers. Source : Insee, Ésane.

 

En 2020, en France, les firmes multinationales représentent moins de 1 % des entreprises des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers (tableau suivant). Toutefois, elles emploient 51 % des salariés en France et génèrent 55 % de la valeur ajoutée brute produite sur le territoire français.

Les firmes  multinationales sous contrôle étranger emploient 1,9 million de salariés en équivalenttemps plein en France en 2020.

Répartition des entreprises selon le type de contrôle en 2020

 

L’implantation en France des firmes multinationales sous contrôle étranger correspond le plus souvent à des entreprises de taille intermédiaire. L’industrie manufacturière concentre le plus d’emplois sous contrôle étranger (35 %), devant le commerce (25 %).

 

Valeur ajoutée par secteur en fonction des types de contrôle des entreprises en 2019 en milliards d’euros

Au total, en 2019, 107 pays étrangers contrôlent des entreprises en France. Parmi eux, 15 représentent 95 % de l’emploi total (y compris intérimaires et non‑salariés) en France sous contrôle étranger. Les pays de l’UE en concentrent 53 %, au premier rang desquels l’Allemagne avec 325 000 emplois, suivie par les Pays‑Bas, le Royaume‑Uni et la Belgique. Hors UE, les multinationales sous contrôle américain totalisent le plus d’emplois en France (512 000), puis viennent la Suisse, le Japon et bien plus loin le Canada et la Chine.

Emplois en France sous contrôle étranger par pays d’origine en 2019 en milliers

 

 

 

b) firmes multinationales sous contrôle français en 2019

Les firmes multinationales sous contrôle français réalisent 1 395 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans leurs filiales à l’étranger, soit la moitié de leur chiffre d’affaires consolidé mondial (tableau suivant). Elles y emploient 6,8 millions de salariés, soit 56 % de leurs effectifs totaux. Parmi elles, les grandes firmes multinationales regroupent 45 % des filiales à l’étranger des firmes multinationales françaises. La moitié de ces grandes firmes sont implantées dans au moins 11 pays étrangers. Les grandes firmes multinationales réalisent 83 % du chiffre d’affaires et emploient 78 % des effectifs des filiales françaises à l’étranger. À l’opposé, les firmes multinationales sous contrôle français de taille petite ou moyenne ne représentent que 2 % du chiffre d’affaires et 3 % des salariés des filiales françaises à l’étranger. Elles réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires en France.

En 2019, à l’étranger, 39 % des salariés des firmes multinationales sous contrôle français travaillent dans l’Union européenne (UE). Les filiales au Royaume‑Uni (en 2019, ce pays est encore membre de l’UE), en Allemagne et en Espagne représentent 48 % des effectifs des firmes multinationales sous contrôle français dans l’UE. Au niveau mondial, les États-Unis regroupent les effectifs les plus importants, devant la Chine et le Brésil. 42 % des salariés  des filiales sous contrôle français implantées à l’étranger travaillent dans les services, 35 % dans l’industrie.

Effectifs et chiffre d’affaires à l’étranger des firmes multinationales sous contrôle français en 2019 par taille

En 2020, les firmes multinationales françaises (hors secteur bancaire et services non marchands) contrôlent 48 600  à l’étranger. Elles y réalisent 1 257 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ces filiales étrangères emploient 6,6 millions de salariés.

Chiffre d’affaires des entreprises étrangères contrôlées par des firmes multinationales françaises

 

Champ : firmes multinationales sous contrôle français, hors services non marchands et banques. Source : Insee, Ofats 2018.

 

 

 

 

2/ L’activité des entreprises multinaltionales dans les différenst pays

Des informations claires sur le rôle et les activités des entreprises multinationales (EMN) sont essentielles à la compréhension  CVM, dont la forte croissance a considérablement remis en question les connaissances économiques existantes et les implications politiques liées à la mondialisation.

La difficulté de collecter des données empiriques sur les entreprises multinationales signifie que nous n’avons pas toujours eu une vision complète des questions clés de la politique commerciale et industrielle, telles que le rôle des entreprises multinationales dans les CVM et la manière dont les entreprises combinent commerce et investissement dans leurs activités transfrontalières. Une meilleure compréhension des multinationales permettrait des débats plus éclairés sur le rôle de ces entreprises dans l’économie et dans la société en général.

Pour combler le déficit de données, l’OCDE a développé une nouvelle base de données complète sur les activités des entreprises multinationales dans tous les pays et secteurs. Elle permet d’analyser les activités des entreprises multinationales en termes de valeur ajoutée.

En France, les filiales de multinationales étrangères représentaient 13,4 % de la production brute totale du pays en 2019. Ce ratio est somme toute assez faible comparé à des petits pays de l’est de l’UE ou des pays scandinaves. Mais il est également moins élevé qu’en Allemagne et surtout au Royaume-Uni. Inversement les filiales étrangères des EMN françaises produisaient un volume de production équivalente  à 32%  à la production totale française. Ces pourcentage sont respectivement de 16,8% et 30% en Allemagne; 26,3% et 23,5% au Royaume-Uni; 17,6% aux Pays-Bas et 14,6%; 41,6% et seulement 2,8% en Tchéquie. Ils sont plus bas sur les autres continents : 9,6% et 12,6% aux États-Unis; 5,8% et 3,1% en Chine et enfin 10,5% et 2,1% au Viet-Nam.

Le second ratio est élevé en France par rapport aux autres pays étudiés ici, confirmant les conclusions précédentes en terme d’emplois. Ce pourcentage est du même ordre de grandeur qu’au Danemark (31,5%). Mais dans ce pays, les filiales de multinationales étrangères représentaient 19 % de la production brute totale du pays. Aux Pays-Bas, ce pourcentage est très élevé de 52,3% mais de 27,1% pour la production de filiales étrangères dans ce pays.

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale en France  (2011 et 2019) en %

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale en Allemagne (2011 et 2019) en %

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale au Royaume-Uni (2011 et 2019) en %

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale au Danemark (2011 et 2019) en %

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale  au Pays-Bas (2011 et 2019) en %

 

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale en Tchéquie (2011 et 2019) en %

 

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale aux États-Unis (2011 et 2019) en %

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale en Chine (2011 et 2019) en %

 

Activités des EMN entrantes et sortantes par rapport à la taille du pays, en tant que part de la production brute globale au Viet-Nam (2011 et 2019) en %

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

 

 

3/ Structure des groupes d’entreprises multinationales dans l’UE

Cette partie donne un aperçu des groupes d’entreprises multinationaux opérant dans les pays de l’UE et les pays de l’AELE (association européenne de libre échange) en 2020, selon les données disponibles dans le registre EuroGroupe  (EGR). Le contenu est basé ici sur les groupes d’entreprises multinationaux, qui ne sont pas utilisés dans d’autres statistiques officielles d’Eurostat.

a) Groupes d’entreprises multinationales opérant dans l’UE et l’AELE

Dans l’EGR, un groupe d’entreprises multinational est défini comme un groupe d’entreprises qui opère dans au moins deux pays, l’un d’entre eux faisant partie de l’UE ou de l’AELE.

Pour l’année 2020, l’EGR comprend 135 450 groupes d’entreprises multinationaux opérant dans les pays de l’UE et de l’AELE, composés de :

  • plus de 1,2 million d’unités légales,
  • 468 000 entreprises dans les pays de l’UE et de l’AELE employant plus de 42 millions de personnes (soit environ 1 personne employée sur 5 en Europe),
  • 416 000 entreprises hors UE et AELE..

 

 

b) Qui contrôle les groupes d’entreprises multinationales opérant dans l’UE et l’AELE ?

En 2020, 75 % des groupes d’entreprises multinationaux opérant dans l’UE et l’AELE dans l’EGR étaient contrôlés par un pays de l’UE (66 %) ou un pays de l’AELE (9 %). Ensemble, ils employaient 84 % de la main-d’œuvre totale des groupes d’entreprises multinationaux dans l’UE et l’AELE (EFTA).

Les 25 % restants, employant 16 % de la main-d’œuvre de ces groupes, étaient contrôlés par des pays hors UE et AELE (voir graphique suivant et deux cartes suivantes). Plus de 130 pays en dehors de l’UE et de l’AELE contrôlaient au moins un groupe d’entreprises multinationales opérant dans l’UE et l’AEL.

Selon l’EGR, en 2020, les 3 pays hors UE et AELE qui contrôlaient le plus de groupes d’entreprises multinationaux dans l’UE et l’AELE étaient :

  • le Royaume-Uni (plus de 15 000 groupes d’entreprises multinationales)
  • les États-Unis (environ 5 000 groupes d’entreprises multinationales)
  • Japon (environ 1 000 groupes d’entreprises multinationaux).

 

Groupes d’entreprises multinationales et emploi dans les pays de l’UE-AELE par pays de contrôle en 2020

Groupes d’entreprises multinationaux dans l’UE et l’AELE contrôlés par les pays de l’UE-AELE, en 2020

 

Groupes d’entreprises multinationaux dans l’UE et l’AELE contrôlés par des pays extra-UE, en 2020

Source: Eurostat (Registre EuroGroups)

 

 

Le graphique suivant présente une ventilation de l’emploi dans les groupes d’entreprises multinationales de l’UE et de l’AELE contrôlés par les pays de l’UE, de l’AELE et non membres de l’UE.

Emploi dans les groupes d’entreprises multinationaux dans les pays de l’UE et de l’AELE par pays de contrôle, en 2020 en %

Source: Eurostat (Registre EuroGroups)

 

 

c) Les groupes d’entreprises multinationales de l’UE et de l’AELE sont principalement actifs dans le secteur manufacturier et l’emploi est concentré dans un petit nombre de secteurs

En 2020, les groupes d’entreprises multinationaux cotés à l’EGR opérant dans les pays de l’UE et de l’AELE exerçaient une grande variété d’activités économiques, couvrant 20 sections  NACE et 86 divisions NACE.

Les 3 activités économiques avec le plus grand nombre d’emplois au niveau de la section NACE étaient :

  • industrie (36 %)
  • commerce de gros et de détail; réparation de véhicules à moteur et de motos (16 %)
  • transport et stockage (8 %).

Au sein de l’industrie manufacturière, les 3 principales activités au niveau de la division NACE (graphique suivant) étaient :

  • industrie de véhicules automobiles, remorques et semi-remorques (6 %)
  • industrie de machines et d’équipements (5 %)
  • industrie de produits alimentaires (3 %).

Emploi dans les groupes d’entreprises multinationaux de l’UE et de l’AELE par activité économique, en 2020

Source: Eurostat (Registre EuroGroups)

 

 

d) Les grands groupes multinationaux diversifiés sont les plus gros employeurs

Dans l’EGR 2020 :

  • 10 % des groupes d’entreprises multinationaux opérant dans les pays de l’UE et de l’AELE ont été classés comme grands, représentant 90 % de l’emploi dans ces groupes
  • 37 % étaient de taille moyenne, fournissant 9 % de l’emploi
  • 53 % étaient de petite taille, fournissant 1 % de l’emploi.

Dans l’EGR, les groupes d’entreprises multinationales sont considérés comme petits s’ils emploient moins de 10 personnes, moyens s’ils emploient de 10 à 300 personnes et grands s’ils emploient plus de 300 personnes.

 

En 2020, la plupart des groupes d’entreprises multinationaux enregistrés dans l’EGR exerçaient plus d’une activité économique.

  • 51 % étaient considérés comme diversifiés
  • 30 % étaient considérés comme mono-actifs
  • 16 % étaient considérés comme très diversifiés.

La plupart des emplois étaient concentrés dans des groupes très diversifiés (graphique).

Dans l’EGR, la diversification d’un groupe d’entreprises multinational est déterminée par le nombre d’activités exercées par ses entreprises au niveau de la division NACE :

  • mono-actif : une seule activité
  • diversifié : 2-4 activités économiques
  • très diversifiée : plus de 5 activités économiques.

 Diversification des groupes d’entreprises multinationaux opérant dans l’UE et l’AELE, en 2020

Source: Eurostat (Registre EuroGroups)

 

 

e) Seuls 20 % des groupes d’entreprises multinationaux exerçant des activités dans l’UE et l’AELE ont des activités dans un nombre étendu de pays, 2020

En 2020, l’EGR a enregistré que:

  • 20 % des groupes d’entreprises multinationaux actifs dans l’UE et l’AELE sont présents dans au moins 6 pays de l’UE et de l’AELE, employant 89 % des personnes travaillant dans un groupe d’entreprises multinationales dans l’UE et l’AELE.
  • 25 % des groupes d’entreprises multinationaux étaient présents dans 3 à 5 pays de l’UE et de l’AELE, employant 7 % des personnes.
  • 55 % des groupes d’entreprises multinationaux étaient présents dans moins de 3 pays de l’UE et de l’AELE, employant 4 % des personnes .

Le nombre de pays de l’UE et de l’AELE dans lesquels un groupe d’entreprises multinational est présent est classé comme suit dans l’EGR :

  • Petit : le groupe multinational est présent dans 1 ou 2 pays de l’UE et de l’AELE
  • Moyen : le groupe multinational est présent dans 3 à 5 pays de l’UE et de l’AELE
  • Étendu : le groupe multinational est présent dans au moins 6 pays de l’UE et de l’AELE.

f) Présence des groupes d’entreprises multinationales européennes dans les pays hors UE et AELE, en 2020

En 2020, l’EGR a enregistré environ 17 300 groupes d’entreprises multinationaux contrôlés par des pays de l’UE et de l’AELE ayant des unités légales situées dans des pays tiers.

  • 51 % de ces groupes d’entreprises multinationales avaient au moins une unité légale aux États-Unis
  • 21 % d’entre eux opéraient au Royaume-Uni.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

IX –  RALENTISSEMENT DE LA MONDIALISATION DEPUIS 2009

La crise économique et financière récente a eu un impact très fort sur le commerce mondial : en 2009, alors que le PIB mondial diminuait d’environ 2 %, le volume des échanges de biens et services a chuté de plus de 10 %. Un fort rebond a suivi en 2010, avec une croissance de presque 13 % du commerce, quand le PIB mondial augmentait de 4,1 %. Les échanges commerciaux sont en général deux à trois fois plus volatils que le PIB; Enfin, lors d’une crise financière aiguë comme celle de 2008-2009, la restriction des crédits commerciaux ou la détérioration des garanties (plus indispensables encore aux exportations qu’aux transactions nationales) limitent les échanges internationaux ; ce facteur a indéniablement joué au cours de la crise de 2009.

Il y a plusieurs raisons à ce ralentissement de la mondialisation voire à ce coup d’arrêt qui s’est opéré en dexux temps : crise financière de 2009 puis crise du Covid et guerre en Ukraine (et ce n’est plus vraiment un phénomène conjoncturel – volatil) si il n’y avait qu’une seule crise :

  • Tout d’abord la Chine se retire en partie du marché mondial : la transformation y a bien été spectaculaire. En 2001, elle était la 7e puissance mondiale avec un PIB de 1 300 milliards de dollars. Elle est en 2019 la 2e avec un PIB de 14 700 milliards de dollars (voir page Le PIB). On a vu l’importance de la Chine dans le commerce mondial. En tenant compte du commerce intra-UE,les exportations chinoises pèsent 15 % du total mondial en 2019, contre 4,3 % en 2001. Ses importations représentaient 3,8 % du total mondial en 2001 et 11 % en 2019. Toutefois, les exportations sont loin d’être le seul moteur de l’économie chinoise qui repose davantage sur l’investissement et la consommation. Elles ne ne pèsent en 20232 que 17 % du PIB. Le chiffre était de 21 % en 2000. Il a culminé à 36 % en 2006. Durant les deux dernières décennies, l’État chinois a fait un énorme effort d’équipement, construisant par exemple des autoroutes au rythme de 10 000 km par an. Le pays a vu la consommation intérieure exploser avec l’essor d’une nouvelle classe moyenne urbaine. Ainsi, en 2000, on s’étonnait de voir que, pour la première fois, plus d’un million de ménages chinois avaient acheté une automobile, un chiffre deux fois plus élevé que l’année précédente. En 2020, 25 millions de véhicules neufs ont été vendus en Chine, ce qui en fait le premier marché automobile mondial.
  • Par un effet de structure : le commerce est en grande partie composé de biens manufacturés dont la demande est plus cyclique que celle des services et des produits agricoles. Les investissements, qui comprennent une proportion élevée d’importations, sont plus volatils que le reste de la demande.  Les biens intermédiaires et biens d’équipement, moteur de la mondialisation, croissent moins vite et surtout s’échangent moins vite avec la répétition des chocs finaciers, de l »pidémie de 2020 et de la guerre en Ukraine.
  • Les relocalisations vers des pays proches, dans la même zone, explosent comme par exmeple dans els pays de l’est de l’UE à salaires plus bas. En France, il y a aussi des relocalisations mais elles créent peu d’emplois, s’appuyant davantage sur des investissements matériels.
  • Des  pays comme l’Allemagne ou l’Italie qui s’appuyaient sur le gaz pas cher de Russie et sur le marché chinois (autombile, autres biens) ne peuvent plus le faire comme avant.
  • Partout apparaissent de petites crispations protectionnistes  (relèvement des droits de douanes). Déjà, en 2016, la mondialisation faisait l’objet de critiques. Avec l’élection de Donald Trump, le conflit est devenu ouvert. Le président n’a cessé de dépeindre la Chine en rival déloyal et d’ajouter des sanctions commerciales pour freiner les échanges. Il a également marginalisé l’OMC, coupable à ses yeux de n’avoir pas su sévir contre la Chine.

 

Les chocs successifs entre 2020 et 2022

 

 

 

 

1/ Le commerce mondial

Sauf précision, les données sont issues ici de l’OMC en milliards de dollars courants contrairement aux données du résumé issues de la CNUCED, en volumes chaînés. On y ajoute quelques graphiques pour la France.

De 1970 à 2022, le volume du commerce mondial a augmenté de 4,8% par an, tandis que le volume du PIB mondial a cru de 3,1% par an.

  • Depuis 1970 jusqu’à la crise financière de 2008, le taux de croissance du commerce mondial est systématiquement supérieur au taux de croissance du PIB mondial (graphique 1).
  • Mais les taux de croissance du commerce mondial et du PIB mondial sont quasiment identiques depuis la crise de 2008 ; la mondialisation semble avoir atteint un palier (graphique 2).
  • Le commerce mondial se replie fortement en cas de crise, sa décélération est même plus rapide que celle du PIB mondial (graphique 3).

Les échanges mondiaux, qu’ils soient vus du côté des importations ou des exportations, s’opèrent surtout entre 3 pôles principaux : l’Europe (pour l’essentiel l’Union Européenne), la zone asiatique et l’Amérique du Nord. L’Asie montre un excédent des exportations sur les importations tandis que l’inverse se produit pour l’Amérique du Nord. L’Europe, dans son ensemble, ne connaît pas un déséquilibre aussi marqué que les deux autres pôles.

Tableau-24-mondialisation-graphique(1)

Évolution des exportations et du PIB mondial base 100 en 1970 en % ($ US constants de 2015)

Part des exportations mondiales dans le PIB mondial en % ($ US constants de 2015)

 

Taux de croissance annuel des exportations mondiales et du PIB mondial en % ($ US constants de 2010)

 

 

En France, les  représentaient 13,1 % de la demande intérieure en 1960 contre 37,6 % en 2022. Sur la même période, les  sont passées de 14,8 % du PIB français à 34,7 %.

Part des exports dans la production nationale et part des imports dans la demande intérieure hors stock en %

 

La partie de la demande intérieure satisfaite par les importations est la plus importante pour les produits de l’industrie, suivis par ceux de l’agriculture, sylviculture, pêche puis ceux des services principalement marchands. Entre le milieu des années 1960 et 2022, cette part a le plus augmenté pour les produits industriels puisqu’elle a été multipliée par 4,4, alors que pour les services marchands elle a été multipliée par 2,0 et pour les produits agricoles elle a été multipliée par 1,7.

La part exportée de la  nationale concerne en premier lieu les produits de l’industrie, suivis par ceux de l’agriculture, sylviculture, pêche et enfin ceux des services principalement marchands. Entre le milieu des années 1960 et 2022, cette part a le plus progressé pour les produits agricoles pour lesquels elle a été multipliée par 4,1, suivie par les produits industriels (multipliée par 3,9) puis par les services marchands (multipliée par 2,3).

Part des importations dans la demande intérieure hors stocks par produit en %

Part des exportations dans la production nationale par produit en % de la production nationale

 

Contrecoup de la crise financière de 2008, les échanges internationaux ont ainsi fortement reculé dès 2009. Toutefois, l’année 2017 s’est déroulée sous de meilleurs auspices, le commerce mondial de marchandises enregistrant sa plus forte hausse en six ans (+ 4,7 %) suivie de de + 4,4 % en 2018 et (+ 4 %) en 2019. Pourtant, les échanges n’ont jamais retrouvé leur dynamisme d’avant la crise, à savoir + 4,8 % en moyenne dans les années 1990. De 2009 à 2020, les exportations mondiales ont progressé de +3% par an contre +2,5% pour le PIB mondial.

La pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse du commerce des marchandises (parfois dénommés « biens« ) de 8 % et le commerce des services commerciaux sous-traitant de 21% en glissement annuel en 2020. L’effet de COVID-19 sur les biens et services a différé,  avec des services plus durement touchés. Les services ont diminué de 30 % au deuxième trimestre 2020 par rapport à une baisse de 23 pour cent pour les marchandises au cours de la même période. Tandis que les confinements ont entraîné l’annulation de vols, de séjours à l’étranger,  repas au restaurant et activités culturelles/récréatives,  la demande de biens essentiels s’est maintenue dans toutes les grandes économies.  Contrairement aux biens, les services ne peuvent pas être stockés, ce qui signifie que la plupart des pertes de revenus sont susceptibles d’être permanentes.

Du coup la part du commerce des biens est remontée de 2016 à 2020, passant de 76% à 78% (mais 75,5% en 2019) contre 80% en 2006.  En 2020, ce ratio est quasiment le même qu’en 2009 (premier graphique). Une différence avec la crise de 2009, c’est que cette fois les échanges mondiaux de service sont plus affectés que ceux des biens (second graphique).

Part du commerce des marchandises (biens) dans le commerce mondial en %

Commerce mondial de biens et services entre 2008 et 2020 en taux de croissance annuelle

 

a) Les marchandises

Les exportations de produits agricoles ont augmenté en moyenne de 2,7 % par an de 2006 à 2020. En revanche, les exportations de produits combustibles et miniers ont baissé en valeur, principalement en raison de la diminution de leurs prix (- 16,5 % par exemple sur la seule année 2016) et de l’appréciation du dollar américain, ce qui a permis d’acheter les mêmes quantités de marchandises avec moins d’unités monétaires. Les exportations mondiales de produits manufacturés sont passées de 8 267 milliards de dollars en 2006 à près de 12 000 milliards en 2020, soit un léger recul par rapport à 2014. Et quant à la croissance observée en entre 2009 et 2020, c’est un chiffre bien inférieur au taux de croissance annuel moyen de 4,7 % enregistré depuis 1980. En résumé, la crise financière de 2009 a fortement ralenti les échanges de marchandises, et, même s’ils paraissent retrouver un certain dynamisme entre  2017 et 2019, ils sont encore loin des niveaux de croissance d’avant la crise : +3% par an entre 2009 et 2020.

Depuis 2012, les échanges internationaux évoluent de façon moins heurtée, mais n’ont pas, pour autant, retrouvé leur tendance d’avant-crise. Étant donné la baisse du prix moyen des biens et services échangés, la valeur en dollars courants des échanges mondiaux a quasiment stagné au cours de ces trois dernières années.

Tableau 26 commerce mondial de marchandises source OMC

Commerce mondial de marchandises par groupes de produits entre 2006 et 2020 en  milliards de dollars

Les exportations mondiales de produits manufacturés ont diminué de 5,2 % en 2020, tandis que les exportations totales de marchandises ont diminué de 7,7 pour cent au total. Les combustibles et produits miniers diminué de 23,9 % en 2020, en raison d’une forte baisse d’énergie prix et une baisse de la demande. Les exportations de produits agricoles produits ont augmenté de 0,9 %t en 2020 autant de pays dépendait des exportations alimentaires pendant la crise du COVID-19. 

En raison de la demande de protection équipement personnel, exportations mondiales des textiles a augmenté le plus parmi les produits manufacturés en 2020, en croissance de 16,0 pour cent. Les exportations de produits automobiles ont souffert des perturbations des chaînes de production et de la faible demande en 2020, en baisse de 16,4 %.

Exportations mondiales de marchandises de produits manufacturés entre 2019 et 2020,  (en volume en %)

Toutes les régions ont enregistré des baisses du commerce des marchandises en 2020. Le commerce en termes nominaux en dollars des États-Unis a chuté plus fortement que le commerce des termes de volume. L’impact de la pandémie sur le commerce des marchandises a différé d’une région à l’autre.

Commerce mondial de marchandises par région, entre 2019 et 2020 (Variation annuelle en %)

 

 

b) Les services

Portés par le développement du numérique et l’accélération des technologies de l’information et de la communication (TIC), les échanges de services commerciaux ont augmenté depuis dix ans : les exportations sont ainsi passées de 2 900 milliards de dollars en 2006 à 4 800 milliards en 2020 (6000 milliards en 2019). Mais la progression du commerce mondial de services s’est considérablement réduite, comparée aux deux décennies précédant la crise de 2008. En 2015, il a même reculé de 5,5 % par rapport à 2014, et il n’a crû que de 0,1 % en 2016. L’OMC justifie ce repli essentiellement par l’appréciation du dollar, qui aurait pesé sur les échanges. Entre 2014 et 2020, les exportations de services ont dimuné de -1% par an.Dans le détail,  on constate que le recul a touché surtout les voyages (-12,5% par an) les exportations de services de transport (- -1,3% par an) . Les autre services et les ervices liés aux biens ont eux en recanche progressé resopectivement de +2,4% et 0,4%.

Tableau 27 commerce mondial de services source OMC

Commerce mondial de services par groupes de produits entre 2006 et 2020 en  milliards de dollars

 

Les voyages et les transports ont été les plus durement touchés par COVID-19 et les restrictions de voyage associées. Les dépenses des voyageurs internationaux ont diminué de 81 pour cent et les transports de 29 pour % au deuxième trimestre de 2020. La baisse des transports a été similaire à la baisse de la crise financière de 2009. Cependant, contrairement à 2009, la baisse du commerce des services de transport a été principalement expliquée par des restrictions au transport de passagers et une baisse de la demande de transport international des voyageurs plutôt que par de fortes baisses du transport de marchandises.

Commerce mondial des services commerciaux par secteurs, trimestriel, 2008-2020, Variation en pourcentage d’une année sur l’autre

Valeur du commerce des voyages de 2016 à 2020 en milliards de dollars

D’autres services commerciaux ont été touchés de manière inégale par la pandémie. Les secteurs nécessitant une proximité physique, comme le bâtiment,  et les services personnels, culturels et récréatifs, ont fortement chuté. Les services financiers, en revanche, ont continué de croître. Les services informatiques, les plus dynamiques secteur des services au cours des 10 dernières années,augmenté de 8 % en 2020,  par une évolution vers le télétravail et numérisation accrue. Avec des projets de construction retardés ou reporté dans de nombreux pays en raison de la pandémie, exportations mondiales de construction ont baissé de 18 % en 2020. La part des transports et des déplacements dans le commerce total des services est passé de 43 % en 2019 à 31 % en 2020. Les Autres services commerciaux – y compris les services financiers, services juridiques,  services informatiques et professionnels – ont augmenté leur part de 54 % à 66 %.

Exportations d’autres services commerciaux par sous-secteur, entre 2019 et 2020 (Variation en %)

 

 

 

 

 

2/ Une nouvelle ère pour les chaînes de valeur mondiales à partir de 2009

Bien que l’ensemble des économies semble avoir surmonté la crise financière et économique de 2008-2009, les échanges commerciaux n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant-crise. On considère plutôt que cela traduit l’entrée du commerce mondial dans une nouvelle phase. « Ce ralentissement est avant tout un retour à la normale après une période d’expansion qui a vu les exportations mondiales passer d’environ 18 % du produit intérieur brut mondial en 1993 à 28 % en 2008 mais 30% en 2018. Une telle augmentation n’a rien de naturel, et la théorie économique ne prévoit pas que les échanges commerciaux doivent croître plus rapidement que le revenu.

Cet indéniable ralentissement du commerce mondial depuis 2009, concomitant de celui des échanges interbancaires (réduits d’un tiers entre 2008 et 2016), ne doit pas faire oublier une poursuite de la mondialisation dans ses autres aspects. Les inégalités dues à la globalisation de la finance et de l’économie continuent à augmenter, et ne touchent plus seulement les ouvriers les moins qualifiés. L’hyper-mondialisation s’est recomposée : les entreprises mondiales se sont redéployé (exemple des transferts des sièges sociaux  des GAFAM du numérique et autres multinationales en Irlande, aux Pays-Bas ou au Luxembourg durant toute la décennie 2010); la rhétorique protectionniste est clamée haut et fort durant la décennie 2010, mais les effets de la globalisation continuent de s’approfondir.

Alors qu’avant la crise de 2008, la hausse du commerce mondial était exacerbée par celle du produit intérieur brut (PIB) mondial avec, durant les années 1990 notamment, des échanges qui augmentaient trois fois plus vite que la croissance économique, le ratio croissance du commerce/croissance du PIB paraît revenir à un certain équilibre. « Entre 2009 et 2020, le ratio de la croissance du commerce à celle du PIB a diminué, tombant à environ 1,005 à la suite de la crise financière. Cela contraste avec le fait que la croissance du commerce a été en moyenne 1,5 fois supérieure à celle du PIB mondial depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le ralentissement du commerce mondial puise principalement ses racines dans des facteurs structurels et non pas conjoncturels, comme la forte contraction d’après-crise de 2008 aurait pu le laisser penser.

 

 

 

a) Un rythme de croissance en deçà de celui d’avant-crise 2008-2009

La première explication au ralentissement du commerce mondial tient à l’atonie de la croissance du PIB. Il s’agit naturellement d’un déterminant de première importance, mais le ralentissement du PIB est moins marqué que celui du commerce. La croissance du PIB mondial, de 2,4 % à 2,6 % entre 2012 et 2014, diffère assez peu de sa moyenne sur la période 1995-2008 (3,1 %). Il en va tout autrement des échanges mondiaux de biens et services, dont la croissance en volume n’a pas dépassé 3,5 % entre 2012 et 2019, contre 6,9 % en moyenne au cours des années 1995-2008. Alors que la croissance du commerce mondial était deux fois plus élevée que celle du PIB avant la crise de 2009, elle peine à la dépasser ; la progression du seul commerce de marchandises est même moins élevée que celle du PIB en 2012 et 2013, et à peine égale en 2014. La faiblesse mondiale de l’investissement peut constituer l’une des explications de la baisse de l’élasticité du commerce à la croissance. Cependant, il ne semble pas que les changements intervenus dans la composition de la demande aient joué un rôle déterminant dans l’évolution de cette élasticité : pas plus la hausse de la part de l’investissement dans les années 2000, avant la crise, que sa baisse ultérieure. Mais La faiblesse de la demande mondiale n’expliquerait en réalité qu’un tiers du ralentissement observé.

Le commerce de la Chine, compte tenu de son poids et des transformations importantes qu’il a connues récemment, a joué un rôle important dans l’évolution globale. Mais, hors commerce chinois, l’évolution du taux d’ouverture mondial rompt aussi avec la tendance d’avant-crise.

 

 

 

b) Les enseignements du modèle de gravité

Le modèle de gravité identifie trois déterminants principaux de la valeur des échanges : les facteurs d’offre, identifiés à la valeur ajoutée industrielle ; ceux de demande, mesurés par le PIB ; l’existence éventuelle d’un accord commercial.

Les estimations du CEPII, réalisées sur la période précédant la crise (1995-2008), montrent qu’à une croissance de 1 % du PIB des pays partenaires était associée, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de la valeur de leurs échanges commerciaux de 1,4 % à court terme et de 1,7 % à long terme : voir [3]. Ces estimations peuvent être utilisées pour évaluer ce qu’auraient été, à relation inchangée entre le commerce et ses déterminants, les échanges après la crise compte tenu de la croissance économique des différents pays et de l’éventuelle entrée en vigueur de nouveaux accords commerciaux. Les résultats obtenus sont nettement supérieurs aux valeurs observées : alors que l’extrapolation du modèle estimé avant crise laissait attendre une croissance de 8 % par an en 2012 et 2013, la valeur en dollars du commerce mondial a stagné.

S’agissant de la zone Euro, le commerce intra-européen en volume n’a progressé entre 2012 et 2014 que de 0,4 % par an en moyenne. Exclure le commerce intra-européen rehausse de quelques dixièmes de pourcentage le chiffre moyen de croissance du commerce mondial, de 3,5 % à 3,8 %. Ce dernier chiffre reste sensiblement inférieur à la moyenne de 7,2 % de la période précédant la crise.  CEPII)». Pour la zone euro, dont la croissance du commerce extérieur (y compris intra-zone) a été faible, et même fortement négative en 2012, la faiblesse de l’écart entre l’évolution du commerce et celle qui était prédit peut étonner. Ce résultat montre que l’atonie du commerce s’explique essentiellement par la faiblesse de la croissance et non par un problème spécifique aux échanges (graphique suivant).

Tel n’est pas le cas aux États-Unis, au Japon, en Corée et surtout en Chine : pour ces quatre pays, la valeur du commerce observée est très en deçà de ce que laissaient attendre les évolutions de leur croissance et les comportements passés. Le phénomène est particulièrement marqué pour la Chine, où la croissance du commerce en valeur est inférieure de 13 points de pourcentage en 2012 et 2013 à celle prédite. Avant la crise, la Chine se démarquait par l’exceptionnel dynamisme de son commerce, dont la croissance excédait largement les valeurs prédites par le modèle.  Le coup d’arrêt à la progression du taux d’ouverture mondial – il s’établit autour de 29 % depuis 2011 – pourrait donc ne pas être un simple creux conjoncturel. Peut-être annonce-t-il un changement de tendance.

 

Niveaux « prédits » et observés du taux de croissance du commerce extérieur en valeur, par pays 1998-2013

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c) Un essoufflement de la dynamique liée au fractionnement international des chaînes de valeur

On désigne par ce terme la fragmentation du processus de production en un grand nombre de tâches effectuées dans des pays différents pour tirer le meilleur parti des différences de qualifications, de technologies, de disponibilités d’intrants et de prix des facteurs. La chaîne des tâches productives, sources de valeur ajoutée, décomposée de plus en plus finement entre pays, induit des échanges internationaux croissants. Ce processus a joué un rôle central dans l’accélération du commerce mondial dans les années 1990 et 2000. Il se traduit notamment par le fait que les exportations incorporent une part croissante d’intrants, et donc de valeur ajoutée, importés. On peut ainsi distinguer, dans les exportations de chaque pays, la valeur ajoutée qui a été importée et celle produite dans le pays lui-même : stable aux environs de 15 % en moyenne mondiale dans les années 1970 et 1980, la part de la valeur ajoutée importée atteint actuellement 25 % à 30 %.

L’OCDE avance d’autres facteurs pour justifier ce ralentissement, tels que la morosité de l’investissement et la politique commerciale : la stratégie commerciale des États-Unis entre 2016 et 2020 a entrainé un retour en force du protectionnisme.

Au-delà de la faiblesse relative de la croissance et de l’atonie persistante de l’investissement, les évolutions récentes du commerce mondial pourraient provenir d’un ralentissement de la dynamique liée au fractionnement des chaînes de valeur mondiales et constituer ainsi une rupture durable. Il paraît naturel que les gains liés à l’extension internationale des chaînes de production tendent à s’amenuiser au fur et à mesure de l’avancée du processus : les arbitrages les plus profitables ont déjà été effectués, les moteurs de ce mouvement (baisse des coûts de transports et de coordination distante) sont sujets à des rendements décroissants, et les politiques économiques ne peuvent être indéfiniment rendues plus favorables à l’extraversion.

En outre, la décennie 2010 a souligné que la division internationale fine des processus productifs peut aussi être un facteur de fragilité qui, perçu comme tel, peut limiter son approfondissement. Le tremblement de terre au Japon en 2011 ou les inondations en Thaïlande au cours de la même année ont ainsi perturbé l’activité d’usines situées à l’autre bout du monde, en particulier dans l’industrie électronique.

 

 

d) Une tendance à la relocalisation ?

Un Rapport sur l’investissement dans le monde 2020 de la CNUCED fait non seulement le bilan de l’impact du Covid-19 sur les investissements directs à l’étranger (IDE), mais il regarde également bien au-delà, la transformation probable de la production internationale au cours de la prochaine décennie 2021-2030. Les années 2010 n’étaient que le calme avant la tempête. La crise causée par la pandémie Covid-19 viendrait s’ajouter aux défis existants pour le système de production internationale découlant de la nouvelle révolution industrielle (NRI), du nationalisme économique croissant et de l’impératif de durabilité. La décennie jusqu’en 2030 sera probablement une décennie de transformation pour la production internationale. Des économistes  mettent en garde contre les risques d’un renversement de la mondialisation économique et d’une réduction des effectifs sans précédent du système de production international existant.

 

Y-a-t-il une tendance à la relocalisation depuis une dizaine d’années ? Depuis la crise des subprimes, aux États-Unis, le coût salarial unitaire a augmenté, la robotisation s’est accélérée et le coût de l’énergie a baissé grâce au gaz de schiste. Tous ces paramètres conjoints, les re-localisations d’entreprises dont la production avait été délocalisées en Asie du Sud Est, en Chine ou en Afrique du Nord ont augmenté.

Ils y auraient deux raisons à cette tendance de relocalisations : d’abord, la hausse des coûts de transports, en particulier pour les entreprises pondéreuses, gourmandes en coûts de transports, comme l’industrie automobile. Ensuite, les coûts salariaux unitaires dans les pays du Sud, qui augmentent. Cela grève la compétitivité des entreprises qui s’étaient délocalisées. En 2008, le coût salarial unitaire d’un ouvrier chinois représentait 30% d’un ouvrier américain. Il représente 80% dix ans plus tard. Cependant, ces relocalisations restent minoritaires. On compterait en moyenne un cas de relocalisation pour vingt cas de délocalisation, et dans la plupart des phénomènes observés en Amérique et en Europe, il s’agit davantage d’une re-régionalisation (entreprises américaines se relocalisant au Mexique par exemple), plus près des marchés, mais pas forcément dans l’espace national.

Quatre trajectoires sont possibles  dans les années à venir.

  • La relocalisation devrait entraîner des chaînes de valeur mondiales plus courtes (moins d’intervenants) et moins fragmentées et une concentration géographique plus élevée de la valeur ajoutée (passage des chaînes de valeur mondiales aux chaînes de valeur régionales). Cette tendance affecterait principalement les industries de haute technologie à forte intensité de chaînes de valeur mondiales : la relocalisation de la production des semi-conducteurs est bien l’une des pistes envisagées par l’Europe, qui prévoit un doublement de la capacité de production du continent en semi-conducteurs d’ici à 2030. Les implications de cette trajectoire incluent une augmentation des investissements et une diminution des IDE à la recherche d’efficacité.
  • La diversification affecterait principalement les services (en hausse) et les industries manufacturières à forte intensité de chaînes de valeur mondiales. On s’attend à une possible  pression à la baisse sur le commerce mondial des biens intermédiaires, moins sur le commerce des produits finis, un passage dans certaines industries d’un investissement à grande échelle à une fabrication distribuée à plus petite échelle, et enfin un passage des investissements dans les chaînes de valeur mondiales à des investissements transfrontaliers dans les infrastructures et dans les économies vertes, motivé par l’impératif de durabilité
  • La régionalisation réduirait la longueur physique mais pas la fragmentation des chaînes d’approvisionnement. Cette trajectoire devrait affecter les industries de transformation régionales, certaines industries à forte intensité de chaînes de valeur mondiales et même le secteur primaire.
  •  Le réallocation entraînerait des chaînes de valeur mondiales plus courtes et une réorganisation des étapes de production. Cela conduira à des activités plus réparties géographiquement, mais à une valeur ajoutée plus concentrée. Il sera particulièrement pertinent pour les industries de transformation régionales.

 

 e) les transferts de technologie ne sont plus dans un sens

Entre 1995 et 2017, les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni (le G-5) ont produit trois quarts de toutes les innovations brevetées dans le monde. Les autres grands pays — notamment la Chine et la Corée — ont commencé à apporter des contributions significatives au stock mondial de connaissances ces dernières années, rejoignant ainsi les cinq grands leaders dans un certain nombre de secteurs. Même si cela indique qu’à l’avenir, ces pays seront aussi des sources importantes de nouvelles technologies, pendant la période étudiée, le G-5 a constitué la majeure partie de la frontière technologique.

Le graphique ci-dessous donne une représentation de ces liens internationaux en matière de connaissances. Deux caractéristiques apparaissent. Premièrement, tandis qu’en 1995, les États-Unis, l’Europe et le Japon dominaient les citations mondiales de brevets, la Chine et la Corée (représentées ensemble comme «autre Asie») ont de plus en plus utilisé le stock mondial de connaissances, mesuré par leurs citations de brevets. Deuxièmement, les liens en matière de connaissances se sont intensifiés en général, à la fois au sein des régions (flèches rouges) et entre les régions (flèches bleues). Une autre façon de mesurer à quel point les connaissances étrangères sont disponibles pour être utilisées dans le pays est de considérer l’intensité du commerce international avec les leaders technologiques.

Dès lors que les transferts de technologie sont mieux répartis dans le monde, il se peut que ceci est une influence sur l’évolution du commerce mondial. Les pays émergents n’ont plus besoin d’importer des produits en provenance des pays riches. Ils fabriquent eux-mêmes, y compris pour leur marché intérieur. La Chine a ainsi servi de locomotive au commerce mondial, avec un taux d’ouverture extraordinairement élevé. Mais un « retour à la normale » est à l’œuvre depuis 2007. Le taux d’ouverture chinois a en effet considérablement décliné : entre 2006 et 2017, d’après la Banque mondiale, la part des exportations dans son PIB a baissé de 36 % à 20%, et celle des importations de 28 % à 18 %.

 

 

 

 

 

3/ La course aux méga-zones de libre-échange

a) une économie mondiale devenue multipolaire

La caractéristique principale qui définit la phase actuelle, c’est que nous sommes dans une économie mondiale devenue multipolaire. Aujourd’hui, loin d’être parvenu à un idéal de libre-échange dans lequel chaque pays appliquerait à tous les mêmes conditions à l’importation et à l’exportation, le commerce mondial est essentiellement un commerce régional. En 2018, selon l’OMC, 287 accords commerciaux régionaux (ACR) sont ainsi en vigueur dans le monde, soit autant de partenariats qui édictent des règles d’échanges commerciaux plus favorables au sein d’un groupe de nations qu’avec le reste du monde

Échanger davantage de marchandises et de services avec ses pays voisins qu’avec les autres États est une pratique qui a quasiment toujours existé. Mais, alors que la création de l’OMC, en 1995, devait favoriser l’émergence d’un commerce multilatéral dans lequel tous les États auraient les mêmes chances d’accéder au marché intérieur des pays membres, cet objectif est aujourd’hui loin d’être atteint. La concentration des échanges entre grandes zones de libre-échange monte en puissance depuis dix ans. Trois blocs majeurs se distinguent : le pôle américain (piloté par les États-Unis), le pôle européen (dominé par l’Allemagne) et le pôle Asie (où se concurrencent le Japon et la Chine). Plusieurs zones de libre-échange avaient été créées avant la crise de 2009, dont : l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en 1967, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 1975, le Marché commun du Sud (MERCOSUR, regroupant plusieurs pays d’Amérique du Sud) en 1991, l’Union européenne (instituée en 1992 par le traité de Maastricht mais dont le marché commun est établi dès 1986 par l’Acte unique européen) et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), signé en 1994 par les États-Unis, le Canada et le Mexique. Plusieurs autres accords ont vu le jour récemment. Ainsi, l’UE s’est associée avec le Canada en concluant en octobre 2016 l’Accord économique et commercial global et avec le Japon par la signature, en juillet 2018, de l’Accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne pour contrecarrer l’hégémonie des États-Unis. Ces derniers, ils ont cherché à étendre leur zone d’influence dans le Pacifique avec l’Accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership Agreement – TPP),. Ces accords ne sont pas complétemennt rentés en vigueur car les pays concernés n’arrivent pas à s’entendre sur tous les points, ce qui prouve une nouvelle fois que la souveraineté des nations demeure omniprésente dans le commerce mondial.

Dès le 1er janvier 2022, le bloc appelé RCEP, qui comprend notamment la Chine, le Japon, l’Australie et la Corée du Sud, représente à lui seul le tiers du produit intérieur brut de la planète et le tiers de la population mondiale. L’Asie fait un pas important vers son intégration économique et commerciale. Le Partenariat régional économique global (Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP), négocié depuis 2011 et qui entre en vigueur ce 1er janvier 2022, devrait donner naissance à la plus vaste zone de libre-échange du monde après un abaissement progressif des droits de douane étalé sur vingt ans. Ce nouveau bloc, qui comprend notamment la Chine, le Japon, l’Australie et la Corée du Sud, représente à lui seul le tiers du produit intérieur brut (PIB) de la planète et le tiers de la population mondiale. Les baisses de tarifs vont surtout concerner l’industrie manufacturière, moteur de la croissance régionale, davantage que les services ou l’agriculture, un secteur encore très sensible politiquement et qui fait vivre de nombreux habitants. Cet accord pourrait augmenter de 0,2 % le PIB de ses pays signataires, en particulier celui du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud. C’est la première fois qu’un traité commercial aussi ambitieux lie ces trois pays. Certains économistes qualifient le RCEP d’« accord de libre-échange entre la Chine et le Japon », étant donné les gains importants enregistrés par ces deux économies.

Exportations de marchandises dans le cadre des accords commerciaux régionaux (ACR) par destination en 2015 part en % du commerce mondial (Source: OMC, L’examen statistique du commerce mondial 2017)

 

Soulignant l’intensification des liens économiques bilatéraux, le commerce entre la Chine et la Russie, est ainsi au beau fixe en 2022-2023, puisque les deux pays voisins ont réalisé en juillet 2023 pour 20,5 milliards de dollars d’échanges commerciaux, selon les Douanes chinoises, soit leur niveau le plus haut depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Les importations chinoises en provenance de Russie représentaient 11,3 milliards de dollars.

Dans le même temps, les exportations vers la Russie ont connu en mai 2023 leur plus forte accélération depuis le début de l’invasion (+75,6% sur un an). Le détail des produits importés et exportés ne devrait être annoncé que dans quelques jours. Anciens rivaux durant la Guerre froide, la Chine et la Russie renforcent leurs relations diplomatiques, commerciales et militaires depuis une dizaine d’années. Le commerce avec la Russie n’est toutefois pas représentatif des difficultés que traverse le géant asiatique en 2023.

 

 

 

b) Un retour du protectionnisme ?

À l’instar des crises passées et notamment de la Grande dépression, la crise actuelle a ravivé les tentations protectionnistes. L’OMC a récemment dénoncé la multiplication de barrières tarifaires mais surtout non tarifaires – normes, manipulation des taux de change ou encore subventions à la production susceptibles de conduire à une contraction de l’activité mondiale de l’ordre de 800 milliards de dollars.

Si la libéralisation des échanges a emporté la conviction de nombre d’économistes quant à ses effets sur la croissance et le développement économiques au cours des dernières décennies, d’aucuns font aujourd’hui le constat des effets destructeurs d’une mondialisation débridée, dépourvue de toute régulation commerciale et financière. Certains vont jusqu’à prôner le patriotisme économique, voire la démondialisation, pour que s’infléchisse le mouvement de désindustrialisation observé dans les pays occidentaux et que soit contré le dumping social et environnemental pratiqué par les pays émergents, afin de restaurer l’équilibre macroéconomique mondial.

Les  États-Unis ont en effet annoncé, le 1er juin 2018, l’application de taxes douanières supplémentaires sur l’acier (25 %) et l’aluminium (10 %) en provenance de l’Union européenne (mais aussi du Canada et du Mexique). En représailles, l’UE a décidé de taxer à son tour 180 produits importés des États-Unis en Europe, selon une fourchette oscillant entre 10 % et 50 % (règlement d’exécution UE 2018/886 de la Commission du 20 juin 2018). Le Mexique, le Canada et la Chine, également ciblés par la politique douanière des États-Unis, entendaient chacun y riposter. On peut donc redouter une escalade des mesures protectionnistes qui risque de freiner davantage les échanges multilatéraux au profit d’échanges internes à des zones d’entente régionale, si tant est que des partenariats de ce type puissent se conclure. Plus généralement, les pays du Groupe des Vingt (G20), qui sont les principaux moteurs du commerce mondial, ont pris depuis le début de la crise de 2009 plus de 3 500 mesures ayant un impact négatif sur les échanges internationaux ; la plupart d’entre elles sont encore en vigueur aujourd’hui. Il s’agit de mesures qui influent directement sur le volume des échanges – par exemple, l’instauration de quotas ou la hausse des tarifs douaniers sur certains produits – ou de mesures plus indirectes comme la mise en place de subventions favorisant certains exportateurs au détriment d’autres.

Pour combattre ces politiques commerciales peu favorables, l’OMC a tenté d’assouplir ses règles grâce à de nouvelles mesures destinées à faciliter les échanges en réduisant ou en supprimant les droits de douane et en simplifiant les procédures douanières notamment. Ces mesures étaient plus nombreuses que les mesures restrictives adoptées sur la même période.

Dans un tel contexte, l’échec du cycle des négociations de Doha (2001) pose la question de la mise en place de nouvelles règles du jeu commerciales au niveau mondial mais aussi régional. En effet, quid des espaces régionaux, tels l’Union européenne ou encore le Mercosur, au sein desquels la tentation protectionniste est plus que jamais présente, non seulement vis à vis de l’extérieur mais aussi au sein même de ces zones ? Comment passer du libre-échange au « juste-échange » conditionné au respect de critères sociaux (travail décent) et environnementaux notamment ?

 

 

 

c) Des normes qui freinent les échanges

La création de grandes zones de libre-échange dynamise les échanges, mais remplit aussi une fonction essentielle que l’OMC n’est pas parvenue à assurer : elle uniformise les normes sur l’importation et l’exportation des produits et services au sein de ces zones. Or, cette question s’avère cruciale à l’heure où la Chine, premier exportateur mondial, applique des normes plus laxistes que l’Europe et les États-Unis, par exemple. Il n’est alors pas étonnant que les pays qui se retrouvent lésés par des normes trop exigeantes choisissent de s’allier pour s’opposer aux exportations des pays moins regardants. L’établissement de normes mondiales permettrait d’éviter cette course à la création de grands blocs. L’OMC pourrait peut-être remplir cette fonction si elle parvenait à sortir de sa paralysie. Mais « aboutir à zéro différence de normes entre tous les pays est un processus extrêmement long et complexe, à la fois pour des raisons techniques et politiques », a rappelé Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC.

 

4/ Les analyses récentes sur les CVM

Avec les crises depuis 2020, on a développé des concepts sur les risques associés aux ruptures dans les CVM . Il y aurait un parallélisme entre les concepts liés à la mesure des CVM et ceux qui cherchent à mesurer ces risques (voir https://www.researchgate.net/publication/373999202_Mesures_de_la_dependance_et_de_la_vulnerabilite_des_approvisionnements_dans_les_chaines_de_valeur_mondiale).

  • Concepts liés à la mesure des CVM : exposition, participation, positionnement, longueur des CVM, dépendances, délocalisations, relocalisations, découplage, etc.
  • Mesures des risques associés aux ruptures dans les CVM : dépendances, vulnérabilités, fragilités, résilience, propagation des chocs, criticités…

Ces concepts et mesures peuvent être déclinés selon les différentes approches macro ou micro-économiques.

 

a) Exposition des CVM

Dans quelle mesure les entreprises sont-elles exposées aux chocs de la CVM ? C’est la question des CVM « risquées » : on s’appuie sur

  • des flux commerciaux bruts (Gross Trade, GT) au « commerce en valeur ajoutée »
    (Value Added-Trade, VT)
  • des indicateurs directs :
    • rapport des importations d’un pays en pourcentage du PIB
    • intrants intermédiaires importés (« Importer pour produire »)

 

b) Participation aux CVM

Une question importante soulevée sur les CVM est de savoir dans quelle mesure les différents pays et secteurs sont impliqués dans les réseaux de production internationaux. Et plus généralement quelle est la fragmentation de la chaîne de production, les différents stades de production étant situés dans différents pays ? Le tableau suivant définit plusieurs critères comme par exemple le type de produit (fini, intermédaire, ou d’investissement) (voir chapitre 1) pour savoir dans quelle mesure l’entreprise est tributaire des CVM.

Critères de participation aux chaînes de valeur mondiales

 

 

c) Mesures de la participation à partir des TES

Différentes méthodologies ont été déployées afin de décortiquer les différentes parts de la valeur ajoutée incorporée dans les exportations brutes des pays et ainsi identifier la participation des pays aux CVM. Dans le passé, des indicateurs simples sont devenus inadaptés : parts de marché, composition géographique des importations et des exportations, balances commerciales bilatérales, indices sectoriels de spécialisation, etc.

D’où la nécessité de nouvelles mesures de participation aux CVM : part des intrants importés dans la production brute, les intrants totaux ou les exportations, mais ces mesures sont insuffisantes pour évaluer dans quelle mesure les produits intermédiaires importés sont utilisés dans les exportations d’un pays par opposition à la production nationale.

Il convient de sistinguer entre « participation en amont » / « participation en aval » et « participation amont » / « participation aval ». − la littérature a massivement adopté l’approche consistant à considérer que la valeur ajoutée doit traverser au moins deux frontières pour que cela puisse être considéré comme une participation aux CVM.

 

  • 1ère définition : « participation en amont » / « participation en aval »
    • elle fait référence à la position des activités au niveau de la chaîne de valeur,
    • la « participation en amont » désigne les activités situées aux premières étapes de la chaîne telles que la conception, la R&D et la production de matières premières et de produits intermédiaires,
    • la « participation en aval » qui désigne les activités situées aux dernières étapes de la chaîne telles que la commercialisation et les services après-vente.
  • 2ème définition « participation amont » / « participation aval »
    •  elle fait référence à la mesure statistique de la participation aux CVM,
    •  les termes amont et aval informent sur la nature de la valeur ajoutée,
    • la « participation aval » mesure le contenu en valeur ajoutée domestique des exportations des pays tiers
    • la « participation amont » quant à elle, est mesurée à partir du contenu en valeur ajoutée étrangère dans les exportations domestiques. Elle correspond à la part de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations brutes d’un pays.

 

 

d) Longueur géographique des CVM (TES)

On distingue :
− le nombre d’étapes de production utilisées dans chaque produit (secteur),
− le ombre moyen d’étapes entre la production et la consommation finale,
− la ongueur de propagation moyenne (Average Propagation Length, APL) depuis les producteurs initiaux d’intrants intermédiaires d’une industrie donnée et la longueur de la chaîne de propagation jusqu’à la demande finale.

 

e) Fragilités du commerce mondial : analyse des réseaux (approche par les produits)

Les trois composantes de la fragilité des produits (Product Fragility) sont :

  • La présence d’acteurs centraux dans le réseau des biens échangés (Central Players),
  • Outdegree Centrality (Centralité de degré sortante),
  • La tendance au regroupement (Tendency to Cluster) : tendance des groupes de pays à se regrouper, c’est à dire à commercer davantage entre eux qu’avec le reste du monde pur réduite le risque de contagion.

Il faut tenir compte de  la substituabilité internationale des produits. La méthodologie classe un produit comme risqué s’il obtient un score élevé dans chacune des trois composantes décrites (Overall Product Fragility).

f) Résilience

De nombreuses définitions, multi-domaines de la résilience dans les CVM ont été données  : « c’est la capacité d’adaptation des chaînes d’approvisionnement à se préparer à des événements inattendus, à réagir aux perturbations et à s’en remettre en maintenant la continuité des opérations au niveau souhaité de connectivité et de contrôle de la structure et de la fonction ». La résilience dans les CVM n’est pas synonyme de robustesse : La résilience peut être définie comme la capacité de revenir à des opérations normales sur une période de temps acceptable, après une perturbation. La robustess, elle, est « la capacité à maintenir les opérations pendant une crise. »

 

g) La criticité

La criticité des matières premières est le domaine d’étude qui évalue la dépendance économique et technique à l’égard d’un certain matériau / minerai / métal, ainsi que la probabilité de ruptures d’approvisionnement, pour un groupe de parties prenantes défini dans un certain laps de temps. Les évaluations de criticité sont menées à différents niveaux : pour un produit spécifique, une technologie, une entreprise, voire à l’échelle mondiale. La criticité d’une matière première peut être considérée à court terme ou à long terme. Les méthodes de criticité utilisent une vaste sélection d’indicateurs pour décrire divers facteurs : géologiques, technologiques, géopolitiques, sociaux et environnementaux.

 

 

 

 

 

X –  QUELQUES RÉSULTATS SUR LES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES

 

1/ les chaines de valeur mondiales de 66 pays

On reprend ici les nombreux travaux de l’OCDE publiés d’abord dans une étude en 2019. La mise à jour 2023 de la base de données des échanges de valeur ajoutée (TiVA) de l’OCDE fournit toutefois une nouvelle série d’indicateurs pour mieux comprendre les CVM [10]. La mise à jour couvre 66 économies, dont tous les pays de l’OCDE, de l’Union européenne (UE) et du G20 ainsi qu’un nombre important d’économies d’Asie de l’Est et du Sud-Est, pour les années 1995 à 2020. Elle couvre 45 activités économiques et agrégats connexes et est basée sur les dernières données d’entrées-sorties inter-pays (ICIO) sous-jacente disponibles avec un certain délai (ici 2020). Or l’année 2020 est celle du Covid. La production dans tous les pays et les échanges mondiaux se sont effondrés.

La participation aux chaînes de valeur mondiales n’est pas la même pour tous les pays, de même que leur participation aux échanges internationaux n’est pas identique pour tous. Les pays interviennent dans les chaînes de valeur mondiales à la fois au titre d’utilisateurs d’intrants étrangers et au titre de fournisseurs de biens et services intermédiaires qui peuvent être intégrés dans les exportations des autres pays.

 

 

a) Pour un pays donné, la part de la VA dans les exportations mondiales n’est pas la même que sa part dans les exportations

« Les petites économies ouvertes comme la Belgique, le Luxembourg ou la République slovaque achètent relativement plus d’intrants à l’étranger et produisent relativement plus d’intrants qui seront utilisés dans les CVM que les grandes économies comme le Japon, les États-Unis ou l’ensemble de l’Union européenne. Dans ces économies, compte tenu de leur taille, la part locale de la chaîne de valeur est plus importante ».

« Cependant, l’indice de participation ne tient pas seulement compte du recours aux intrants étrangers (mesuré comme la part d’importations dans les exportations, ou la participation en amont), mais comptabilise également l’utilisation des intrants par des pays tiers. Ainsi, la part d’intrants étrangers dans les exportations américaines ressort à 15% environ, mais la participation des États-Unis aux chaînes de valeur mondiales atteint près de 40% dès lors que la part d’intrants intermédiaires américains dans les exportations des autres économies est prise en compte ».

« Mesurer les échanges en valeur ajoutée modifie également les balances commerciales bilatérales, alors que la balance commerciale totale reste inchangée. L’excédent commercial de la Chine avec les États-Unis en 2009 diminue ainsi de 60 milliards USD (un tiers) lorsqu’il est calculé en valeur ajoutée. Cet écart s’explique en partie par une part plus élevée d’importations de valeur ajoutée américaine dans la demande finale chinoise, mais également par le fait que pas moins d’un tiers des exportations chinoises incorporent du contenu étranger – le phénomène de « l’Asie, usine du monde ». Ainsi, une proportion importante des exportations de valeur ajoutée coréennes et japonaises transitent par la Chine avant d’atteindre les consommateurs finals d’autres pays. Cela a pour effet de réduire sensiblement les déficits commerciaux chinois avec la Corée et le Japon, mais également de gonfler les excédents commerciaux japonais et coréens avec les autres pays. De même, le déficit commercial considérable de la Corée avec le Japon chute dès lors qu’on le mesure en valeur ajoutée ».

« Les intrants intermédiaires représentent désormais la majeure partie des transactions internationales de biens et de services. Dans la plupart des économies, environ un tiers des importations de biens intermédiaires finissent en exportations. Plus l’économie est petite, plus cette part est en général importante. Pour autant, même aux États-Unis et au Japon, elle atteint respectivement 17 % et 22 % de l’économie totale, et est nettement plus élevée dans certaines industries fortement intégrées. Dans la plupart des autres pays, la part des importations intermédiaires incorporées dans les exportations est sensiblement plus importante. C’est le cas en Hongrie, où près des deux tiers des importations sont destinés au marché des exportations après transformation. En Chine et au Mexique, environ les trois quarts des importations intermédiaires totales de produits électroniques sont incorporés dans les exportations ».

 

L’OCDE publie son sur site (https://www.oecd.org/fr/sti/ind/tableauxdesentrees-sorties.htm) le tableau suivant du contenu en importations des exportations, en % des exportations totales. On observe des pourcentages très élevés dans les pays de l’Est de l’Europe (Tchéquie, Slovaquie, Hongrie). Les taux élevés au Luxembourg, en Irlande, voire aux Pays-Bas, s’expliquent par le travail à façon et autres phénomènes liés aux transferts des sièges sociaux des multinationales. Selon le critère de propriété, les entreprises installées dans ces 3 pays enregistrent des importations importantes.

Contenu en importations des exportations totales par pays entre 1995 et 2018 en % (*)Source : OCDE (*) hors importations ré-exportées

 

 

b) Signes de ralentissement dans la « fragmentation mondiale de la production » depuis la crise de 2009

Tandis que la mondialisation n’a cessé d’augmenté depuis le milieu des années 90, il y a des signes de ralentissement depuis la crise de 2009. Par exemple le contenu en valeur ajoutée importée des exportations abaissé dans de nombreux pays malgré une hausse entre 2016 et 2018. Cette dégradation a été particulièrement prononcée en Chine et dans une certaine mesure aux États-Unis. Mais ceci n’impliqaue pas que la Chine reste le premier exportateur mondial en 2022 (voir chapitre 1). Ceci traduit plutôt le fait que le marché intérieur joue un rôle prédominant en Chine depuis une quinzaine d’année.

L’augmentation de l’approvisionnement domestique en intrants intermédiaires joue un rôle. Mais il faut noter que les fluctuations des prix des produits de base (par exemple le pétrole brut) peuvent aussi avoir une influence sur ces évolutions.

Part de la valeur ajoutée de l’étranger par rapport à la valeur des exportations en %

Source: OCDE base de données TIVA

 

Plusieurs pays comme l’Argentine, le Royaume-Uni, le Japon, la Grèce, ont connu une forte augmentation de la  part de la valeur ajoutée de l’étranger par rapport à la valeur de leurs exportations entre 2000 et 2018. Quelques pays (Suisse, Irlande, Nouvelel-Zlande) ont connu une baisse.

Part de la valeur ajoutée de l’étranger par rapport à la valeur des exportations en 2000 et 2018 en %

Source: OCDE base de données TIVA

 

L’examen de trois des secteurs les plus intégrés, à savoir la fabrication d’ordinateurs, d’équipements électroniques et optiques, la fabrication de véhicules à moteur et celle de textile-habillement, révèle qu’il existe des variations importantes dans la mesure où un ralentissement de la fragmentation des CVM est observé au niveau régional. Par exemple, l’Asie a connu une légère diminution des sources d’approvisionnement intra-régionales bien que ces 3 produits ont connu un haut niveau de contenu de valeur ajoutée intra-régionale dans la demande finale. À l’inverse, il y a eu baisse des sources d’approvisionnement intra-régionales en Europe et aux États-Unis notamment pour le textile-habillement. Il en va de même pour les véhicules à moteur dans l’approvisionnement intérieur tandis que les importations en provenance d’Asie n’ont cessé d’augmenter.

 

Demande régionale de certains produits manufacturés, 2000 et 2018 par région d’origine de la valeur ajoutée en %

Source: OCDE, base de données TIVA

 

 

 

c) Les services jouent un rôle beaucoup plus important que ne l’indiquent les statistiques commerciales brutes.

La valeur créée par les services en tant qu’intrants intermédiaires représente plus de 30 % de la valeur ajoutée totale des biens manufacturés. On sait que la part de la valeur ajoutée industrielle ne cesse de diminuerdans tous les pays du fait de l’externalisation de services par l’industrie. En 2018, la valeur ajoutée des services représente entre 25% et 40% du contenu des exportations manufacturières dans la plupart des pays de l’OCDE (39% en France – voir ci-dessous). Pour un certain nombre de pays, la part étrangère de la valeur ajoutée des services est supérieure à la part nationale, un indicateur du rôle que jouent les services dans l’intégration du secteur manufacturier dans les chaînes de valeur mondiales.

Valeur ajoutée des services incorporée dans les exportations de produits manufacturés, 2018 en %

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

 

 

2/  Les chaînes de valeur mondiales en France comparées à quelques pays

Le contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations brutes estime la contribution de la valeur totale des exportations provenant de fournisseurs étrangers. Elle est souvent considérée comme une mesure des « liens en amont » dans l’analyse des chaînes de valeur mondiales. Les exportations brutes dans TIVA excluent les réexportations, c’est-à-dire que les importations qui entrent et sortent d’un pays sans aucune transformation.

Entre 2008 et 2020, le contenu étranger des exportations françaises est estimé à peu près stable à 21,8% en dessous de la moyenne de l’OCDE de 26,7% (graphique suivant). Comme au  niveau mondial, les indicateurs TIVA confirment qu’il y a eu un net ralentissement des interactions entre les chaînes de valeur mondiales depuis la crise économique de 2009, la courbe de la France évoluant comme celle de tous les pays de l’OCDE (source : https://www.oecd.org/industry/ind/CN2023_FRA.pdf)

Entre 2008 et 2020, le contenu étranger des exportations allemandes est estimé en baisse de 22,2% à 21,4%. Il passe de 17,6% à 15,3% au Royaume-Uni. Il est élevé au Danemark : 33,5% après 36,5% en 2008. Celui des exportations américaines a chuté de 12,1% à 7,5%, marquant un net repli. Celui de la Chine a diminué aussi de 22% à 15,8%. En revanche, ce contenu a nettement augmenté au Viêt-Nam, passant de 43% à 48%, bien au dessus de la moyenne de tous les pays de l’OCDE même si ce pays n’en fait pas partie, confirmant son rôle dans la mondialisation depuis 1995.

De même en Tchéquie, le ratio contine d’augmenter après 2008 de 36,7% à 37,7%, mais moins qu’avant. La croisszance est encore plus forte aux Pays-Bas : 30,2% en 2020 contre 25,3% en 2008 mais elle est presque plus forte qu’avant 2008.

 

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations en France en % des exportations totales

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations en Allemagne en % des exportations totales

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations aux Pays-Bas en % des exportations totales

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations en Tchèquie en % des exportations totales

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations aux États-Unis en % des exportations totales

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations en Chine en % des exportations totales

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations au Viêt-Nam en % des exportations totales

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

 

 

a) Le rôle de la demande finale étrangère dans la production nationale

Au total, en 2020, 19,7% de la valeur ajoutée intérieure française a été tirée par la demande finale étrangère (bien en dessous des 29,8% pour les pays membres de l’OCDE), comme en 2008. Ce pourcentage français était de presque 50% pour les biens. Par branche, les parts allaient des autres équipements de transport (84,7 %) et des produits métalliques (69,3 %) aux produits agro-alimentaires (20,3%) dans le bas de l’échelle.

 

Valeur ajoutée en France dans la demande finale étrangère en % de la VA par branche, 2000, 2008 et 2020

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

 

b) L’importance des importations pour les exportations

Les branches dont les exportations contiennent le plus de valeur ajoutée étrangère sont le coke et les produits pétroliers raffinés (62,8%), les autres équipements de transport (44,6%) et les véhicules à moteur (39,7%) (premier graphique suivant). Le commerce de gros a généré la plus grande source de contenu national en valeur ajoutée dans les exportations en 2020 (18,2%) (second graphique suivant). Il est suivi par les services aux entreprises (11,9%) et le transport-entreposage (7,9%). Le contenu étranger le plus important dans les exportations totales provient des équipements de transport (3,4%).

Contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations brutes en % des exportations brutes, par branche, 2000, 2008 et 2020

Répartition par branche du contenu en valeur ajoutée étrangère et nationale des exportations brutes, en % des exportations brutes totales, 2020 (valeur ajoutée étrangère, valeur ajoutée nationale)

Source: OCDE base de données TIVA

 

Sur le total des importations de biens et services « passées en CI » (intrants intermédiaires) de la France en 2020, 33,8% ont été indirectement incorporés dans les exportations, soit moins que la moyenne de l’OCDE (44,5%) mais à peu près comme le ratio en 2008 (34,2%). Les branches avec les plus grandes parts d’importations « intermédiaires » utilisées dans les exportations françaises étaient les autres équipements de transport (73,4%), les métaux de base (46,1%) et les véhicules à moteur (41,5%).

Intrants intermédiaires importés utilisés pour les exportations françaises, par branche-origine des importations En pourcentage des importations intermédiaires, 2000, 2008 et 2020

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

 

c) Les principaux partenaires du commerce extérieur français

L’Allemagne (10,4%), les États-Unis (7,6%) et la Chine (6,6%) étaient les principaux importateurs des produits français en 2020 en termes bruts. Les trois principales destinations finales de la valeur ajoutée (Value added in final demand dans le graphique suivant) de la France étaient les États-Unis (10,1%), l’Allemagne (9,3%) et la Chine (7,4%).

S’agissant des importations en termes bruts, l’Allemagne (15%), l’Italie (7,5%) et l’Espagne (7,4%) étaient les 3 preinipaux partenaires. Alors qu’en termes de valeur ajoutée, on trouvait l’Allemagne (14,1%), les États-Unis (8,1%) et la Chine (8,2%).

France – exportations et importations : principaux partenaires en pourcentage du total des exportations et importations brutes et à valeur ajoutée, 2020

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

d) L’importance des services dans la compétitivité de l’industrie

Les services contribuent largement à l’économie de la France, représentant 68,3 % des exportations brutes en 2020. plus que la moyenne de l’OCDE qui est de 58,9%. Les services étrangers ont contribué pour 12,3% aux exportations brutes. Les services ne sont pas seulement important en tant que tels mais aussi pour la compétitivité des produits industriels. Pour ceux-ci, le contenu en valeur ajoutée des services était de 39,8% en 2020.

Contenu des services dans les exportations brutes comme %  des exportations brutes par branche en 2020

Source: OCDE base de données TIVA

 

 

 

 

2/ Quelques explications aux dépendances des CVM selon les pays

La taille des économies, mesurée notamment par leur PIB, est une première explication, puisque les grandes économies sont généralement moins ouvertes – elles se suffisent plus facilement à elles-mêmes, pour simplifier. Les États-Unis en sont une bonne illustration. La Chine également, même si son degré de dépendance peut sembler élever au regard de sa taille, une exception qui tend d’ailleurs à s’amenuiser du fait de la baisse de sa dépendance observée au cours de la dernière décennie. L’Allemagne fait en revanche exception en comparaison de ses voisins, puisque le plus grand pays de la zone euro est aussi l’un des plus ouverts et donc des plus dépendants de l’étranger. Cela provient du poids élevé de l’industrie dans l’économie allemande, secteur plus dépendant de l’offre étrangère de produits intermédiaires que les services.

La crise sanitaire a mis en évidence la dépendance de la France vis-à-vis de l’étranger par les chaînes de valeur. Mais de quels pays la production française dépend-elle ? Avant tout de l’Union européenne, autant du côté de l’offre que de la demande  : en 2014, la part de l’Union européenne comptait pour 50 % de la dépendance de la production française à l’offre étrangère, et pour 47 % de celle à la demande.

Mais son importance relative a diminué : en 1995, la part de l’Union européenne était en effet respectivement de 58 % et 52 %. Sur cette période, la dépendance à l’égard des États-Unis n’a guère bougé. Elle s’est un peu accrue du côté de l’offre et a un peu diminué du côté de la demande, de telle sorte qu’en 2014 la part des États-Unis dans la dépendance à l’offre comme à la demande étrangère se situe autour de 10 %.

C’est vis-à-vis de la Chine et du reste du monde hors Union européenne que la dépendance de la France a le plus augmenté. La dépendance de la production française à l’égard de l’offre chinoise a pratiquement été multipliée par 10 entre 1995 et 2014 (de 0,09% à 0,85% de la production) et celle vis-à-vis de la demande par 6 (de 0,12 % à 0,72 %), ce qui a porté la part de la Chine dans la dépendance de la production française à l’offre et à la demande étrangère d’environ 1 % à environ 6 %. Certaines filières industrielles ont quasiment disparu en France beaucoup plus que dans d’autres pays de l’UE comme l’Italie (voir page Désindustrialisation par pays)

En somme, les interdépendances liées à l’insertion de la France dans les chaînes de valeur mondiales sont avant tout européennes, mais elles augmentent plus rapidement vis-à-vis de l’extérieur de l’Union.

 

 

 

4/ Emploi et chaînes de valeur mondiales

a) Indicateurs sur les Échanges en Emploi de l’OCDE

L’intégration économique croissante à l’échelle mondiale et la propagation des chaînes de valeur mondiales (CVM) augmentent la sensibilité de l’emploi dans un pays ou une région aux changements de la demande dans d’autres pays ou régions. Toutefois, les statistiques traditionnelles ne révèlent pas toute la nature des interdépendances mondiales, notamment la manière dont la consommation dans un pays peut stimuler la production et donc soutenir l’emploi dans d’autres économies, ou la manière dont l’emploi dans une industrie nationale en amont peut être affecté par les activités d’exportation d’autres industries nationales.

Les estimations de l’emploi ou de la rémunération des salariés incorporés dans la demande finale étrangère (ou dans les exportations brutes) peuvent révéler dans quelle mesure la main-d’œuvre d’un pays dépend de son intégration dans l’économie mondiale.

La base de données TiM comprend des indicateurs basés sur l’emploi et la rémunération des salariés pour plus de 50 économies (y compris tous les pays membres de l’Union européenne, de l’OCDE et du G20, ainsi que la plupart des économies d’Asie de l’Est et du Sud-Est), ainsi que des agrégats régionaux. La période couverte est 1995-2020. Des indicateurs sont disponibles pour 45 secteurs d’activité individuels, basés sur la CITI Rév.4 et présentés de manière hiérarchique. Plus d’informations sont disponibles dans le Document de travail Science, Technologie et Innovation de l’OCDE  https://www.oecd-ilibrary.org/science-and-technology/measuring-employment-in-global-value-chains_00f7d7db-en

Les indicateurs TiM sont calculés à l’aide de l’édition 2023 des tableaux entrées-sorties inter-pays (ICIO) de l’OCDE (voir http://oe.cd/icio) ainsi que des estimations récentes de l’emploi et de la rémunération des salariés par activité industrielle provenant de sources officielles.

1 – En 2020, par exemple, entre 30 % et 60 % des emplois du secteur des entreprises dans la plupart des pays européens étaient soutenus par des consommateurs sur les marchés étrangers (bien que principalement en Europe – conséquence de l’intégration économique régionale). Pour certains petits pays européens, cette part atteint plus de 60 %, un peu plus de 30% en France (graphique suivant). Au Japon et aux États-Unis, les parts sont plus faibles, reflétant leur taille relativement importante et leur moindre dépendance à l’égard des exportations/importations. Malgré cela, les estimations suggèrent qu’en 2020, le nombre d’emplois soutenus par la demande étrangère a atteint plus de 10 millions aux États-Unis et près de 9 millions au Japon.

Emploi du secteur des entreprises soutenu par la demande finale extérieure, 2020 en % de l’emploi total du secteur des entreprises (divisions de la CITI Révision 4 : 05 à 39, 41 à 43, 45 à 56, 58 à 63, 64 à 66 et 69 à 82).Source: OCDE, base de données sur les Échanges en emploi, 2023. Note: Les agrégats OCDE et UE28 tiennent compte des flux intrarégionaux; ces chiffres sont considérés comme des moyennes pondérées de leurs pays membres.

 

 

2 – Pour l’ensemble de l’économie et pas seulement pour les branches qui concernent les entreprises, la part de l’emploi national incorporé dans la demande finale étrangère augmente dans tous les pays mais selon une ampleur plus ou moins importante. Cette part est un peu plus faible en France (21,4%) qu’en Italie du fait de l’importance relative de l’emploi dans les branches des services d’administrations, de santé, et d’éducation en France.

L’emploi intérieur direct incorporé dans les exportations brutes mesure l’emploi dans l’industrie i utilisé dans la production des biens et services exportés par l’industrie i dans le pays c.

L’emploi intérieur indirect incorporé dans les exportations brutes mesure l’emploi dans d’autres industries nationales en amont (différentes de l’industrie i) dans le pays c qui est incorporé dans les exportations de l’industrie i.

Part de l’emploi national (direct et indirect) incorporé dans la demande finale étrangère en 2020 en %

 

 

La part de l’emploi national incorporée dans la demande finale étrangère représentait 19,8% de l’emploi total en France en 2020  (soit 5,6 millions de personnes) contre 27,4% dans la moyenne OCDE, pourcentage proche de celui de 2008 (19,4%). Les branches où ce pourcentage était le plus élevé sont les autres matériels de transport (aviation, construction navale, matériels ferroviaires.) (84,7%), la métallurgie (69,3%) et les équipements électriques (62,7%).

La part de l’emploi national incorporée dans la demande finale étrangère représentait 25% de l’emploi total en Allemagne en 2020, (soit 11,2 millions de personnes) . Les branches les plus concernées étaient les métaux de base (73,2%), les machines et équipements (66,2%), soit 52% pour les produits industriels contre 47% en France.

Au Royaume-Uni, le ratio global était un peu plus élevé qu’en France  (20,3%), soit 6,6 millions de personnes. De nouveau les les machines et équipements (49,7%) et les autres matériels de transport (48,8%) spnt en tête.

En Italie, le ratio global était de 22,3%, 5,6 millions de personnes, en hausse de 2,1 points par rapport à 2008 : métaux de base (74%), les machines et équipements (66,2%), équipements électriques (60%).

Au Danemark, le ratio global est de 27,5% avec des pointes pour les produits pharmaceutiques et la chimie (74%), les produits métalliques (66 %) et les machines et équipements (65,6 %). Mais d’autres produits industriels ou même de services ont des ratios très élevés comme le commerce ou les transports dépassant 60%.

Bien entendu le ratio global est encore plus élevé aux Pays-Bas (34,6%) avec toujours les mêmes produits en tête : les produits pharmaceutiques et la chimie (78%), les produits pétroliers raffinés (77%) mais aussi les transports (70%), voire les services aux entreprise ou les télécommunications-information et le commerce (60%).

Mais comme prévu, ce sont dans les pays de l’est de l’UE comme la Tchéquie que les ratios globaux sont les plus élevés (40,4%) avec une hausse de 3 points depuis 2008 et des produits industriels classiques en pointes : automobiles (90%), plastiques et caoutchouc (85,6%) et métaux de base (84%), le ratio pour l’ensemble des produits manufacturés atteignant 70%.

Aux États-Unis, le ratio global n‘est que de 7% (8,7% en 2008), confirmant la faible dépendance de ce pays aux exportations.

Mais c’est en Chine que la chute est la plus spectaculaire (amorcée à la fin des années 2000) : 13,5% en 2020 contre 20,5% en 2008, montrant ainsi que la Chine produit de plus en plus pour son marché domestique après la frénésie des exportations de 1995 à 2008. Ce ratio est le plus élevé pour les TIC et les matériels informatiques (43,4% mais 70% en 2008 contre 40% en 2000). De même le ratio du textile-habillement est en chute de 60% en 2008 à 39% en 2020 et pour les autres produits industriels.

Ce sont des pays de l’Asie du Sud-est comme le Viêt-Nam qui ont pris le relais avec un ratio de 44,7% contre 37,6% en 2008 et avec des ratios voisins de 95% dans les mêmes produits que la Chine exportait en 2008 : TIC et les matériels informatiques, textile-habillement, voire les plastiques et caoutchouc (plus de 90% à chaque fois).

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère en France en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère en Allemagne en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère au Royaume-Uni en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère en Italie en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère aux États-Unis en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère en Tchéquie en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère en Chine en % de l’emploi par branche

Part de l’emploi incorporé dans la demande finale étrangère auViêt-Nam en % de l’emploi par branche

 

 

 

 

 

 

b) Teneur en emploi des exportations de l’UE 

Le nombre de personnes employées dans l’UE ou dans certains États membres de l’UE soutenus par les exportations comprend non seulement l’emploi dans les entreprises qui exportent directement, mais aussi dans celles qui fournissent des biens et/ou des services pour soutenir la production de biens et de services exportés ; en d’autres termes, il inclut également l’emploi dans les entreprises en amont . Il peut s’agir d’emplois dans des entreprises du même secteur que l’exportateur ou d’un secteur différent (selon, en partie, le degré de détail d’une classification d’activité utilisée). De même, les exportations des entreprises d’un État membre peuvent soutenir l’emploi dans cet État membre ou dans un autre.

Au total, l’emploi de quelque 30 millions de personnes dans l’UE en 2021 a été soutenu par les exportations vers les pays tiers. Cet emploi soutenu par les exportations représentait 15 % de l’emploi total (210 millions de personnes), ce qui équivaut à un peu plus d’une personne sur sept employée dans l’UE.

L’Allemagne était l’État membre de l’UE avec le plus grand nombre d’emplois soutenus par les exportations de l’UE (graphique suivant) : en 2021, l’emploi de 6,9 ​​millions de personnes en Allemagne a été soutenu par les exportations de l’UE, y compris de l’Allemagne elle-même. Le niveau d’emploi soutenu par les exportations en Allemagne était légèrement supérieur au niveau combiné de l’emploi soutenu par les exportations en France et en Italie (chacune 3,4 millions de personnes), qui affichaient les niveaux les plus élevés suivants (voir tableau 1). En proportion de l’emploi total, l’emploi dans chacun des États membres soutenu par les exportations vers des pays tiers variait d’un peu plus de 1 sur 10 en Croatie (10,2 %) à environ un sur quatre en Bulgarie (23,3 %), au Luxembourg ( 25,2 %) et l’Irlande (26,6 %).

Emplois soutenus par les exportations de l’UE, 2020 (milliers)

 

La part de l’emploi soutenu par les exportations dans l’emploi total dans l’UE est passée de 12,8 % en 2011 à 14,5 % en 2021. Dans l’ensemble, l’emploi soutenu par les exportations dans l’UE a augmenté de 5,3 millions au cours de cette période. Environ un sixième de l’augmentation (851 000 personnes occupées de plus ; 16,1 % de l’augmentation de l’UE) a été enregistrée en Allemagne, suivie par l’Italie (715 000 personnes occupées de plus ; 13,6 % de l’augmentation de l’UE), la Pologne (606 000 personnes occupées de plus ; 13,6 % de l’augmentation de l’UE). 000 personnes occupées de plus ; 11,5 % de l’augmentation de l’UE) et la France (568 000 personnes occupées de plus ; 10,8 % de l’augmentation de l’UE).

 

Emploi soutenu par les exportations de l’UE, 2011 et 2021 (milliers)

La part de l’emploi soutenu par les exportations au sein de chaque État membre de l’UE peut être divisée en deux parties – l’effet national et l’effet d’entraînement – ​​avec une division supplémentaire de l’effet national entre effets directs et indirects : (voir l’encadré). En 2021, l’effet intérieur direct représentait 6,8 % de l’emploi total dans l’UE, tandis que l’effet intérieur indirect représentait 4,9 % et l’effet d’entraînement 2,8 % (graphique suivant)

En pourcentage de l’emploi total, l’emploi dans chacun des États membres de l’UE qui a été soutenu par les exportations de l’un des États membres de l’UE a culminé au Luxembourg (25,2%) et en Irlande (26,6%).

 

 

Part de l’emploi dans chaque État membre soutenu par les exportations de l’UE, 2021, (%)

L’ effet national direct représentait 47,1 % de tous les emplois soutenus par les exportations dans les États membres de l’UE en 2021. L’ effet domestique indirect représentait 33,8 % de tous les emplois soutenus par les exportations dans les États membres de l’UE en 2021. L’effet intérieur indirect représentait entre un cinquième et deux cinquièmes de l’emploi soutenu par les exportations dans tous les États membres sauf un : la part la plus faible était de 20,2 % en Lettonie tandis que la part la plus élevée – plus des deux cinquièmes – était de 42,7 % en Italie. Enfin, l’ effet d’entraînement représentait 19,1 % de tous les emplois soutenus par les exportations dans les États membres de l’UE en 2021.

L’Allemagne a été de loin le plus grand contributeur d’emplois soutenus par les exportations en raison des effets d’entraînement : 1,1 million de personnes employées en 2021 dans les États membres de l’UE autres que l’Allemagne ont été soutenues par les exportations allemandes (colonne Allemagne du tableau suivant hors case Allemagne). Sur ce chiffre, 211 000 se trouvaient en Pologne, 124 000 en France et 107 000 en Italie, tandis que l’Espagne (91 000), la Tchéquie (86 000), les Pays-Bas (78 000), l’Autriche (59 000), la Roumanie (54 000). 000) et la Hongrie (52 000) employaient chacune plus de 50 000 personnes, soutenues par les exportations allemandes. À titre de comparaison, les  contributeurs suivants aux retombées de l’emploi dans d’autres pays que le leur étaient l’Italie (633 000 personnes employées dans d’autres États membres), la France (595 000), les Pays-Bas (443 000) et l’Irlande (401 000).

Emploi dans chaque État membre (principaux pays) soutenu par les exportations de l’UE, 2021, (milliers)

Note de lecture : l’emploi de 576 000 personnes en Belgique a été soutenu par les exportations belges vers les pays tiers (effet intérieur) ; l’emploi de 8 000 personnes en Bulgarie a été soutenu par les exportations belges vers les pays tiers (partie de l’effet d’entraînement reçu en Bulgarie).

 

 

 

 

Michel Braibant

BIBLIOGRAPHIE

[1] https://www.oecd.org/fr/echanges/sujets/chaines-de-valeur-mondiales-et-commerce/ voir aussi https://www.oecd.org/fr/industrie/ind/contenu-en-emploi-de-la-demande-finale-exterieure.htm, voir aussi https://www.wto-ilibrary.org/content/books/9789287054302c008. voir aussi Rapport sur la propriété intellectuelle dans le monde 2017 – Le capital immatériel dans les chaînes de valeur mondiales https://www.wipo.int/publications/fr/details.jsp?id=4225

[2] https://ec.europa.eu/eurostat/documents/3888793/10109187/KS-TC-19-002-EN-N.pdf/8d9af6c5-efbf-9da5-e2cc-e4a74d616c08?t=1568878682000, voir aussi https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/economic-globalisation et https://publications.banque-france.fr/etablir-la-balance-des-paiements-une-mission-statistique-la-banque-de-france-depuis-1945

[3] Chaînes de valeur mondiales et dépendances de la production française, la Lettre du CEPII, n° 409, Juin 2020, http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2020/let409.pdf,voir aussi http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2015/let356.pdf

[4]  Guide pour la mesure de la production mondiale: présentation générale Commission économique pour l’Europe, Conférence des statisticiens européens, Soixante-deuxième réunion plénière Paris, 9-11 avril 2014, colloque de l’ACN, novembre 2014, https://www.insee.fr/fr/information/2387327, https://www.insee.fr/fr/information/1894371, voir aussi La place de la France dans les chaînes de valeur, Sébastien Miroudot, COSAPEE, France Stratégie, 25 mai 2016, OCDE, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/miroudot_cosapee_20160525.pdf, voir aussi https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/gvcdevreport_bprod_f.htm#:~:text=publications-,OMC%20%7C%20Rapport%20sur%20le%20d%C3%A9veloppement%20des%20cha%C3%AEnes%20de%20valeur%20mondiales,services%20et%20autres%20actifs%20immat%C3%A9riels.

[5] https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/les-chaines-de-valeur-internationales-lepreuve-de-la-covid-19, voir aussi Intégration de la chaîne de valeur des entreprises manufacturières tournées vers l’exportation et du marché intérieur, B. Michel, C. Hambÿe, B. Hertveldt, 21 janvier 2019 . https://voxeu.org/article/value-chain-integration-export-oriented-versus-domestic-oriented-firms

[6] Le modèle Avionic, modélisation input/output des comptes nationaux, A. Bourgeois et A. Briand, document G2019/02, avril 2019, Insee, https://www.insee.fr/en/statistiques/3970826 , voir aussi « Le « made in France » : 81 % de la consommation totale des ménages, mais 36 % seulement de celle des biens manufacturés  » https://www.insee.fr/fr/statistiques/4166056

[7] https://ec.europa.eu/eurostat/web/esa-supply-use-input-tables/information-data#figaro ,voir aussi https://www.oecd.org/sti/ind/measuring-trade-in-value-added.htm

[8] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Category:Foreign_direct_investment_(FDI), voir aussi https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Trade,_investment_and_employment_as_aspects_of_globalisation#Foreign_direct_investment_.28FDI.29

[9] Sourcing international et relocalisation de fonctions commerciales, Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=International_sourcing_and_relocation_of_business_functions, voir aussi https://www.insee.fr/fr/statistiques/6667157, voir aussi Les délocalisations industrielles dans les mutations des systèmes productifs français, D. Messaoudi, https://journals.openedition.org/rge/5153, voir aussi Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française, P. Aubert, P. sillard, Insee, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1371891?sommaire=1371896#:~:text=Les%20d%C3%A9localisations%20sont%20d%C3%A9tect%C3%A9es%20lorsque,biens%20auparavant%20produits%20en%20France.

[10] études de l’OCDE : https://www.oecd.org/industry/ind/tiva-2018-flyer.pdf , voir aussi https://www.oecd.org/industry/ind/TIVA-2018-France.pdf, voir aussi https://www.oecd.org/fr/industrie/ind/contenu-en-emploi-de-la-demande-finale-exterieure.htm, voir aussi https://www.oecd.org/fr/sti/ind/TIVA_stats%20flyer_FRA.pdf, voir aussi https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Employment_content_in_EU_exports_-_an_analysis_with_FIGARO_data#Whole_economy_.E2.80.93_all_industries_combined[

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)